La Chine, un eldorado parsemé de pièges pour les biotechs et medtechs françaises

Les investissements d'acteurs chinois multiplient les prises de participation du capital de biotechs et fabricants de dispositifs médicaux, leur ouvrant le marché asiatique. Mais y creuser son trou peut s'avérer long, laborieux et parfois risqué. Revue de détail.
Jean-Yves Paillé
Chaque année, mille nouveaux hôpitaux sont construits en Chine, selon Business France.

Sur le papier, le marché de la santé en Chine est particulièrement dynamique et semble intarissable. Dans les dispositifs médicaux, couvert à 65% par les importations, la Chine deviendra le 3e acteur mondial dès 2018 avec un marché à 33 milliards de dollars, grâce à une croissance annuelle de 16%. Celle des ventes de médicaments (108 milliards de dollars par an) frôle les deux chiffres.

La Chine se tourne aujourd'hui vers les médicaments et technologies médicales étrangers, perçus comme plus sûrs dans un pays grevé par les scandales sanitaires. "Les investisseurs chinois se sont récemment mis à mettre de l'argent dans les sociétés françaises", note Benoît Colinot, consultant  Business France spécialisé dans les medtechs (fabricants de dispositifs médicaux) et biotechs françaises. Ainsi, Theraclion a fait entrer le Chinois Furui dans son capital en mai, ou encore Spineway s'est rapproché de Tinavi en septembre.

D'autres startups santé françaises s'y intéressent vivement. Plusieurs d'entre elles assistaient à une matinale de France Biotech et Business, le jeudi 5 janvier, intitulée "2017 Objectif Chine : France Biotech à la Conquête de l'Est".

L'objectif de cette réunion était de briefer les patrons de biotechs et medtechs français sur les possibilités et pièges à éviter pour réussir sur le marché chinois. Et ce, en vue d'un voyage à Pékin le 23 septembre prochain, prévoyant une rencontre entre une délégation de startups santé françaises et des investisseurs chinois.

Un déploiement potentiellement laborieux

Premier piège à éviter : foncer tête baissée.

"Les accords stratégiques doivent suffisamment être importants pour que cela vaille les efforts fournis", estime Michel Finance, Directeur général de Theradiag, qui a obtenu en septembre une augmentation de capital de 2,5 millions d'euros souscrite par son partenaire chinois HOB Biotech.

En clair, éviter de mettre trop d'argent pour un retour sur investissement aléatoire, et ne pas se laisser convaincre par la première société chinoise prête à mettre la main à la poche.

Certaines entreprises en ont fait l'amère expérience. En juillet 2016, la société coréenne Yuhan, scelle un partenariat avec le Chinois Shandong Luoxin Pharmaceutical pour développer une thérapie contre le cancer du poumon dit "non à petites cellules". Moins de six mois plus tard, l'accord est rompu. La société coréenne fustige un ex-partenaire chinois qui "n'a pas été sincère dans le respect des termes de l'accord et a uniquement demandé des informations techniques sur le médicament".

Y a-t-il donc un fort risque de vol de la propriété intellectuelle ? Benoit Colinot est nuancé :

"Il n'y en a pas forcément plus que dans d'autres pays. Il faut savoir dire non, si le partenaire chinois demande trop d'informations. Il faut juste lui donner les informations essentielles."

Méconnaissance des acteurs chinois

Or difficile de faire le tri face à d'innombrables sociétés asiatiques aux noms souvent peu familiers. Benoit Coliot lui-même, pourtant basé en Chine une grande partie de l'année, conçoit découvrir chaque semaine de nouveaux acteurs locaux dans le secteur.

Pour ne pas se tromper, les stratégies varient. David Caumartin, dirigeant de Theraclion, a fait confiance à Furui, car celle-ci a fait grandir Echosense, une PME française spécialisée dans les diagnostics hépatiques.

Michel Finance, quant à lui, préconise des rencontres régulières avec le potentiel partenaire asiatique afin de mieux connaître ses desseins, souvent sibyllins. Pendant des négociations, "un ou deux mois sans rencontre physique pose déjà problème", assure-t-il. La distance géographique peut renforcer des barrières culturelles "qui seront toujours existantes", explique-t-il. Et une conception du marché différente pouvant entraîner des désaccords multiples.

L'homologation, un parcours du combattant

Par ailleurs, qui dit une Chine en recherche d'innovation ne signifie pas que celle-ci est prête à déployer les produits français en quelques mois. Pour les dispositifs médicaux, Benoît Colinot estime qu'une homologation prend un an pour un appareil de classe I (faible degré de risque) et au moins trois ans pour un dispositif de classe II (degré moyen de risque).

Et selon Business France, mieux vaut confier l'homologation à un cabinet spécialisé plutôt qu'à un distributeur chinois. Sous peine de voir le processus d'éterniser à cause "d'un manque de compétences internes", pour des questions de "confidentialité" et afin de rester indépendant au cas où la société française serait susceptible de changer de partenaire commercial en Chine.

Un marché non-uniforme

Vient ensuite le risque de manquer la cible. Si la Chine dispose de près de 30.000 hôpitaux (+1.000 par an), seuls "2.000 sont intéressants, car de catégorie 3 et donc susceptibles d'investir dans des dispositifs médicaux innovants", explique Benoit Colinot. Ces derniers sont situés dans les grandes villes (Shanghai, Pékin, Shenzhen... ).

La majorité des hôpitaux s'intéressent encore à des dispositifs d'entrée de gamme. Un marché occupé à 90% par des acteurs locaux, d'après Business France.

Une distribution morcelée

Vient ensuite la question de la distribution du produit au sein d'un des pays à la plus grande superficie.

"Si un distributeur vous promet de vendre votre produit dans tout le pays, c'est faux. La distribution est morcelée, régionalisée", assure Benoit Colinot.

Pour ne pas risquer de générer un faible chiffre d'affaires en se perdant dans des régions moins demandeuses en produits de santé, ce dernier préconise de commencer par Shanghai.

Une recherche clinique à plusieurs vitesses

Enfin, autre piège : la sécurité sanitaire. Pour les biotechs qui veulent effectuer des essais cliniques en Chine, le risque est grand. Il y a une liste noire des Centres de recherche clinique. Mais, comme l'explique le consultant Business France celle-ci est officieuse.

Jean-Yves Paillé

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