Promesse tenue pour Elisabeth Borne. Mi-mai, réunissant les associations d'élus locaux, la Première ministre avait promis un plan « d'ampleur » en faveur des quartiers de la politique de la ville censé « assurer une justice territoriale ». Elle a tenu parole. A l'issue d'un Comité interministériel des villes, attendu avec d'autant plus d'impatience après les émeutes de fin juin-début juillet, la locataire de Matignon a fait une déclaration forte.
Le gouvernement va demander aux préfets de ne plus attribuer de logements dans les quartiers prioritaires aux ménages les plus en difficulté, afin de favoriser la mixité sociale, a annoncé ce 27 octobre, Elisabeth Borne.
« Je demande donc aux préfets de ne plus installer via les attributions de logements ou la création de places d'hébergement, les personnes les plus précaires dans les quartiers qui concentrent déjà le plus de difficultés », a déclaré la Première ministre.
Qui est concerné précisément ?
Sollicité par La Tribune, le cabinet du ministre du Logement précise que « ce sont les DALO les plus précaires, qui gagnent moins que le SMIC ou qui n'ont pas d'emploi stable, qui se verront octroyer des logements sociaux en dehors des quartiers prioritaires de la ville ». Par DALO, il faut entendre « droit au logement opposable », un dispositif qui permet aux demandeurs d'un logement social, dans certaines situations précises, de voir leur demande reconnue comme prioritaire et ainsi se voir proposer une solution de logement digne dans les six mois.
Les préfets auront également consigne de stopper la création de nouvelles places d'hébergement d'urgence, destinées aux personnes sans domicile, dans ces mêmes quartiers, a précisé Matignon à l'AFP.
« Toutes les difficultés ne peuvent pas être rassemblées au même endroit. La mixité est une chance. Elle est nécessaire », a justifié Elisabeth Borne.
Une initiative qui rappelle la politique anti-ghetto de la région-capitale
Cette initiative n'est pas sans rappeler le dispositif anti-ghetto du conseil régional d'Île-de-France adopté dès 2016. Il s'agissait de mettre fin au financement des logements sociaux pour les ménages plus modestes (PLAI, dit logements « très sociaux ») dans les communes qui ont déjà 30% de logements PLAI et PLUS (logements sociaux pour les classes moyennes modestes).
Une clause également inscrite dans le schéma directeur de la région-capital (SDRIF), qui encadre jusqu'en 2040 le développement de la région et qui s'impose aux maires dans leur plan local d'urbanisme (PLU), afin « d'éviter de créer des zones de paupérisation ».
L'application de ce principe « conduirait à réduire de 21% la production sociale (de logement) moyenne » par rapport à ces dernières années et la région n'a pas prévu de « disposition forte » dans les communes faiblement dotées pour pouvoir compenser, déplore la préfecture de Paris-Ile-de-France dans son avis rendu en juin dernier.
« Au-delà de 30%, il n'y a pas de mixité », a répliqué, il y a quatre mois, l'entourage de Valérie Pécresse qui entend ainsi éviter « une ghettoïsation des quartiers ».
La réaction de l'équipe de Valérie Pécresse
En septembre, la présidente du groupe Gauche communiste, écologiste et citoyenne au conseil régional, Céline Malaisé, ainsi que soixante d'élus d'opposition avaient adressé deux lettres, l'une au préfet de Paris-Île-de-France Marc Guillaume, l'autre au ministre du Logement Patrice Vergriete. Objectif : demander l'annulation d'une mesure jugée « scélérate ».
« Sur le fond, je trouve ça totalement inapproprié au regard de la situation en Île-de-France. Ce n'est certainement pas le moment de faire ça. Je pense que ça aura des conséquences lourdes », avait réagi le ministre Vergriete auprès de l'AFP.
Concernant l'initiative de la Première ministre, le cabinet de la présidente du conseil régional, contacté par La Tribune, a affirmé : « Ça s'inspire de la philosophie de notre mesure, mais ça ne va pas aussi loin et ça n'assume pas d'objectif chiffré ».
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