Renault va vendre pour 765 millions d'euros d'actions Nissan et réaliser une forte moins-value au passage

Par latribune.fr  |   |  933  mots
Pour le moment, Renault détient 28,4% des actions du groupe japonais. (Crédits : GONZALO FUENTES)
Le constructeur français a annoncé ce mardi qu'il allait rétrocéder à Nissan 5% de ses actions. Une cession qui fait suite à la nouvelle alliance signée entre les deux groupes après des années de relations difficiles.

Quelques semaines après l'officialisation d'une nouvelle alliance, les grandes manœuvres ont commencé entre Renault et Nissan.

Le groupe au losange a annoncé ce mardi dans un communiqué qu'il allait rétrocéder à Nissan 5% du capital du constructeur japonais, sur les 28,4% qu'il détenait, pour une valeur estimée à 765 millions d'euros. Pour cette opération, Renault avait récemment transféré le solde de ses actions « dans une fiducie française », réservant à Nissan un droit de première offre.

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Cette cession sera effective mercredi et devrait entraîner une moins-value estimée à 1,5 milliard d'euros maximum, à cause de la baisse de valeur des actions Nissan ces dernières années, a précisé Renault dans un communiqué. Cette charge va donc plomber fortement le résultat net du groupe Renault, qui affichait 2 milliards d'euros de bénéfice net au premier semestre. Les 765 millions d'euros, calculés selon le cours de l'action Nissan à la clôture de la Bourse de Tokyo ce mardi, viendront cependant « améliorer la position nette de liquidité de la branche automobile de Renault », a souligné le groupe.

Cette nouvelle a fait dévisser le cours de l'action Renault de 1,76% ce mardi vers 10h30, à 37,3 euros et a aussi fait perdre 1,1% à Nissan à la clôture.

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Une nouvelle alliance Renault Nissan

Cette nouvelle intervient après que les deux constructeurs ont annoncé en février revoir les bases de l'union née en 1999, à laquelle s'est rajouté Mitsubishi Motors en 2016. Un rééquilibrage de leur Alliance officialisée début novembre. Alors que Renault détenait auparavant 43,4% de Nissan, les deux entreprises « détiennent désormais une participation croisée de 15% », est-il indiqué dans l'accord. Un équilibre qui oblige donc Renault à revendre ses actions Nissan.

Les relations au sein de l'Alliance étaient pour le moins houleuses suite à la montée surprise de l'Etat français au capital de Renault, en 2015, puis à la spectaculaire chute de Carlos Ghosn, alors patron de l'alliance, qui fut arrêté fin 2018 au Japon pour des accusations de malversations financières.

Un passif qui a justifié l'émergence d'un partenariat davantage équilibré. Le patron de Nissan, Makoto Uchida, cité dans le communiqué, a d'ailleurs salué un « accord d'égal à égal », qui permettra à Nissan de « continuer de développer ses compétences clés et gagner en agilité ». « Nous sommes convaincus des perspectives fructueuses qui découleront de ce partenariat rééquilibré », a-t-il ajouté.

« Cette nouvelle ère de l'Alliance » sera « orientée business », affirme de son côté le directeur général de Renault Luca De Meo, évoquant des « projets communs en Europe, en Amérique latine et en Inde » censés « créer des centaines de millions d'euros de valeur pour chacun des partenaires ».

Inquiétudes de la part des salariés

Au-delà de l'aspect financier, l'assouplissement de l'Alliance a des implications concrètes. Depuis début novembre déjà, Nissan et Renault ont acté la fin du partage de leurs fichiers et données. Ils ont aussi annoncé la fin de leur centrale d'achat commune, un changement drastique par rapport à l'ancienne alliance, où elle occupait une place fondamentale. Pour les 375.000 salariés de l'Alliance, « c'est une rupture forte dans les liens qu'on avait », a affirmé à l'AFP Fabien Gloaguen, délégué syndical FO de Renault, parlant même de « divorce ».

Pour autant, les salariés sont inquiets : « On parle beaucoup de transactions financières, mais on se demande si on va préserver les sites français et les emplois », souligne le délégué syndical FO. Le syndicaliste est notamment inquiet de « l'incertitude » qui plane autour de l'avenir des 1.400 salariés travaillant à la centrale d'achat commune ou dans les usines françaises de Renault, produisant entre autres des voitures Nissan, comme à Maubeuge, Batilly ou encore Sandouville. Contacté début novembre par l'AFP, le groupe Renault avait indiqué qu'aucun collaborateur de la centrale d'achat ne serait licencié et que « la réorganisation est en cours ». Il avait réaffirmé que les véhicules, dont Nissan a confié la construction à Renault, continueraient d'être fabriqués dans ses usines françaises.

Un bon momentum pour les deux constructeurs

Cette nouvelle alliance se met en place dans une période prospère pour les deux groupes. Renault a notamment confirmé ses objectifs de l'année, avec un chiffre d'affaires en hausse de 7,6% au troisième trimestre, principalement grâce à la hausse des prix de ses modèles. Le groupe au Losange a réalisé 10,5 milliards d'euros de ventes, portées à presque 90% par son chiffre d'affaires Automobile (+5%), avec 511.000 véhicules écoulés dans le monde. « Nous sommes entrés dans le dernier trimestre de l'année avec confiance », a affirmé le directeur financier Thierry Piéton, dans un communiqué. Les investisseurs ont néanmoins sanctionné Renault en Bourse le jour de la publication de ces résultats le jeudi 19 octobre. Le titre avait reculé de 6,79% à 33,62 euros vers 15 heures ce jour-là. Le chiffre d'affaires est en effet moins élevé que prévu par les analystes sondés par l'agence Bloomberg, qui tablaient sur 10,77 milliards d'euros.

Du côté de Nissan, la tendance économique est plutôt bonne. Le bénéfice net du groupe japonais sur la période avril-juin a totalisé 105,5 milliards de yens, un résultat plus que doublé sur un an (+123,9%). Son bénéfice opérationnel trimestriel a quasiment doublé sur un an à 128,6 milliards de yens et son chiffre d'affaires a augmenté de 36,5%.

(Avec AFP)