Santé et innovation : "La France est moins pragmatique que la Chine" (Theraclion)

Par Jean-Yves Paillé  |   |  703  mots
"Les autorités chinoises connaissent l'importance des ultrasons focalisés. Le chemin réglementaire est défini, nous savons vers où nous allons, nous n'avons pas besoin d'aller voir une Haute autorité chinoise", avance David Caumartin qui regrette les obstacles à son développement en France.
Theraclion va créer une coentreprise en Chine pour y lancer Echopulse, son appareil fondé sur l'échothérapie et capable de détruire des tumeurs bénignes. David Caumartin, le patron de la startup française, vante les mérites des autorités de santé du pays... et critique vivement celles de l'Hexagone, où il n'a pas encore obtenu la prise en charge financière de sa technologie.

Le rêve d'entrer sur le marché chinois est devenu réalité pour Theraclion. Cette semaine, la startup française qui conçoit Echopulse, un appareil capable de détruire des tumeurs bénignes du sein ou de la thyroïde grâce à l'échothérapie (la thérapie par ultrasons), a annoncé la création d'une coentreprise en Chine, en association avec Inner Mongolia Furui Medical Science, société spécialisée dans les équipements médicaux. Theraclion aura le contrôle de cette coentreprise, avec 56% du capital détenu. Grâce à la présence commerciale de Furui, et sa renommée dans le pays, Theraclion vendra ses appareils, qui fournissent une alternative à la chirurgie.

En Chine, des dizaines de millions de patients non traités

"Pour nous, le monde est en Chine", fait valoir David Caumartin, directeur général de Theraclion, interrogé par La Tribune. Dans ce pays, 1,7 million d'actes chirurgicaux sont réalisés dans le traitement des tumeurs bénignes du sein et de la thyroïde, et 54 millions de personnes ayant une pathologie thyroïdienne sont non traités, assure-t-il, s'appuyant sur des données chinoises officielles. Cette prévalence importante est en particulier liée à la forte pollution qui sévit dans le pays.

Chaque appareil Echopulse sera vendu 300.000 dollars. Trop cher pour la Chine ? David Caumartin Theraclion assure être "plus compétitif en termes de prix" que ses concurrents. "Les systèmes existants sont encombrants, moins simples d'utilisation", estime-t-il.

Pour creuser son trou dans ce marché, Theraclion va mener deux études cliniques en parallèle sur dix sites, cinq pour les tumeurs bénignes du sein, cinq pour celles concernant la thyroïde.

"On ne vendra pas l'appareil à des hôpitaux chinois avant un an et demi ou deux ans. Mais, dès le milieu de l'année prochaine, avec l'accord de la  CFDA (l'Agence des produits de santé chinoise, Ndlr), et cela ne devrait pas poser de problème, on pourra lancer une opération commerciale d'offre de soins classiques."

Theraclion se développe sur le marché allemand, mais patine en France

Autre élément qui rend confiant David Caumartin: les remboursements pour ce type de technologie médicale existent déjà dans le pays:

"Les autorités chinoises connaissent l'importance des ultrasons focalisés. Le chemin réglementaire est défini, nous savons vers où nous allons, nous n'avons pas besoin d'aller voir une Haute autorité chinoise". Une référence à la Haute autorité de santé française...

Le patron de Theraclion enfonce le clou :

"La France est moins pragmatique que la Chine. Nous avons le droit de vendre notre solution en théorie, mais nous n'y parvenons pas, car celle-ci n'est pas remboursée en France. Nous avons pourtant été la première entreprise à déposer un dossier pour bénéficier du forfait innovation, en janvier 2016."

Ce système du forfait innovation permet aux sociétés de bénéficier d'une prise en charge dérogatoire et transitoire de technologies de santé innovantes lorsqu'elles sont en phase précoce de développement clinique. Un an après sa demande, Theraclion a obtenu l'aval de la Haute autorité de santé en décembre. Mais, à ce jour, l'arrêté nécessaire n'a toujours pas été signé, se plaint le directeur général.

"Cela nous permettrait de lancer les essais cliniques. Et, à terme, cela ferait gagner de l'argent à la Sécurité sociale puisque, avec l'Echopulse, les opérations coûteraient moins chers que la chirurgie", assure-t-il.

Dans le rouge

Aujourd'hui, la société réalise "99% de son chiffre d'affaires à l'export". Mais une entrée concrète sur le marché français serait un coup de pouce salutaire. Theraclion est dans le rouge avec une perte nette de 6,8 millions d'euros en 2016, alors que les ventes d'Echopulse ont généré 1,9 million d'euros de chiffre d'affaires.

La société s'appuie pour le moment sur son développement Allemagne, où sa technologie est présente sur douze sites, bénéficiant d'un remboursement des opérations médicales élargies. "Nous avons commencé à travailler avec un assureur qui couvrait 50.000 personnes, fin 2014. Désormais, ils sont plusieurs assureurs et 12 millions à être couverts", se félicite David Caumartin.