Polémique sur les anticholestérols : "Une assertion contre 70 ans d'évidences", dénonce Sanofi

Par Jean-Yves Paillé  |   |  655  mots
"Des gens disent que le cholestérol à haute dose, ce n'est pas grave. C'est une médecine d'opinion et pas une médecine d'évidence", lance Elias Zerhouni, Président de la R et D chez Sanofi.
Des scientifiques remettent en question le lien entre taux de cholestérol et maladies cardiovasculaires. Pour Elias Zerhouni, président de la R et D chez Sanofi, ce lien ne peut être remise en cause. Le groupe ne craint pas d'impact financier sur le Praluent, un nouveau type d'anticholestérol qu'il a lancé récemment sur le marché.

"Des gens disent que le cholestérol à haute dose, ce n'est pas grave. C'est une médecine d'opinion et pas une médecine d'évidence", lance Elias Zerhouni, président de la R et D chez Sanofi.

Interrogé sur la polémique sur les anticholestérols remise au goût du jour par un documentaire diffusé mardi 18 octobre sur Arte, l'ancien président des Instituts américains de la santé a réagi vivement lors d'une conférence de presse, jeudi 20 octobre, à Paris.

Des scientifiques assurent dans le documentaire d'Arte que le cholestérol "n'est pas un poison qui coule dans nos artères". L'idée de l'existence d'un "mauvais cholestérol" y est remise en cause, ainsi que le lien de cause à effet entre le taux de cholestérol et les artères obstruées. Il ne serait pas prouvé, selon les scientifiques interrogés, contrairement à ce qui est admis depuis 70 ans.

Remise en question du lien de cause à effet entre cholestérol et maladies cardiovasculaires

Pis, le documentaire évoque la dangerosité des statines, des traitements anticholestérol générant plus de 20 milliards de dollars de chiffre d'affaires annuels pour les labos pharmaceutiques (en baisse en raison de l'arrivée de nouveaux traitements). Des propos corroborés par Michel de Lorgeril,docteur en médecine et chercheur au CNRS de Grenoble, sur son blog. Ce dernier évoque des milliers de décès dus à ce type de traitement qui génère des milliards de dollars de revenus chaque année pour les industriels.

Déjà en 2013, une tribune publiée par Le Monde, Philippe Even, professeur de médecine et président de l'Institut Necker, dénonçait les mythes nourris par l'industrie pharmaceutique estimant que "le cholestérol est innocent dans les maladies cardio-vasculaires, et les médicaments utilisés pour le faire baisser (les statines) sont inutiles voire dangereux".

Une étude publiée en juin sur le British Medical Journal, une revue médicale, explique que les maladies cardiaques ne sont pas causées par un fort taux de cholestérol et estime donc que les anticholestérols statines sont inutiles.

"Une assertion qui va à l'encontre 70 ans d'évidences"

"Pour moi, l'évidence est très claire, assure au contraire Elias Zerhouni. Ces études sont faites sans essais cliniques prospectifs, sans groupe placebo. C'est une assertion qui va à l'encontre de 70 ans d'évidences. C'est très clair dans l'esprit de tout le monde qu'il y a une corrélation directe entre le taux de LDL (Lipoprotéine de basse densité, surnommé le "mauvais cholestérol", NDLR)  et le taux de mortalité due à des maladies cardiovasculaires."

Une affirmation appuyée depuis autant de décennie par une grande partie de la communauté scientifique et le monde médical. En 2013, par exemple, Philippe Gabriel Steg, cardiologue à l'hôpital Bichat, répondait à Philippe Even dans une tribune au Monde, qu'il "n'y a pas de controverse sur le cholestérol".

Sanofi mise sur une nouvelle génération d'anticholestérol

Si Sanofi se montre échaudé par cette polémique, ce n'est pas par hasard. Associé à Regeneron, le groupe pharmaceutique français a développé le Praluent, un anticorps monoclonal et une solution injectable contre l'hypercholestérol. Ce traitement a été autorisé en 2015 aux Etats-Unis et en Europe notamment. Le Praluent génère quelques millions d'euros (27 millions outre-Atlantique, 6 millions d'euros en Europe au deuxième trimestre), mais il est susceptible de devenir un blockbuster (médicament générant plus d'un milliard de dollar par an) dans les années à venir. L'objectif principal de traitement est de faire baisser le taux de Lipoprotéine de basse densité (LDL) surnommé "mauvais cholestérol".

"Le Praluent n'est pas une statine", tient à rappeler Sanofi à La Tribune. Le groupe pharmaceutique ne voit pas de risques financiers à l'avenir, étant confiant dans la solidité des études cliniques sur "l'évidence du lien entre le cholestérol et les maladies cardiovasculaires".