SpaceX, le pari gonflé mais réussi du milliardaire américain Elon Musk

Par MC avec agences  |   |  1028  mots
"Je crois que c'est un moment révolutionnaire. Personne n'avait encore ramené intact sur Terre un lanceur de classe orbitale", a expliqué le PDG de SpaceX
Six mois seulement après l'explosion d'une Falcon 9, SpaceX a réussi à faire revenir le premier étage de son lanceur et mettre les satellites en orbite.

Pari gagné pour Elon Musk et SpaceX. Six mois après l'explosion d'une Falcon 9, la société du milliardaire américain a réussi lundi pour la première fois à faire décoller son lanceur et à récupérer ensuite le premier étage de son lanceur, revenu atterrir en douceur sur Terre après 11 minutes de vol. Pourtant pour la plupart des observateurs, c'était un pari gonflé, voire risqué, six mois seulement après l'échec de fin juin. Le modèle de lanceur utilisé ce mardi était toutefois différent de celui qui a explosé le 28 juin.

La fusée a décollé à 20h29 (01h29 GMT mardi) de Cap Canaveral en Floride, dans le sud-est des Etats-Unis. Après quelques minutes d'ascension, l'imposant premier étage de la fusée, qui lui procure sa puissance au décollage, s'est détaché et a commencé à retomber vers la Terre pendant que le deuxième étage continuait à propulser les satellites vers l'espace. A l'aide de moteurs qui ont ralenti sa chute, le premier étage a atterri en douceur 11 minutes après le décollage, en position verticale, a-t-on pu voir sur les images de l'opération diffusées en direct par la société d'Elon Musk. Jusqu'ici SpaceX n'avait jamais réussi, malgré plusieurs tentatives de faire atterrir le lanceur sur une plateforme en mer.

"Falcon a atterri", a déclaré le commentateur au milieu des cris d'enthousiasme de centaines d'invités qui ont assisté à l'opération depuis le centre de commandement à Hawthorne, en Californie.

Satellites mis en orbite

Le deuxième étage de la fusée a quant à lui réussi dans les minutes suivantes à larguer comme prévu ses 11 satellites en orbite basse autour de la Terre, des satellites de la société de communication Orbcomm. "Je n'arrive pas à y croire", a déclaré au cours d'une téléconférence après le lancement, Elon Musk également fondateur du constructeur de voitures électriques Tesla. "Je crois que c'est un moment révolutionnaire. Personne n'avait encore ramené intact sur Terre un lanceur de classe orbitale", a expliqué le PDG de la société californienne d'exploration spatiale.

La Nasa a salué l'exploit. "Félicitations @SpaceX pour votre retour réussi du premier étage sur Terre!", a tweeté l'agence spatiale américaine.

La fusée a atteint une altitude de 200 kilomètres avant que le premier étage ne redescende vers la Terre et ne se pose sur un ancien centre d'essais de fusées et de missiles de l'US Air Force qui avait été utilisé pour la dernière fois en 1978. Récupérer le premier étage de ses fusées Falcon 9 permettra à SpaceX d'effectuer de substantielles économies à l'avenir. L'entreprise avait tenté à plusieurs reprises, jusque-là sans succès, de faire atterrir le lanceur sur une plateforme en mer.

Les retombées financières sont énormes. Récupérer un lanceur de manière routinière pour pouvoir le réutiliser, permettrait de réduire fortement le coût de la mise en orbite.Pour autant, il faudra  attendre de voir si le modèle économique d'un retour sur Terre du premier étage."L'enjeu le plus difficile n'est pas de récupérer le premier étage du lanceur mais de le refaire décoller à un coût acceptable", avait expliqué début 2015 le président du CNES? Jean-Yves Le Gall. Les Américains se sont déjà heurtés à cette dure réalité avec la navette spatiale, qui devait parvenir à un équilibre économique avec 20 lancements par an, explique-t-on au CNES. Soit un rêve inaccessible pour la NASA à l'époque.

Des enjeux économiques élevés

Les enjeux du lancement de lundi étaient élevés. Il s'agissait du premier vol d'une fusée de SpaceX depuis l'explosion d'un lanceur Falcon 9 le 28 juin dernier peu après son décollage de Cap Canaveral. La défaillance d'une fixation qui retenait un conteneur d'hélium dans le deuxième étage de la fusée est probablement à l'origine de cet accident, selon l'enquête. C'était le premier revers pour SpaceX après dix-huit lancements réussis, dont six sur douze prévus pour livrer du fret à la Station spatiale internationale (ISS) dans le cadre d'un contrat de 1,6 milliard de dollars avec la Nasa. Le lanceur Falcon 9, qui a volé lundi, est une nouvelle version 30% plus puissante, ce qui devait aussi améliorer le contrôle du premier étage lors de son retour à grande vitesse dans l'atmosphère.

En novembre, un autre milliardaire à talents multiples, Jeff Bezos, le fondateur d'Amazon, avait réussi à faire atterrir sa fusée New Shepard après un vol suborbital. Un exploit, mais moins difficile à accomplir que ce qu'a réalisé Elon Musk dont le lanceur est allé en orbite, selon les experts. Jeff Bezos a lui aussi salué sur Twitter la réussite du vol de SpaceX.

Et la France?

Face à la menace de la société américaine de lancement de satellites SpaceX détenue par le milliardaire Elon Musk notamment, la France se met en ordre de bataille pour ne pas se faire distancer par la concurrence dans le domaine des lanceurs réutilisables... même si aujourd'hui le modèle économique n'a pas encore été démontré. Mais les opérateurs de tout poil, dont SES, veulent à tout prix réduire les coûts d'accès à l'espace pour développer de nouveaux marchés, jusqu'ici freinés par les prix des lancements.

"Dans un contexte de concurrence exacerbée, le CNES et l'ONERA (le centre de recherche aérospatiale, ndlr) ont décidé de mettre en commun leurs compétences pour envisager la faisabilité de futurs lanceurs réutilisables", a expliqué le président du CNES, Jean-Yves Le Gall dans un communiqué conjoint du Centre national d'études spatiales et ONERA publié vendredi. Sur son site internet, l'ONERA a précisé que "pour que l'Europe puisse continuer à disposer sur le long terme d'un lanceur qui reste économiquement viable et donc d'un accès indépendant à l'espace, il est temps d'étudier et de préparer un lanceur qui permette de franchir une nouvelle étape dans la baisse des coûts, au-delà des progrès d'Ariane 6".