Pourquoi l'ONERA perd de plus en plus ses jeunes chercheurs

Par Michel Cabirol  |   |  647  mots
"Les salaires sont à qualification équivalente, inférieurs de 300 euros par mois en moyenne à ceux proposés par la DGA, qui, à l'embauche, offre un salaire plus élevé que l'office", précise le député LREM Didier Baichère à propos de l'ONERA. (Crédits : ONERA)
Outre les départs à la retraite, l'ONERA est confronté à des départs non souhaités de jeunes chercheurs faute de salaire et de perspectives en adéquation avec le marché de l'emploi.

L'ONERA est bel et bien ce bijou technologique que l'Etat laisse désespérément en jachère. Bien que reconnu dans le monde entier, cet institut de recherche du ministère des armées dans le domaine aérospatial ne décolle pas faute de disposer de budgets de recherche en adéquation avec son savoir-faire et ses compétences. Et les rapports parlementaires sur l'ONERA se suivent et se ressemblent, diagnostiquant tous une anémie budgétaire. Mais rien ne se passe du côté de la tutelle en dépit d'une prise de conscience politique sur l'incroyable richesse de l'ONERA en matière de recherche dans le domaine de la défense et de l'aérospatial. La ministre des Armées Florence Parly s'était elle-même enthousiasmée pour l'ONERA en janvier dernier lors de sa visite à Palaiseau : "Je veux être la ministre de l'innovation, de l'audace, de l'excellence, je me devais donc de me rendre à l'ONERA".

Mais en 2020, l'ONERA sera encore et toujours réduit au pain sec même si le ministère des Armées a royalement accordé une augmentation de 1 millions d'euros à la subvention accordée à l'ONERA, passant de 104,66 millions à 105,71 millions d'euros. Toutefois, l'institut de recherche perdra l'année prochaine 2 millions de dotation en fonds propre par rapport à 2019. Résultat, la subvention publique globale baisse de près de un million. Elle ne couvre d'ailleurs pas la masse salariale, qui s'élevait en 2019 à 154,1 millions d'euros (1.760 salariés). L'ONERA complète ses recettes en gagnant des contrats auprès des organismes publics français et européens (DGA, DGAC, ESA...) et des industriels. Ainsi, la prévision d'activité contractuelle pour 2019 est de 126 millions d'euros, en progression de 8,5 millions d'euros par rapport à 2018.

De nombreux départs inquiétants

"Je suis, je l'avoue, assez inquiet de la situation de l'ONERA : il rassemble des compétences critiques dans le domaine aérospatial, mais le nombre considérable de départs à la retraite, auxquels, fait encore plus inquiétant, se sont ajoutées près de trente démissions de personnels recrutés depuis moins de trois ans, traduit un réel problème de positionnement", explique le rapporteur pour avis du budget Environnement et prospective de la politique de défense, le député LREM des Yvelines, Didier Baichère. Pour un organisme de recherche amont de premier rang mondial, approché par SpaceX, cette situation n'est plus tenable.

L'ONERA semble effectivement confronté à de nombreux départs non souhaités (29 en 2018, 22 à fin septembre 2019) essentiellement en raison des rémunérations trop faibles pour attirer et fidéliser les jeunes chercheurs. "Les salaires sont à qualification équivalente, inférieurs de 300 euros par mois en moyenne à ceux proposés par la DGA, qui, à l'embauche, offre un salaire plus élevé que l'office", précise Didier Baichère, qui préconise de revoir le contrat d'objectifs et de performance (COP). Pourquoi ? L'ONERA, estime-t-il, devrait voir son rôle renforcé dans le cadre de l'innovation de défense et obtenir davantage d'études contractuelles sur des programmes tels que le système de combat aérien du futur ou le démonstrateur hypersonique.

"Une solution doit donc être trouvée pour remédier à cette situation" que le rapporteur pour avis "trouve particulièrement préoccupante". La ministre des Armées évoquait pour l'ONERA une nouvelle dynamique en janvier dernier :"Et ce futur, nous ne le bâtirons pas sans vous. L'ONERA a toute sa place pour ces armées modernes. Il en est un des fers de lance, un des pionniers". Elle avait donc demandé "à la DGA de discuter" avec le PDG de l'ONERA Bruno Sainjon "du rôle renforcé que pourra jouer l'ONERA dans la remontée en puissance de nos Armées". Soit un énorme décalage entre les propos et la réalité. Et faute de carburant supplémentaire, l'ONERA n'est pas prêt de décoller...