Dans quelle situation se trouve le secteur automobile français ?

Par Fabien Piliu  |   |  897  mots
Renault a inauguré son usine marocaine de Tanger en 2012
Les constructeurs français affichent des résultats enthousiasmants. Mais sur le plan macroéconomique, les statistiques sont moins réjouissantes. Le niveau de production du secteur est inférieur de plus de 10% à celui observé en 2010.

Des sourires ! Des grands sourires mêmes. Les dirigeants des constructeurs automobiles sont contents. Après plusieurs années moroses, l'heure est aujourd'hui à la satisfaction chez PSA. Après trois années de baisse des ventes, le constructeur de Sochaux a renoué avec la croissance en 2014. Ses ventes ont augmenté de 4,3%, à 2,939 millions de véhicules a annoncé son état-major à la mi-janvier. Certes, les dégâts causés par la crise n'ont pas été totalement effacés - les ventes ont reculé de 2013 notamment -, néanmoins, la tendance est plutôt favorable.

Chez Renault, le sourire s'affiche également sur tous les visages des dirigeants, même si les bons résultats enregistrés en 2014 tiennent surtout, et encore une fois, aux excellentes performances de son allié japonais Nissan. En 2014, « l'Alliance » a battu son record de ventes. Elle a en effet écoulé 8.470.610 véhicules dans le monde. Un chiffre en hausse de 2,5%. C'est la cinquième année consécutive que les ventes de Renault-Nissan sont dans le vert. "Un véhicule sur dix vendu dans le monde sort des usines Renault, Nissan ou Avtovaz", se félicitait fièrement l'Alliance dans un communiqué lors de la publication de ces chiffres annuels.

Une production tricolore en berne

Après la fermeture de l'usine PSA d'Aulnay-sous-Bois, ces bonnes performances se traduisent-elles par un réveil de la production nationale du secteur automobile ? Ce serait trop beau.

Ainsi, en regardant dans le détail les statistiques de l'Insee publiées ce mardi portant sur la production industrielle, on se rend compte que la production a certes augmenté de 1% entre novembre et décembre 2014 mais que cette progression est bien insuffisante pour masquer les difficultés récentes du secteur. Entre le troisième et le quatrième trimestre, la production du secteur a cédé 3,1%. Mais ces difficultés ne datent pas d'hier. En effet, la production est inférieure de 10% à celle affichée par le secteur automobile en 2010. Prononcée en mars 2014, la faillite du constructeur de véhicules électriques Mia ne peut expliquer à elle seule cette chute de la production. L'entreprise poitevine ne produisait pas plus de 1.000 véhicules par an.

Une autre enquête de l'Insee révèle que le chiffre du secteur se situait en novembre 11,2% en dessous du niveau affiché en 2010.

La très légère reprise attendue en 2015 peut-elle redonner quelques couleurs au secteur ? Interrogés par l'Insee, les dirigeants sont plutôt pessimistes. Les carnets de commandes en France et à l'étranger sont assez mal orientés.

Le poids des délocalisations

Comment expliquer ce contraste entre les résultats des deux principaux constructeurs et les statistiques économiques ? La réponse tient en un mot : délocalisation.

Alors que les immatriculations continuent bon an mal an d'augmenter, la majeure partie des véhicules siglés Peugeot, Citroën ou Renault ne sont plus fabriqués en France. Selon le Comité des Constructeurs Français d'Automobile (CCFA), en 2013, sur les 2,8 millions de véhicules fabriqués par PSA, 939.483 étaient fabriqués en France. Soit 33%. Ce pourcentage est encore plus faible pour Renault-Nissan. Sur les 2,8 millions de voitures fabriquées par l'Alliance, 506.000 à peine étaient produites dans l'Hexagone. Soit 18% !

Quel made in France ?

On comprend les difficultés qu'a eues Arnaud Montebourg à imposer la création d'un label Made in France pour les automobiles, et les réticences des constructeurs à l'adopter. Quelques véhicules sont encore construits en France. Lesquels ? Rares sont les modèles grand public, qui sont encore assemblés dans les usines françaises. C'est notamment le cas du modèle familiale Scénic chez Renault, fabriqué à Douai. Mais c'est une exception à ce qui est devenu une règle chez les constructeurs. Pour être capable d'affronter la concurrence étrangère sur les segments de véhicules les plus vendus, essentiellement les petits modèles, ils ont délocalisé leur production dans des pays où le coût de la main d'œuvre est moins élevé qu'en France, comme les pays d'Europe de l'Est, l'Espagne ou le Maroc.

Lors de l'ouverture de l'usine Renault à Tanger au Maroc, les syndicats s'étaient émus de l'écart constaté entre les salaires locaux et les salaires français : quand un ouvrier spécialisé marocain touchait 240 euros par mois, un « collègue » français ayant une dizaine d'années d'expérience pouvait s'enorgueillir d'un salaire de 1.800 euros bruts...

Une balance commerciale désormais déficitaire

Délocaliser a permis également d'irriguer les marchés locaux et leur périphérie où la demande est plus forte que sur le Vieux continent. La Citroën DS 4 n'est-elle pas fabriquée en France mais aussi en Espagne, en Chine, en Russie et en Argentine ?

Désormais, nombre d'usines tricolores servent à produire des véhicules de niches dont les volumes de vente sont ou seront confidentiels. C'est souvent le cas des berlines haut de gamme - le prochain Espace Renault sera fabriqué à Douai - ou de certains véhicules électriques. La Zoé de Renault est produite à Flins, dans les Yvelines.

Résultat, excédentaire jusqu'au la crise, le secteur affiche une balance commerciale déficitaire depuis 2008. En 2014, la valeur des importations d'automobiles s'est élevée à 30,6 milliards d'euros selon les Douanes et les exportations à 23,9 milliards d'euros, fixant le déficit commercial à 6,7 milliards d'euros. L'époque où l'automobile permettait à la France d'afficher un excédent commercial est bien révolue.