Il y a 80 ans... naissait la Citroën Traction, une voiture révolutionnaire

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  896  mots
La Traction d'après-guerre (Crédits : DR)
La Traction avant de Citroën est née il y a 80 ans. Première voiture de série aux roues avant motrices, elle était révolutionnaire. Sa tenue de route apparaissait à l'époque phénoménale. Elle aura duré jusqu'en 1957, laissant la place à la tout aussi fameuse DS19.

Il y a 80 ans, Citroën lançait  la "7 A", celle que le public baptisa vite "Traction avant", avec son architecture révolutionnaire. Une innovation majeure, qui a bouleversé l'industrie automobile mondiale! Si un modèle fut emblématique de son époque, c'est bien celui-là. La concurrence prenait d'un coup dix ans de retard au bas mot. C'était en effet la première voiture de série avec les roues avant motrices, une technique que presque tous les véhicules allaient emprunter ultérieurement. Au commencement: une idée chère à André Citroën, le créateur de la marque aux chevrons, qui devait mourir... ruiné l'année suivante, poursuivi par ses créanciers!

Rarement une voiture a cumulé autant de sauts technologiques...  Seule sa remplaçante, la DS19 de 1955, fit aussi bien, voire mieux! Développée en douze mois à peine, la Traction  était une voiture basse, sans marchepied - une première -, aux lignes fluides et aérodynamiques. Lorsqu'elle est présentée à la presse le 18 avril 1934, le quotidien L'Auto  affirme alors, enthousiaste: "elle est si neuve, si audacieuse, si riche en solutions originales, si différente de ce qui a été fait, qu'elle mérite l'épithète de sensationnelle".

Tenue de route inégalée

Au programme: une tenue de route inégalée avec des roues indépendantes et même des freins hydrauliques; qui en feront la reine de la route et pour cela la future favorite de la Gestapo et de la Résistance, avant de devenir celle du fameux Gang des Tractions après la guerre, car elle permettait de fuir très vite. A l'heure où les autres voitures étaient très dangereuses.

Mais tout ne fut pas rose dans sa gestation. Elle explore tellement de voies nouvelles, avec une durée de gestation ultra-courte, que... sa fiabilité sera déplorable durant les premiers mois, voire années. Et encore a-t-on échappé à la boîte automatique qui, pas au point, fut in fine remplacée par une transmission manuelle hâtivement bricolée. Le projet aura d'ailleurs été si flamboyant, avec d'énormes investissements à l'usine du quai de Javel à Paris, que Citroën sera mis en liquidation judiciaire...  Pourtant, après une reprise de la firme par Michelin, la Traction constituera un succès, et ce, en dépit de la guerre.

Elle sera produite, au cours de ses vingt-trois années d'existence, sous diverses versions, "7", "11" et "15 Six cylindres" capable d'une vitesse de 135 à l'heure. 759.123 exemplaires, dont 88.000 de 1934 à 1941, sortiront de chaîne. Une production assurée au quai de Javel, mais aussi à  Slough en Angleterre, Forest en Belgique et Cologne en Allemagne.

Au Salon de Paris de 1934, Citroën ne se contente pas de sa "7". Il présente même le prototype d'un cabriolet Traction Avant de sport, la "22"  à moteur 8 cylindres, annoncé comme la voiture la plus sûre et la plus rapide du monde. Mais celle-ci, trop ambitieuse, restera hélas à l'état de prototype. Toutefois, une version cabriolet mue par des moteurs plus modestes, aujourd'hui  très recherchée des collectionneurs, sera tout de même produite avant la guerre. Celle que le général de Gaulle appréciera particulièrement terminera sa carrière en étrennant entre 1954 et 1957 la suspension hydropneumatique, qui fera le succès de  la DS19.

Malgré une direction très dure qui persistera au fil des années, cette Traction marquera le début d'une série de Citroën, dont chaque nouveau modèle constituera en lui-même une révolution. Etudiée juste avant la guerre, la populaire 2CV, un parapluie sur quatre roues comme on disait à l'époque, reprendra le principe de la traction avant. La "deuche" sera produite entre 1948 et 1990 à plus de 5 millions d'unités. La DS19, qui sera à son tour la routière tenant le mieux la route du monde jusqu'au début des années 70, durera, elle, vingt ans, de 1955 à 1975 (avec sa version simplifiée ID19). A la clé: 1,3 million d'unités.

Le coupé SM à moteur Maserati de 1970 sera un échec commercial, mais cette rapide et magnifique voiture à hautes performances aura maintenu au plus haut le niveau technologique de la firme aux chevrons. La même année, une voiture de gamme moyenne, la GS, une traction avant également à suspension hydropneumatique avec un moteur refroidi par air, contribuera, quant à elle, à l'expansion commerciale de la marque.

Malheureusement, une gestion chaotique, des voitures à la pointe du progrès mais à la fiabilité  parfois - voire souvent - aléatoire, peu résistantes à la rouille et médiocrement finies, auront une nouvelle fois raison de l'entreprise... qui finira absorbée au milieu des année 70 par Peugeot, donnant naissance au groupe PSA. La dernière Citroën réellement innovante restera la berline de haut de gamme XM, en 1989. Hélas, après un excellent accueil, de graves pépins de jeunesse briseront net sa carrière. Dommage.

Aujourd'hui, les Citroën sont rentrées dans le rang et leur technique est extrêmement voisine de celle des Peugeot. La nouvelle C4 Cactus, avec son allure rigolote, sa présentation simple et colorée, une ergonomie innovante, son souci d'économie d'usage, espère renouer avec l'ère des Citroën révolutionnaires. Mais, sous sa bouille amusante, se cache une plate-forme et des techniques partagées avec la Peugeot 208...  Synergies obligent: Une autre époque, vraiment!