Safran : les obstacles pour créer deux usines en France se lèvent

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  767  mots
(Crédits : Gonzalo Fuentes)
Après le coup de gueule du patron de Safran devant les difficultés rencontrées pour créer deux usines en France, les obstacles se sont levés pour une usine qui ouvrira au Haillan, près de Bordeaux. Et l'État promet d'apporter des réponses pour l'ouverture d'une usine près de Villeurbanne.

Bruno Le Maire et le gouvernement évitent l'affront. L'affront de voir un grand groupe industriel français, souhaitant investir 300 millions d'euros pour créer deux usines dans l'Hexagone avec 300 emplois à la clé, faire le choix d'aller à l'étranger en raison des lourdeurs administratives françaises. Une hypothèse que n'avait pas exclue le directeur général de Safran, Philippe Petitcolin, lors de la présentation des résultats financiers 2018, le 27 février dernier.

"Ce n'est pas facile, il faut vraiment en avoir envie. Mais je veux aller jusqu'au bout pour réaliser ces deux implantations en France. La solution de simplicité serait de s'installer à l'étranger où des aides nous sont offertes à bras ouverts avec des gens qui souhaitent travailler avec nous", avait-il déclaré, dénonçant "un ensemble administratif extrêmement complexe dans lequel chacun a son domaine de responsabilité et ne va pas au-delà".

Et d'ajouter  :

"Au final, cela ne donne rien. Il faut faire soi-même le liant et, même avec cela, on constate qu'il n'y a pas toujours l'appétit pour pouvoir attirer les entreprises. On a peut-être plus d'appétit pour les entreprises étrangères que pour les entreprises françaises, même si elles sont les plus belles du monde."

Avec la fermeture de l'usine de Ford à Blanquefort près de Bordeaux et les menaces qui pèsent sur l'aciérie d'Ascoval, un tel scénario aurait fait désordre pour le ministre de l'Économie et des Finances, secoué par ailleurs par le refus de Bruxelles de valider la fusion entre Alstom et Siemens ou, encore, par le coup de force de l'État hollandais dans Air France-KLM. Il n'en sera rien: une usine sera construite en France et l'État s'active pour que la deuxième le soit aussi.

30 à 50 reclassements des salariés de l'usine de Ford de Blanquefort

Les obstacles d'ordre administratif soulevés par Safran ont en effet été levés pour son projet de création d'une usine de fabrication de pièces en 3D. Le groupe aéronautique a confirmé ce mercredi le choix du Haillan, près de Bordeaux. Un accord avec la région Nouvelle-Aquitaine a permis à Safran "d'obtenir le soutien nécessaire", selon Philippe Petitcolin, pour la création d'un campus global regroupant des activités de recherche, de développement, de production et d'usinage. La construction devrait commencer en 2020 pour une ouverture en 2021. Au total, 200 emplois seront créés, avec la possibilité de reclasser 30 à 50 salariés de Ford de l'usine voisine de Blanquefort.

Le Maire promet des réponses d'ici à 15 jours pour la deuxième usine

L'implantation d'un deuxième site en France, pour la construction cette fois de pièces en carbone, n'est pas encore gagnée. Permettant de créer une centaine d'emplois, cette implantation pourrait néanmoins se faire sur un site proche de l'usine de Safran de Villeurbanne qui produit déjà de telles pièces. Mais, ceinturée par des habitations, celle-ci ne peut pas être agrandie.

Mardi, Bruno Le Maire, à l'issue d'une rencontre avec Philippe Petitcolin, déclarait:

 "Il y a un certain nombre de difficultés à régler. Nous voulons les régler. Je suis prêt à répondre aux questions concrètes soulevées par Safran. Il y a des difficultés liées au coût du terrain. Le président de Lyon Métropole s'est engagé à le réduire sur l'un des deux sites potentiels. Il y a ensuite des difficultés qui relèvent de l'État. Elles tiennent au coût du raccordement [en électricité et en gaz, Ndlr], aux dispositions liées à l'environnement, au soutien à la recherche et à l'innovation."

Il ajoutait :

"J'ai demandé à mes services d'apporter sous 15 jours des réponses très concrètes aux demandes de Philippe Petitcolin pour qu'il puisse prendre une décision positive sur ce site. Il y a d'autres sites à l'étranger en concurrence. Il faut se battre."

Safran dispose aujourd'hui de deux autres usines de production de pièces en carbone  aux États-Unis et en Malaisie. Pour autant, l'affaire semble bien engagée en France. On imagine mal Bruno Le Maire revenir dans 15 jours en disant qu'il n'a pu trouver les réponses à Safran.

"Tout cela montre que nous avons des efforts importants à faire pour simplifier nos procédures et permettre à nos industriels de se développer en France. Il faut tirer toutes les leçons de ce qu'il s'est passé avec Safran", a expliqué le ministre.

Le plus triste dans cette histoire, c'est qu'il aura fallu un tel coup de gueule pour sensibiliser les pouvoirs publics.