Volkswagen, Renault : le diesel sera-t-il sauvé par la technologie SCR ?

Par Nabil Bourassi  |   |  742  mots
Le SCR réduit de 95% les émissions d'oxyde d'azote (NOx).
Une fois le recalibrage du système EGR résolu, Renault s'apprête à adopter la technologie SCR en remplacement de celle dénommée "NOx Trap". Il suit en cela le chemin emprunté par Peugeot-Citroën depuis 2013. Ce système s'avère plus efficace dans les tests aux émissions polluantes, notamment en conditions de conduite réelle... D'autres constructeurs semblent s'y intéresser.

Chez Renault, 700.000 voitures pourraient être concernées par un défaut du système de dépollution. Le chiffre avancé ce matin est très éloigné des 15.700 rappels annoncés par Ségolène Royal sur RTL. Dans les faits, il s'agit d'un défaut de calibrage du système EGR ("recirculation des gaz d'échappement", en français) qui annule l'efficacité du filtre à particules. Renault dit avoir identifié le problème en septembre dernier et avoir engagé sa rectification.

Mais en réalité, le constructeur automobile devrait aller encore plus loin. En décembre, il a annoncé qu'il allait changer son fusil d'épaule sur ses choix technologiques en matière de dépollution. Si l'EGR est de toute façon maintenu puisqu'il vient en amont, la marque au losange veut désormais passer au système SCR (en aval de l'EGR), et en finir avec le "NOx Trap" ("piège à NOx, c'est-à-dire piège aux émissions polluantes d'oxyde d'azote). C'est de cette technologie que Volkswagen a voulu se passer en installant le logiciel de triche, conduisant l'entreprise à un retentissant et coûteux scandale. A l'inverse, Peugeot-Citroën a choisi le SCR dès 2013, il ne cesse d'ailleurs de le revendiquer depuis l'éclatement de l'affaire Renault, la semaine dernière.

Comment ça marche ?

Le SCR pour "Selective Catalytic Reduction" ou "réduction catalytique sélective", est un système complexe qui permet de capturer les gaz d'échappement dans un catalyseur d'oxydation. Celui-ci neutralise les hydrocarbures imbrûlés et le monoxyde de carbone, avant de les pulvériser par une solution aqueuse à base d'urée. Le mélange traverse ensuite un support en céramique qui transforme les oxydes d'azote en azote et en eau. Cette technologie est réputée pour son efficacité puisqu'elle réduit de 95% les émissions d'oxydes d'azote. Mais elle a l'inconvénient de coûter cher : entre 200 et 500 euros, et le consommateur doit ajouter un additif supplémentaire dans un orifice juxtaposé à la trappe à essence, le AdBlue. Ce dernier ne coûte pas forcément très cher et l'intervalle entre les recharges est assez long (plusieurs milliers de kilomètres).

Le "NOx Trap", pas cher mais obsolète

En parallèle, une autre technologie lui fait concurrence. Il s'agit du NOx trap ou piège à NOx, la solution choisie par Renault. Cette technologie utilise des métaux rares pour capturer les gaz dans un catalyseur d'oxydation. Les oxydes de baryum, au moyen d'un procédé chimique, fixent les molécules d'oxyde d'azote, les empêchant ainsi de s'évaporer dans la nature. Une fois le stock plein, le système procède à une régénération qui permet de les brûler en repassant dans le moteur mélangé avec le carburant. Cette solution est réputée obsolète et moins efficace, mais elle s'avère moins couteuse et ne nécessite pas l'ajout d'un additif.

Le NOx Trap passera-t-il à la trappe ?

In fine, les constructeurs ont découvert que le SCR se montre beaucoup plus efficace en conditions réelles que le NOx Trap. L'arrivée des normes Euro 6 C et Euro 6 D, qui instaurent justement des tests grandeur nature, pourraient ainsi pousser les constructeurs à se tourner définitivement vers le SCR. Car pour l'instant, ce système n'équipe guère plus de 10% des voitures diesel neuves aujourd'hui. Il faut dire que le SCR suppose un surcoût conséquent, entre 300 et 500 euros. En réalité, c'est beaucoup moins puisque ce n'est qu'à peine 100 ou 200 euros, par rapport à une voiture équipée du NOx trap. C'est cette économie que Volkswagen a voulu réaliser en équipant ses voitures de ce logiciel de triche sur la dépollution.

Un enjeu industriel majeur pour Plastic Omnium

Quelques équipementiers automobiles devraient ainsi tirer leur épingle du jeu. Si Bosch est numéro un mondial des SCR, le français Plastic Omnium est bien placé sur ce marché, et vise la première place d'ici trois ans en vertu d'un carnet de commande très fourni. Le français est ainsi le premier fournisseur d'Audi, et pourrait s'accaparer le marché du groupe Volkswagen. A terme, le marché des SCR pourrait évoluer et s'imposer y compris sur les motorisations essence, car celles-ci ne sont pas totalement exemptes d'émissions de particules fines. A ce moment-là, ce marché deviendrait gigantesque pour les équipementiers. Marginal, jusque-là, le SCR pourrait ainsi être promis à un bel avenir...