Crise du logement  : Elisabeth Borne détaille son plan d'action

Par latribune.fr  |   |  1031  mots
Pour sortir de la crise du logement, Elisabeth Borne estime que « nous devons porter une vision globale et rassembleuse, ne pas opposer les urbains aux ruraux, la construction aux enjeux écologiques, les jeunes aux personnes âgées ». (Crédits : CHRISTIAN HARTMANN)
En déplacement à Dunkerque, la Première ministre, Elisabeth Borne, a annoncé ce jeudi un coup de pouce à la construction de logements, y compris étudiants, loin cependant des attentes d'un secteur en crise, déjà déçu par des annonces en juin.

Le nombre de ménages en attente d'un logement social (2,42 millions) n'a jamais été aussi élevé et celui des personnes sans domicile a grimpé à 330.000. C'est dire si les annonces d'Elisabeth Borne, chef du gouvernement, sur les mesures de soutien au secteur de l'immobilier, étaient scrutées.

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« Sans nouveaux logements abordables, nous raterions le coche de la réindustrialisation et du renouveau du territoire », a souligné la Première ministre en reconnaissant « une période difficile pour le secteur ».

« Doubler » d'ici à 2026 la construction de logements locatifs intermédiaires (LLI) à 30.000 unités chaque année

Après un détour par Montreuil-sur-Mer (Pas-de-Calais) pour apporter son soutien aux habitants touchés par les inondations, la Première ministre a annoncé l'engagement par l'Etat et la Caisse des dépôts de 500 millions d'euros et compte sur un engagement similaire par des investisseurs institutionnels pour « doubler » d'ici à 2026 la construction de logements locatifs intermédiaires (LLI) à 30.000 unités chaque année. Le gouvernement souhaite accélérer la production de ce type de logements, aux tarifs réglementés mais plus élevés qu'en logement social.

Pour les étudiants, elle a promis la construction d'ici à trois ans de 35.000 logements supplémentaires (outre les 35.000 logements étudiants déjà engagés), dont les modalités seront précisées dans un plan présenté prochainement par les ministres Patrice Vergriete (Logement) et Sylvie Retailleau (Enseignement supérieur).

Relancer des chantiers en berne pour produire du logement social et intermédiaire

Une réflexion va, en outre, être engagée pour lancer un deuxième plan de rachat de logements à des promoteurs, pour relancer des chantiers en berne et produire du logement social et intermédiaire, avec d'autres bailleurs que la Caisse des dépôts et Action Logement.

Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) a estimé que ce plan « amoindrissait la mauvaise nouvelle » de la crise, mais il « préfèrerait s'en passer ». Le proverbe dit : « Faute de grives on mange des merles, on le fait par dépit, on n'a pas le choix ».

Le gouvernement veut permettre aux bailleurs sociaux d'avoir 20% de logements intermédiaires dans leur portefeuille au lieu de 10% actuellement. Le ministère du Logement sélectionnera aussi en début d'année prochaine 20 territoires qui s'engageront à « accélérer » leurs opérations d'aménagement pour faire sortir de terre, d'ici à trois ans, environ 1.500 logements chacun, soit 30.000 logements en tout. Les collectivités concernées seront aidées et des dérogations rendues possibles.

300.000 emplois menacés par la baisse de production de logements neufs

La production de logements neufs a lourdement chuté en 2023, prise en étau entre la hausse des coûts de construction et la baisse de pouvoir d'achat des acquéreurs, privés d'accès facile au crédit. « Les chiffres de l'immobilier neuf sont  catastrophiques », a aussi alerté jeudi Pascal Boulanger, et certains promoteurs commencent à supprimer des emplois. « Nous perdons des collaborateurs et nous perdons du savoir-faire », s'est-il alarmé lors d'une conférence de presse. « J'entends parler de débuts de PSE (plans de sauvegarde de l'emploi, NDLR) », a-t-il prévenu, ajoutant que « plus personne ne remplace les départs » à la retraite. Il n'a pas nommé de promoteurs concernés, ni donné de chiffres d'emplois supprimés, mais rappelé que selon les estimations des organisations patronales, 300.000 emplois étaient menacés d'ici à 2025 - la moitié dans les métiers du bâtiment, la moitié dans les métiers connexes (promoteurs, architectes, assureurs...).

Les mises en vente de logements neufs ont chuté de 48,6% au troisième trimestre, selon l'observatoire de la FPI. « C'est le plus mauvais trimestre depuis la création de l'observatoire », a déploré le délégué général de la FPI, Didier Bellier-Ganière. Si la tendance actuelle se poursuit, le nombre de réservations en 2023 devrait s'établir autour de 90.000, contre environ 160.000 pour une année « normale », a-t-il ajouté. Le prix moyen d'un appartement neuf mis en vente reste autour de 5.000 euros du mètre carré, mais ce chiffre est moins significatif qu'avant car les promoteurs acceptent désormais des négociations pour écouler leur stock, a expliqué Pascal Boulanger.

Favoriser les locations longue durée

Une mission sur la fiscalité locative est, par ailleurs, confiée à deux députées, Annaïg Le Meur et Marina Ferrari, « pour favoriser les locations de longue durée », alors que les résidences secondaires limitent l'accès au logement de certains habitants.

Le projet de budget pour 2024 ne suffira pas à enrayer la crise du logement, a mis en garde, dans un rapport publié lundi, le député Horizons François Jolivet. « Il n'y a pas de mesure magique », avait prévenu la cheffe du gouvernement début juin, en présentant des mesures essentiellement techniques (prolongation et recentrage du prêt à taux zéro dit PTZ, aides à la location mais fin du dispositif de défiscalisation Pinel) qui avaient déçu les acteurs du secteur. Deux textes de loi sont depuis dans les tuyaux : l'un contre l'habitat indigne pour rénover notamment les copropriétés dégradées, qui doit être présenté à la fin de l'année, et l'autre sur la décentralisation de la politique du logement, prévu pour le printemps.

« Mettre des moyens » sur les logements sociaux

Le ministre du Logement promet de « mettre des moyens » sur les logements sociaux, malgré la hausse du prix du foncier. Outre une rallonge budgétaire de 1,2 milliard d'euros pour rénover les HLM, il mise sur des conventions territorialisées qui fixent des objectifs par territoire. La deuxième a été signée jeudi à Dunkerque, après Dijon le 9 novembre.

La Première ministre a visité puis salué la reconversion en logements d'une ancienne friche industrielle, qui participera ainsi à la densification de la ville et à la transition écologique. « Pour sortir de la crise du logement », « réussir la ville de demain et mener à bien la transition écologique, nous devons (...) porter une vision globale et rassembleuse, ne pas opposer les urbains aux ruraux, la construction aux enjeux écologiques, les jeunes aux personnes âgées », a-t-elle souligné.

(Avec AFP)