Pourquoi la modernisation des Mirage 2000 indiens peut aider le Rafale en Inde

Par Michel Cabirol  |   |  1221  mots
Les deux premiers Mirage 2000 indiens modernisés ont été livrés à New Delhi.
Grâce au programme de modernisation des Mirage 2000 indiens, Dassault Aviation et ses partenaires démontrent à New Delhi qu'ils transfèrent la technologie à l'industrie aéronautique indienne.

Pour Dassault Aviation et ses partenaires Thales et Safran, la livraison mercredi à Istres - en présence de l'ambassadeur indien en France, Arun K. Singh -, de deux Mirage 2000 modernisés au standard I/TI (ex-Mirage 2000 A/C 1 et 2) à l'Inde dans les délais, ne peut qu'être bénéfique pour la conclusion du contrat Rafale avec New Delhi. En tout cas, si cette opération n'est pas décisive pour faire gagner le Rafale en Inde, elle ne pourra pas non plus nuire à cette vente tant la bonne coopération entre les industriels français et le groupe indien de référence dans le domaine de l'aéronautique Hindustan Aeronautics Limited (HAL) sur la modernisation des 51 Mirage 2000H, a permis à ce programme de se dérouler dans les délais prévus.

Un programme de modernisation mené à bien

Évidemment, le PDG de Dassault Aviation, Eric Trappier, avait tout cela en tête lors de la cérémonie de remise des deux appareils à l'armée de l'air indienne. "Le Rafale est le pas suivant logique", a-t-il expliqué dans son discours. Et de préciser que moins de quatre ans après la signature du contrat en juillet 2011 après plus de dix ans de discussions (1,4 milliard d'euros hors armement, dont 1 milliard pour Thales), l'armée de l'air indienne (IAF) a accepté les deux Mirage 2000 modernisés, qui étaient arrivés à Istres en décembre 2011.

Le Mirage 2000 biplace modernisé a volé comme prévu le 5 octobre 2013 et le monoplace fin 2013 au terme d'une période de deux ans consacrée au développement du kit équipements de Thales, comprenant le radar, des systèmes de guerre électronique et le calculateur de mission. Technologiquement ambitieuse car basée sur l'intégration d'équipements et systèmes de dernière génération, la première phase du programme a été conduite avec succès en France, conformément au calendrier initialement défini.

Bref, Dassault Aviation et ses partenaires ont mené jusqu'ici à bien ce "programme ambitieux" et ont démontré qu'ils avaient rempli l'ensemble de leurs engagements, y compris en termes de calendrier, et sans dérapage de coûts. Pour Eric Trappier, "répondre aux demandes des clients en termes de calendrier et de performance est un grand succès".

Le Mirage 2000, Un bon exemple du "Make in India"

Ce programme de modernisation permet également de répondre à la volonté de New Delhi d'obtenir des  transferts de technologies au profit de son industrie aéronautique indienne. Le Premier ministre indien Narendra Modi promeut depuis plusieurs mois sur tous les tons la stratégie du "Make in India" (fabriqué en Inde, ndlr), son leitmotiv sur le plan économique avec ses partenaires étrangers. Même s'il ne joue pas toujours le jeu. Le contrat prévoit que la modernisation des appareils suivants les deux premiers sera effectuée à Bangalore, en Inde, sous la responsabilité de HAL, le partenaire indien de Dassault Aviation dans le cadre du contrat Rafale également. Une opération qui est sous la responsabilité de HAL.

"Partenaires privilégiés des forces armées indiennes, nous avons développé une solide supply chain qui a largement contribué à assurer la réussite du programme de modernisation du Mirage 2000. Et nous sommes bien sûr prêts à poursuivre et renforcer ce travail d'équipe", a expliqué pour sa part le directeur général adjoint systèmes de mission de défense de Thales, Pierre-Eric Pommellet, qui a estimé que le Team Rafale (Dassault Aviation, Thales et Safran) a "déjà une infrastructure sur place". Ce qui a permis à Dassault Aviation et à ses partenaires de renforcer des partenariats et de découvrir de nouvelles sociétés privées en Inde, qui "montent en puissance", selon Eric Trappier. Notamment Axis, Avio, Centum, Rangsons, Samtel...

Un programme qui servira au Rafale

Bien que largement moins complexe que le contrat Rafale, le programme de modernisation des Mirage 2000H indien permet de démontrer aux autorités indiennes que le système mis en place par Dassault Aviation et ses partenaires fonctionne bien et répond à leurs attentes. Le contrat Rafale prévoit la fabrication de 18 appareils en France puis de 108 avions sous licence sur place, et implique des transferts de technologie en Inde. Pour les industriels, cela signifiait l'identification de partenaires indiens pour établir la chaine d'approvisionnement, ce qui a été précisément fait avec le contrat Mirage 2000.

"Nous savons transférer des savoir-faire en Inde, a fait valoir Eric Trappier lors d'une conférence de presse. Et le programme de modernisation est une belle preuve d'un transfert de technologies réussi". Concrètement, a précisé Pierre-Eric Pommellet, "un grand nombre de sous-ensemble sont fabriqué en Inde". Et d'ajouter que Dassault Aviation, Thales et Safran avait "permis à la supply chain française de se projeter en Inde afin de découvrir des partenaires indiens et de créer des entreprises communes". Ce qui est le cas pour un certain nombre d'entre elles.

Des équipes de Dassault Aviation et de Thales sont en Inde depuis mai 2014 pour aider HAL à moderniser les troisième et quatrième Mirage 2000 à Bangalore, qui devraient être livrés à l'IAF dans le courant du second semestre 2015, selon Dassault Aviation. HAL devra toutefois être "à terme autonome", a rappelé le PDG de l'avionneur. "Capable de recevoir ces technologies", selon lui, Le groupe public indien connait déjà bien le Mirage 2000, il effectue le support des appareils de l'IAF et a déjà réalisé une grande visite du Mirage 2000, a rappelé Eric Trappier. "L'Inde progresse", a-t-il fait observer.

Dans ce contexte, le contrat de modernisation du Mirage 2000 "pave le chemin pour un défi bien plus grand, le programme Rafale en Inde". La vente du Rafale sera l'occasion d'élargir encore un peu plus le réseau de partenaires indiens pour mener à bien le programme. Toute la supply chain a d'ailleurs en poche des protocoles d'accord pour la création d'entreprises communes en vue de transférer les licences et les technologies du Rafale si New Delhi signe enfin le contrat.

Et le Rafale?

Eric Trappier s'est réjouit que le Rafale réponde aux demandes de l'aviation militaire indienne et que les difficultés autour de la responsabilité industrielle des appareils fabriqués en Inde étaient réglés. "Vous pouvez imaginer ma satisfaction d'entendre de la part du chef d'état-major de l'armée de l'air indienne qu'il veut un avion éprouvé au combat, le Rafale", a-t-il expliqué. "Et de la part du patron de HAL que nous avions un accord sur le partage des responsabilités". Il a rappelé que Dassault Aviation avait accepté qu'un seul contrat couvre l'ensemble des aspects afin d'apporter les garanties nécessaires aux yeux du ministère indien de la Défense.

Le contrat est à présent "finalisé à 95%", a-t-il précisé, en indiquant que le travail actuel avec le ministère indien consiste à passer en revue l'ensemble des milliers de pages du contrat. "Je voudrais que l'on puisse aller vite (mais) c'est un énorme contrat. Comme je l'ai déjà dit, je préfère que nous prenions du temps maintenant (...) plutôt que d'avoir des problèmes plus tard", a-t-il expliqué. Dassault Aviation est en négociation exclusive avec New Delhi depuis janvier 2012 avec l'Inde pour la vente des 126 Rafale.