Tesla va-t-il franchir les 100 milliards de valorisation boursière ?

Par Nabil Bourassi  |   |  632  mots
(Crédits : FABRIZIO BENSCH)
La marque automobile spécialiste des voitures de luxe électriques atteint des sommets en Bourse. Ses ventes ont augmenté de 50% en 2019, contre toute attente. La tendance devrait se poursuivre avec la montée en cadence de ses capacités de production... Mais la marque emmenée par le flamboyant Elon Musk reste encore très loin des standards du secteur...

Cinq fois PSA, deux fois Volkswagen, huit fois Renault... La valorisation boursière de Tesla crève tous les plafonds du secteur automobile. A 96 milliards de dollars, la capitalisation du constructeur de voitures électriques de luxe se rapproche du seuil symbolique de 100 milliards. Ce seuil est d'autant plus stupéfiant que Tesla a vendu moins de 400.000 voitures en 2019, soit dix fois moins que PSA, vingt-cinq fois moins que Volkswagen...

Avec 367.500 immatriculations, la firme californienne peut toutefois revendiquer 50% de croissance de son volume en un an, le tout, agrémenté d'un dernier trimestre particulièrement fort puisqu'avec 112.000 unités vendues, elle a fait mieux qu'attendu par les marchés (104.000).

Loin des 500.000 voitures promises

Après plusieurs années d'enlisement industriel, il semblerait que Tesla soit enfin sur une trajectoire de croissance vertueuse. Certes, nous sommes loin des 500.000 voitures produites qu'Elon Musk avait promis pour... 2018 ! Mais, il apparaît clairement que l'ingénierie du constructeur a fini par résoudre ses déboires industriels, notamment ceux qui s'opposaient à la montée en cadence. L'année 2020 pourrait donc être celle d'une franche accélération puisque pourrait s'ajouter à cela l'entrée en rythme de croisière de son usine chinoise inaugurée l'an dernier.

L'usine de Shanghai a un potentiel de 250.000 voitures par an. Pour l'heure, Tesla vise 150.000 Model 3 en Chine, mais l'arrivée du Model Y, le deuxième SUV de la marque, pourrait permettre d'atteindre cet objectif. Enfin, la construction d'un troisième site près de Berlin pour desservir le marché européen, permettra à Tesla de consolider son empreinte géographique sur les trois premiers marchés du monde.

Une fois ce dispositif industriel mis au point, Tesla va pouvoir dérouler son ambitieux plan produit. Après la Model S et X, la Model 3 avait pour but d'industrialiser à grande échelle ses voitures. Cette dernière est nettement moins cher que ses deux prédécesseur. La Model Y s'inscrit dans la même démarche. Un roadster doit également arriver, puis un étrange pick-up, le Cybertruck qui a déjà enregistré 146.000 réservations. Enfin, le lancement commercial de Semi, le camion semi-remorque 100% électrique de la marque, complètera le dispositif.

Un environnement sectoriel détérioré

Les investisseurs continuent donc à donner un blanc-seing à Tesla alors même que son environnement sectoriel n'a cessé de se détériorer. Aux Etats-Unis comme en Chine, le boom de la voiture électrique a fortement décéléré après le retrait de subventions. En Europe, où Tesla s'est déjà accaparé un tiers de ce micro-marché, la dynamique attendue n'est pas encore au rendez-vous. La voiture électrique continue de peser moins de 2% du marché. Enfin, l'arrivée de gammes 100% électriques chez les marques premium constitue une concurrence nouvelle. Mercedes et Audi ont lancé plusieurs modèles sur ce créneau, dont des SUV.

Tesla continue cependant de profiter d'une notoriété plus forte que sa réalité économique et industrielle. C'est le pari des investisseurs : que son chiffre d'affaires soit un jour proportionnel à la puissance de son image de marque. C'est toute la stratégie d'un Elon Musk qui entretient cette image à travers une succession d'effets d'annonce plus ou moins loufoque (mise en orbite d'un roadster, commercialisation d'un lance-flamme...).

Il y a donc de fortes chances que Tesla continue à surprendre en 2020 avec des annonces inattendues. La différence cette fois c'est que la production semble enfin suivre. Pas certain pour autant que Tesla franchisse les volumes de production de ses concurrents, au moins à moyen terme. Les investisseurs pourraient cependant être plus attentifs aux résultats financiers de l'entreprise toujours dans le rouge, exception faite du troisième trimestre 2019, et ce malgré les promesses répétées d'exercice bénéficiaire. Ce serait la moindre des choses pour une entreprise cotée 100 milliards...