Glyphosate : la justice de l'UE défend le droit à l'information

Par AFP  |   |  730  mots
La justice européenne reconnaît ainsi la supériorité du droit à l'accès à l'information relative à des émissions dans l'environnement par rapport à la protection d'intérêts commerciaux. (Crédits : Yves Herman)
Dans un jugement publié jeudi, le Tribunal de l'Union européenne annule un ensemble de décisions de l'Agence européenne de la sécurité des aliments. Elle avait refusé à des députés européens l'accès à des études sur les risques de cancer liés au pesticide.

Le Tribunal de l'Union européenne a estimé que l'intérêt du public à accéder à l'information en matière d'environnement était supérieur à l'intérêt commercial, dans une décision publiée jeudi en lien avec le renouvellement de la licence du glyphosate. La juridiction a annulé des décisions de l'Agence européenne de la sécurité des aliments (EFSA), qui avait refusé la demande de députés européens d'accéder à une partie des études non publiées sur les risques de cancer liés au glyphosate.

"La divulgation des informations qui ont trait à des émissions dans l'environnement (...) est réputée présenter un intérêt public supérieur par rapport à l'intérêt tiré de la protection des intérêts commerciaux", est-il expliqué dans un communiqué.

Par ailleurs, le tribunal estime que "l'intérêt du public à accéder aux informations relatives aux émissions dans l'environnement est de savoir non seulement ce qui est, ou sera de manière prévisible, rejeté dans l'environnement, mais aussi de comprendre la manière dont l'environnement risque d'être affecté par les émissions en question".

Une "victoire historique"

L'eurodéputée Verts Michèle Rivasi, à l'origine de la saisine du tribunal avec des collègues écologistes, a salué une "victoire historique".

"Si on n'avait rien fait, c'étaient les lobbies qui prenaient le pouvoir. Il faut que les lobbies respectent la réglementation et les politiques", a-t-elle déclaré à l'AFP.

"Sur la confidentialité des documents, la Cour de justice européenne nous donne gain de cause sur toute la ligne. Maintenant quand les législateurs ou une agence donnent un avis scientifique, s'il n'y a pas accès aux documents ils sont attaquables", a-t-elle ajouté.

L'EFSA a estimé qu'il s'agissait d'une décision "importante".

L'arrêt du Tribunal "fournit une orientation à l'EFSA et aux autres organismes chargés d'interpréter la législation de l'UE sur l'accès du public aux documents", a expliqué un porte-parole de l'agence basée à Parme (Italie).

Deux mois pour contester la décision

De son côté, la Commission européenne a rappelé sa proposition pour plus de transparence dans l'évaluation des risques dans le chaîne alimentaire. Selon cette proposition, sur laquelle le Parlement européen et les Etats membres ont récemment trouvé un compromis qui doit encore être ratifié, "toutes les études scientifiques et information en lien avec les demandes d'évaluation scientifique à l'EFSA, vont, à l'avenir, être rendues publiques de façon proactive et automatique, tôt dans la procédure d'évaluation des risques, c'est-à-dire sans demande préalable", a expliqué une porte-parole.

"En tant qu'industrie, nous nous sommes engagés volontairement, en 2018, à rendre publiques toutes les données relatives à la sécurité provenant d'études pour montrer que nous n'avons rien à cacher. Nous demeurons pleinement attachés à cet objectif", a réagi de son côté Graeme Taylor, porte-parole de l'association européenne de l'industrie phytosanitaire, l'ECPA.

La décision peut néanmoins être contestée dans un pourvoi, dans un délai de deux mois, soit par l'EFSA, soit par le groupe Monsanto qui s'est associé à l'agence européenne dans ce dossier, selon une source au Tribunal.

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Une substance classée comme "probablement non cancérogène" par l'Efsa

Le renouvellement de la licence de cet herbicide controversé dans l'UE, l'une des substances les plus utilisées dans l'industrie phytosanitaire, avait donné lieu à une saga, avant d'obtenir un feu vert pour cinq ans. Le classement par l'Efsa de la substance comme "probablement non cancérogène", qui avait ouvert la voie à sa ré-autorisation dans l'UE, avait notamment alimenté la controverse, quelques mois après l'avis contraire rendu par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), un organisme de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Quatre eurodéputés Verts, dont Mme Rivasi, avaient demandé en mai 2017 l'accès aux "parties relatives au 'matériel, conditions expérimentales et méthodes' et aux 'résultats et analyse' des études sur la cancérogénicité du glyphosate non publiées", des documents refusés par l'EFSA au nom de la protection des intérêts des entreprises qui avaient fourni des rapports d'études. Ils avaient saisi la justice de l'UE pour contester cette décision.