Coeur artificiel : Carmat tacle la politique d'innovation en France et menace de partir aux Etats-Unis

Par Jean-Yves Paillé  |   |  553  mots
Carmat espérait lancer son cœur artificiel sur le marché en... 2013.
Le directeur général de Carmat a retiré la demande déposée auprès des autorités françaises en vue de la reprise des essais cliniques, suspendus après le décès d'un patient pour son cœur artificiel. La société française pourrait développer sa prothèse outre-Atlantique pour la lancer plus rapidement sur le marché.

Les chances que Carmat reprenne des essais cliniques en France sont désormais très faibles. Dans une interview au Parisien, Stéphane Piat, le directeur de la société française qui développe un cœur artificiel, a annoncé avoir retiré la demande déposée auprès des autorités françaises. Après le décès d'un 5e patient implanté, fin novembre, dans le cadre de la "phase pivot", l'essai avait été suspendu. Cette phase représentait l'étape finale devant permettre à Carmat d'obtenir un feu vert pour la commercialisation de son cœur artificiel.

La raison invoquée par Carmat ? Une politique d'innovation peu favorable dans l'Hexagone.

"En France, l'innovation, tel le cœur Carmat, connaît des blocages. [...] Nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde", lance Stéphane Piat.

Et d'ajouter: "Nous ne pouvons pas continuer au rythme d'un ou deux patients par an [depuis fin 2013, cinq patients ont été implantés d'un cœur Carmat, NDLR]".

Dans le détail, la société française explique avoir stoppé la procédure de demande de reprises de l'essais clinique, car "les demandes de documents sont trop importantes par rapport au problème identifié". Et assure une nouvelle fois que "le décès du patient n'a rien à voir avec le cœur Carmat". La cause sera dévoilée lors des conclusions d'une étude actuellement en cours, avance Stéphane Piat.

Cap vers les Etats-Unis ?

Le directeur général de Carmat explique que la société pourrait opter pour des essais cliniques aux Etats-Unis, afin d'accélérer un lancement du produit sur le marché, évoque Stéphane Piat, qui a déjà pris contact avec l'Agence américaine des médicaments (FDA). S'ouvrir le marché américain en premier serait idéal pour Carmat, au vu de la forte prévalence des maladies cardiovasculaires. Et ce, en sachant qu'une prothèse implantée pourrait représenter 40.000 à 180.000 euros par implantation (c'est du moins le prix que la société française espère en retirer).

La FDA a lancé plusieurs réformes ces dernières années pour accélérer la mise sur le marché de médicaments et dispositifs médicaux, de plus en plus souvent approuvés sur la base de données préliminaires et de délais plus courts. Des réformes à l'origine de nombreuses polémiques. Et Donald Trump promet de nouvelles réformes pour favoriser les lancements précoces sur le marché.

L'impatience de Carmat

Carmat espérait lancer son cœur artificiel sur le marché en... 2013. Aujourd'hui, difficile pour la société de prévoir une nouvelle échéance. Et le temps presse. Carmat subit la pression des actionnaires. L'action valait plus de 130 euros en janvier 2013. En chute de plus de 5% à la mi-journée, lundi 6 février, elle tombait à moins de 28 euros.

Côté résultats financiers, la société française dit disposer d'une trésorerie "robuste" de 43,4 millions d'euros au 30 juin, grâce à une augmentation de capital de 50 millions d'euros. Mais la société, qui n'enregistre aucun chiffre d'affaires, et connait d'importantes charges d'exploitation, est dans le rouge. Au premier semestre 2016, elle perdait 10,2 millions d'euros, contre 8,2 millions d'euros de pertes au premier semestre 2015. Une mise sur le marché de son produit presse.