Rideau à Amiens Nord : comment Goodyear en est arrivé là

Par Adeline Raynal  |   |  897  mots
1.173 spostes sont suppromés à l'usine d'Amiens nord de Goodyear. Copyright Reuters
La direction vient d'annoncer ce jeudi la fermeture de l'usine d'Amiens nord, mais cela fait des années que le climat social est particulièrement tendu sur ce site de production de pneumatiques de la Somme. 1.173 personnes viennent d'apprendre qu'elles perdent leur emploi mais Arnaud Montebourg souhaite relancer les négociations.

"Le coût des pneus produits à Amiens nord est de 75 euros, comparé au prix de vente moyen qui s'élève à 40 euros dans le segment des pneus tourisme en Europe", notait Goodyear dans une note récemment diffusée. Depuis des années, le site d'Amiens Nord n'est plus rentable économiquement. Ce jeudi, c'est carrément la fermeture du site Goodyear d'Amiens nord qui vient d'être annoncée lors d'un Comité Central d'Entreprise. Mais cela fait des années que le climat social est très tendu sur ce site et 1.250 personnes craignaient de se retrouver au chômage. Récit d'un feuilleton où le bras de fer entre la direction de l'usine d'Amiens nord et les syndicats, CGT en tête, n'en fini pas.

? 2007 : La direction de Goodyear souhaite réorganiser le temps de travail des salariés pour des horaires en 4x8 (qui rend possible des sessions de travail les week-ends). Le but affiché ? Sauvegarder pas moins de 402 emplois. Le site d'Amiens sud accepte la proposition, alors que celui d'Amiens nord le refuse suite à la ferme opposition de deux syndicats : la CGT et SUD.

? 2008: La direction de l'usine d'Amiens nord organise un référendum et pose la question suivante aux salariés: «pour la sauvegarde de votre emploi, acceptez-vous le changement d'organisation du temps de travail en 4 X 8 et ses contreparties?» La réponse a été «oui» à 75,8%, pourtant la direction n'a jamais pu appliquer cette mesure. L'usine le paie aujourd'hui au prix fort.

» L'accord de compétitivité qui a scellé le destin des 1175 salariés de Goodyear à Amiens Nord

? Septembre 2008 : Goodyear décide de supprimer 400 emplois dans l'activité pneu de tourisme, sur le site d'Amiens Nord. Quelques mois plus tard, le groupe décide, la crise étant passée par là, de tirer un trait sur cette production. Conséquence : 817 salariés risquent de perdre leur emploi.

? Mai 2009 : Annonce d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) qui menace 817 postes, produisant des pneus de tourisme. Cette décision résulte "du refus de la CGT de signer l'accord sur l'organisation du travail en 4x8", expliquait alors le responsable CFTC de l'usine, Philippe Thévenaud.

Goodyear entre dans le même temps en négociations avec l'américain Titan International pour lui céder l'activité pneus agricoles, qui concerne 537 salariés. Une lettre d'intention est signée par l'entreprise américaine en ce sens. Titan International a alors déjà repris cette activité de Goodyear en Amérique latine ainsi qu'aux Etats-Unis.

? Printemps 2009 : La CGT veut contrer coûte que coûte le plan de licenciements et lance une quinzaine de procédures judiciaires pour faire plier la direction : elles portent alors sur les modalités de nomination de l'expert du Comité d'Entreprise, la reconnaissance de la holding luxembourgeoise comme co-employeur des salariés d'Amiens, le fait de conditionner une vente d'activité à la réalisation d'un plan social, ce qui n'est pas conforme au droit français.

? Août 2009 : La CGT parvient à son objectif. La justice annule le plan de sauvegarde de l'emploi pour "non respect de la procédure légale" car elle estime "qu'il y avait de la part de Goodyear une violation de l'obligation de porter à la connaissance du comité d'entreprise l'ensemble de l'opération de restructuration". Cette décision fait suite à une plainte déposée par la CGT.

Du coup, le PSE se meut en plan de départs volontaires. En 2009, le site employait 1400 personnes. Trois ans plus tard, il n'en emploit plus que 1.250.

? Novembre 2011 : Le 30, l'option d'achat conclue avec Titan International expire. Aucun accord n'a été conclu car celui-ci était conditionné à une procédure de plan social réussie portant sur l'activité pneus de tourisme. En décembre, Maurice Taylor, à la tête de Titan International et ancien candidat républicain à la présidence des Etats-Unis, dénonce un syndicalisme qu'il juge coupé des réalités.

? Septembre 2012 : Le plan de départs volontaires est abandonné. La cession de l'activité pneus agricoles, soumise à la réussite d'un plan social, n'est pas conclue. Titan International a retiré son offre, exaspéré par l'attitude des syndicats. "Cela montre à quelle pagaille une entreprise peut être confrontée lorsqu'elle cherche à préserver des emplois en France", commente-t-il dans un communiqué emprunt de déception.

? Janvier 2013 : Le gouvernement essaie de négocier directement avec Titan International, l'américain qui s'était porté candidat à la reprise de l'activité pneus agricoles du site. "On peut voir différents scénarios qui se joueront sur les détails de l'annonce. Soit il y a la place pour organiser les négociations de la dernière chance. Soit c'est pour de bon la fermeture et il faudra alors trouver toutes les solutions pour limiter l'impact social", confie une source gouvernementale aux Echos. Selon ce journal, Titan attend de voir le détail de l'annonce de jeudi pour se prononcer sur ses intentions.

? 31 janvier 2013 : A l'occasion d'un Comité Central d'Entreprise, la direction de Goodyear Dunlop confirme son projet de fermeture de l'usine de pneumatiques d'Amiens-Nord. 1.173 postes sont supprimés. Dans un communiqué, la direction estime que la fermeture du site "est la seule option possible après cinq années de négociations infructueuses". De son côté, le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg souhaite "ramener tout le monde à la table des négociations". Le ministre assure d'ailleurs avoir lui-même contacté le potentiel repreneur américain Titan.