Fusion Fiat-Renault : qu'en pensent vraiment les marchés

Par Nabil Bourassi  |   |  888  mots
(Crédits : Stephane Mahe)
L'annonce d'un projet de fusion entre les constructeurs automobiles français et italien a reçu un accueil très favorable des marchés. Mais de nombreuses zones d'ombres persistent et exposent les titres Renault et Fiat à une très forte volatilité.

Les voix des marchés sont impénétrables. Ils l'ont encore prouvé lundi en portant aux nues le très inattendu projet de fusion entre Fiat Chrysler Automobiles (FCA) et Renault. Les titres des deux entreprises ont flambé tout au long de la journée du lundi 27 mai, après la publication du communiqué de Fiat détaillant son offre suivie de celle de Renault qui semblait faire un accueil favorable sans pour autant l'accepter formellement. Le titre du constructeur français a flambé de 12% tandis que celui de son homologue italien a grimpé de 8%.

Une bonne nouvelle dans un contexte morose

En général, l'approbation des marchés est toujours un premier test pour jauger de la faisabilité d'un projet de rapprochement. Elle donne une solide base pour mener le projet, car elle permet de décrocher des facilités de financement essentiel (à travers les taux des prêts obligataires).

Il faut dire que dans un contexte très complexe pour les valeurs automobiles orientées à la baisse depuis un an maintenant, un projet de rapprochement est toujours perçu comme une bonne nouvelle comme l'explique Nicolas Chéron, responsable de la recherche marché chez BinckBank: "le secteur manque d'actualité positive... Depuis plusieurs mois, ce sont plutôt les inquiétudes qui pèsent".

Lire aussi : Fusion Renault-Fiat: les raisons d'une fusion impossible

Pour Marco Bruzzo, directeur général délégué Mirabaud AM France, c'est la nature même du projet proposé par Fiat qui a été validé par les marchés:

"Ce projet de fusion a du sens dans un contexte où la taille sera de plus en plus importante. On note une démarche bienveillante de Fiat qui propose un deal à 50-50, et le timing est très malin".

En d'autres termes, Fiat veut tirer parti du coup de froid entre Nissan et Renault pour proposer à ce dernier une alternative avec de nombreuses complémentarités industrielles et géographiques. Et pour Marco Bruzzo, Fiat est le client idéal:

« Les complémentarités des deux groupes sont autant de synergies potentielles et elles sont importantes. Elles sont géographiques (70% du résultat en Europe chez Renault, 90% du résultat de Fiat en Amérique) , elles sont sur la typologie des véhicules, mais également sur les spécialités métiers (voiture électrique chez Renault, voiture autonome chez Fiat)".
"Renault a du mal à se repositionner dans le haut de gamme, avec Maserati, le groupe reprend pied sur ce segment", ajoute Marco Bruzzo.

Aux yeux des marchés, donc, le projet industriel proposé par Fiat tient la route. Dans un contexte de profonde transformation du secteur, les 5 milliards d'euros de synergies calculées par le groupe italien, ne seront pas de trop. Mais la validité du deal ne fait pas l'unanimité. Nicolas Chéron lui pointe un aspect technique pour expliquer le rebond de lundi :

"Renault reste la cinquième plus forte baisse du CAC 40 sur un an. L'action a perdu 31% sur un an. La hausse de lundi s'explique par un phénomène technique sur le titre Renault avec des rachats de positions vendeuses".

Mais l'analyste ne croit pas à "un retournement de tendance".

S&P botte en touche

Chez Standard & Poors, on est plutôt dans la synthèse. Si la très influente agence de notation financière admet que la nouvelle entité "bénéficierait de synergies" massives, elle s'interroge néanmoins sur les risques d'exécution dans un contexte de faiblesse des marchés automobiles mondiaux et des tensions commerciales. En outre, S&P estime que la fusion prendra plus de temps que nécessaire en raison des susceptibilités à ménager avec les alliés du Français, Nissan et Mitsubishi.

L'agence financière préfère donc tempérer et ne pas verser ni dans l'enthousiasme ni dans la défiance: "nos notations sur les deux entités resteront inchangées jusqu'à ce qu'elles aient officiellement convenu des conditions définitives de la fusion, y compris de sa structure de capital".

Un titre exposé à la moindre rumeur

Nicolas Chéron, lui, préfère fuir le titre. "Le poids de l'influence politique entre l'Etat français mais également avec le gouvernement italien qui s'invite dans le deal, ne porte pas à l'enthousiasme sur deux entreprises qui auront certainement besoin de se restructurer.

En outre, il y a un risque de gouvernance important, tout le monde pense à Essilor-Luxottica".

"Il y a un manque de visibilité sur un deal qui ne pourrait pas se faire et expose le titre Renault à une forte volatilité, notamment à la moindre rumeur. Il suffit d'une mauvaise actualité ou d'une note d'analyste défavorable pour que le titre fluctue dans une fourchette de 5 à 10%", ajoute l'analyste.

Il n'aura pas fallu attendre le délai d'une semaine de réflexion que s'est donné Renault, pour voir surgir les premières polémiques. Dès le lendemain de l'annonce, de nombreuses voix ont réclamé un deal plus équilibré, compte tenu des difficultés commerciales de Fiat et des apports technologiques de Renault. Jeudi, Les Echos ont cité un porte-parole de Fiat qui a d'ores et déjà rejeté toute négociation sur le prix du deal. "C'est à prendre ou à laisser", rapporte le quotidien financier. Attention, cela va encore secouer sur les marchés...