ONERA : la grande soufflerie S1 de Modane à nouveau à la mode

Les constructeurs aéronautiques retrouvent le chemin de l'ONERA pour tester à nouveau leurs aéronefs dans les souffleries du centre français de recherche aérospatiale. Sur la période 2017-2027, le taux d'utilisation pourraient s'élever à 80% de leurs capacités.
Michel Cabirol
Selon les projections du patron des souffleries de l'ONERA Patrick Wagner portant sur la période 2017-2027, les souffleries pourraient dégager un chiffre d'affaires annuel au-delà de 30 millions d'euros.

Tout le monde la croyait sauvée, ce n'est pas (encore) le cas mais c'est en très, très bonne voie... "Le chantier est complexe mais maîtrisé", explique le patron de la direction des souffleries de l'ONERA, Patrick Wagner à propos de la grande soufflerie S1 de Modane-Avrieux (S1MA), qui était à l'automne dernier en très grand danger. Il était alors question de vie ou de mort.  Car aujourd'hui, cette soufflerie stratégique pour l'industrie aéronautique française, qui menaçait de s'effondrer en raison d'un affaissement des sols, repose sur une immense dalle de béton de 18.000 m3 coulée par Spie Fondations à partir de 300 puits forés à 20 mètres de profondeur.

"Les sols continuent de travailler, les bâtiments aussi, explique à La Tribune Patrick Wagner, mais le phénomène semble aujourd'hui maîtrisé. Il n'y a pas eu de nouvelle fissure sur le bâtiment, qui abrite la soufflerie. Bien sûr, nous surveillons la soufflerie S1MA 24 heures sur 24 grâce à tous les capteurs que nous avons installés. Nous sommes très confiants sur l'issue".

Prochaine étape, injecter du mortier à partir de 20 à 25 puits profonds de 50 mètres pour continuer à stabiliser la soufflerie S1 capable de monter jusqu'à la vitesse du son (1.200 km/h). Un sauvetage qui coûte au total 20 millions d'euros à la France, dont 15 millions ont été engagés. Le solde sera utilisé en 2017 et 2018. "Nous avons justifié le besoin", assure Patrick Wagner. Au-delà du sauvetage de S1MA, les souffleries de l'ONERA ont également besoin d'une modernisation dont le financement est évalué à 80 millions d'euros : 55 millions pour une remise à niveau des infrastructures et 21 millions pour une modernisation de la métrologie (techniques de mesure).

Changement des pales de S1MA, une opération complexe

L'ONERA est également en train de changer pour la première fois depuis sa mise en service en 1952 les 22 pales des deux ventilateurs contrarotatifs de 15 mètres de diamètre pour un montant évalué à 15 millions d'euros au total, dont 6 millions autofinancés. Des pales qui pèsent chacune une tonne tandis que les moyeux 40 tonnes chacun. Ce qui prouve que le centre français de recherche aérospatiale a foi dans le sauvetage de S1MA, qui a une puissance inégalée dans le monde avec près de 100 mégawatts pour un débit de 10 tonnes d'air brassées à la seconde. Soit 1/1000e de la puissance totale d'EDF installée en France.

Le changement des ventilateurs n'a pas été une sinécure pour l'ONERA. Le projet a démarré en 2005 mais a connu un échec très rude en 2008 quand les nouvelles pales en acier se sont fissurées très rapidement. La soufflerie dans son utilisation actuelle augmente le domaine de vol, les ventilateurs sont donc beaucoup plus sollicités que par le passé. "Il fallait trouver des pales qui ne fatiguent pas, comprendre les modes de vibrations d'un tel équipement et inventer des techniques de soudure", explique Patrick Wagner. Ce qui n'était pas simple puisque cet équipement unique au monde a été fabriqué sur le modèle d'ailes d'avions par les Allemands pendant la Seconde Guerre Mondiale. Mais l'ONERA devait faire évoluer leur conception pour répondre aux besoins nouveaux.

Le patron des souffleries a dû consulter des chercheurs (collège de l'X) et a échangé avec EDF pour trouver de nouvelles pales plus résistantes. Finalement la solution est venue à la fois de l'ONERA et d'une PME française Solyvent-Ventec, spécialisée en ventilation industrielle et nucléaire (rachetée par l'allemand Howden SV). Les nouvelles pales hybrides (acier et composite), fabriquées depuis juillet 2015, vont être installées en juillet 2017. La partie composite des pâles est fabriquée par une PME, Duqueine en région Rhône Alpes et la partie métallique / en acier par BFR, une entreprise italienne près de Venise. Plus performantes et d'un rendement supérieur aux pales d'origine, elles devraient supporter beaucoup mieux des essais poussés jusqu'à Mach 0,95 en veine (10 tonnes d'air brassés à la seconde). Les essais seront lancés dès le mois d'août et les nouvelles pales devraient être mises en service en septembre. La soufflerie doit être prête à accueillir son premier client en octobre.

Les souffleries de Modane à nouveau à la mode

La grande soufflerie S1 de Modane-Avrieux, qui est stratégique dans le modèle économique des huit très grandes souffleries de l'ONERA, "retrouve de la popularité" après un creux d'activité ces dernières années, explique Patrick Wagner. Certaines souffleries tournaient seulement à 15% de leur capacité. Toutefois, selon les projections du patron des souffleries portant sur la période 2017-2027, le taux d'utilisation des souffleries pourraient se situer à 80%. Soit un chiffre d'affaires annuel au-delà de 30 millions d'euros.

En moyenne, une campagne de deux semaines génère un chiffre d'affaires de l'ordre de 1,3 million d'euros (environ 100.000 euros par jour). Des projections qui s'appuient sur les nouveaux projets civils et militaires des avionneurs dans le monde. "Il faut que l'on soit au rendez-vous des clients", estime Patrick Wagner. D'autant qu'en 2016 près de 70% du chiffre d'affaires des souffleries de l'ONERA a été réalisé à l'international (hors Europe).

Michel Cabirol

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Commentaire 1
à écrit le 12/06/2017 à 17:23
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Merci à notre ex ministre de la défense. Sans son action Modane aurait fermé

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