Troisième dose et cocktail de vaccins ? La Direction générale de la Santé répond en 7 points

Par Jérôme Cristiani  |   |  1121  mots
(Crédits : Reuters)
Parfaitement acceptée par les autorités sanitaires de France, la vaccination "hétérologue", c'est-à-dire avec successivement des vaccins différents (on parle aussi de "cocktail", de "panachage"...) a vu son efficacité prouvée par de nombreuses études récentes. Pourtant, le fait que des pays comme les États-Unis ou le Canada maintiennent l'interdiction de mélanger les vaccins interpelle, d'autant qu'une campagne de 3e injection en dose de rappel se profile pour contrebalancer la chute de la protection vaccinale. Pour mieux comprendre les problématiques de cette vaccination panachée et de l'affaiblissement rapide de l'immunité, nous avons posé 7 questions à la Direction générale de la Santé, le service gouvernemental dirigé par le Pr Jérôme Salomon. Voici ses réponses.

1) Les États-Unis, le Canada... déconseillent le mélange de vaccins: sur quels arguments s'appuient-ils?

Tout dépend de quels mélanges il s'agit : par exemple, le Canada pratique l'interchangeabilité des vaccins ARNm Pfizer/Moderna, mais pas les États-Unis. En outre, le CCNI canadien (l'équivalent de notre Haute autorité de Santé, HAS) a autorisé la vaccination hétérologue AstraZeneca / vaccin à ARNm (Pfizer/Moderna).

Toutefois, chaque pays s'appuie sur les données recueillies et recommandations émises par leurs autorités sanitaires et scientifiques propres. Nous vous invitions donc à les contacter directement.
[Pour une réponse plus détaillée, lire ci-après la réponse de la DGS à notre 3e question sur le panachage, Ndlr]

2) Que pensez-vous des données adressées par l'alliance Pfizer/BioNTech à la FDA au sujet des bienfaits d'une troisième injection avec leur même vaccin?

Des données auraient effectivement été transmises par le laboratoire à la FDA démontrant l'efficacité d'administrer une troisième dose aux personnes immuno-déprimées. Les autorités sanitaires françaises et européennes n'ont pas à ce jour été destinataires de ces informations.

3) Pourquoi la France considère-t-elle que le panachage est recommandable?

À ce jour, les autorités sanitaires (HAS et COSV*) :

- préconisent le recours à une 2e dose en ARNm (Pfizer/Moderna) pour les personnes primo-vaccinées en AstraZeneca (avis n°2021.0027/AC/SEESP du 8 avril 2021);

- autorisent la vaccination hétérologue Moderna/Pfizer ou Pfizer/Moderna, pour la 2e dose, dans certaines conditions (avis n° 2021.0030/AC/SEESP du 29 avril 2021).

4) 3e dose : à quelle vitesse disparaît la protection apportée par la vaccination "complète" à deux doses; comparé à la protection durable des vaccins classiques, à quoi est dû cet affaiblissement si rapide de la protection ?

L'avis du COSV du 30 avril 2021 fait le point sur l'état des connaissances scientifiques à date sur cette question. Il est consultable en ligne.

| Lire: Avis du 30 avril 2021: Perspectives sur la stratégie de vaccination de la population adulte face aux variants, et des enfants et des adolescents à l'automne (MàJ du 11.05.2021)

5) Pourra-t-on être vacciné avec trois vaccins différents?

La très grande majorité des personnes ayant vocation à réaliser un rappel vaccinal à l'automne ont été initialement vaccinées en Pfizer et celles-ci, compte-tenu du schéma d'approvisionnement de la France, pourront accéder très facilement à un rappel avec ce même vaccin.

Le cas de de figure que vous mentionnez n'est toutefois pas impossible. Par exemple: AstraZeneca en primo-vaccination puis 2e dose en ville avec du Moderna, et enfin 3e dose de rappel en centre avec du Pfizer.

6) Que pensez-vous de la position de l'OMS qui s'inquiète qu'une 3e vaccination dans les pays riches retarde les programmes de vaccination dans les pays pauvres?

L'un n'est pas incompatible avec l'autre : les doses que nous réorientons via l'initiative Covax ne sont pas prélevées sur les stocks nécessaires à la poursuite des objectifs de la stratégie vaccinale, mais sont issus des surplus que nous réorientons au moment du dispatch qui s'opère au niveau européen.

7) Y a-t-il un accord au niveau européen sur cette stratégie vaccinale de la 3e dose et du panachage?

La stratégie de rappel vaccinal de la France ne repose pas sur une volonté de « panachage » de vaccins, mais bien sur une vaccination massivement « homologue » (revaccination avec le même vaccin).

Comme indiqué supra, chaque pays s'appuie sur les données et recommandations émises par leurs autorités sanitaires et scientifiques propres. Il appartient à chaque pays de pratiquer ou non selon sa propre stratégie vaccinale.

Propos recueillis par Jérôme Cristiani

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NOTES & ANNEXES

HAS : créée par la loi du 13 août 2004 relative à l'Assurance maladie, la Haute autorité de Santé est une autorité publique indépendante qui contribue à la régulation du système de santé par la qualité. Son budget exécuté est de 55,79 millions d'euros en 2020. La HAS exerce ses missions dans les champs de l'évaluation des produits de santé, des pratiques professionnelles, de l'organisation des soins et de la santé publique. Ces missions peuvent être regroupées en deux activités principales : évaluation-recommandation, et accréditation-certification. La HAS conçoit et met également à disposition des acteurs de santé des outils, guides et méthodes afin d'améliorer leur prise en charge ou la mise en œuvre de leurs projets. En 2020, parmi les avis qu'elle a rendus, on en  compte 491 sur les médicaments en vue du remboursement; 253 sur les dispositifs médicaux en vue du remboursement; 32 sur des actes professionnels en vue du remboursement; 24 avis économiques sur 22 médicaments et 2 dispositifs médicaux adoptés; 15 avis sur l'éligibilité de technologies innovantes au forfait innovation. En termes d'organisation, elle s'appuie sur 415 collaborateurs internes et 969 experts externes et elle est dotée d'un collège de huit membres dont une présidente qui chapeaute des commissions spécialisées et des services repartis en cinq directions opérationnelles.

COSV : le Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale est composé de 12 membres dont le Pr Alain Fisher qui en est le président. Il est placé auprès du ministre des Solidarités et de la Santé. Ses missions sont de trois ordres : 1) conseiller le gouvernement sur les aspects scientifiques, médicaux et sociétaux de la conception et de la mise en œuvre stratégique de la politique vaccinale, en lien avec les autorités sanitaires compétentes; 2) contribuer à la préparation de la communication de la campagne de vaccination; 3) s'assurer que l'ensemble des acteurs soient associés à la conduite de la stratégie vaccinale et que toutes les voix soient entendues en s'appuyant sur les quatre comités mis en place par le gouvernement: Comité scientifique vaccin, Comité des parties prenantes, Comité des élus locaux, Comité citoyen.

| POUR ALLER PLUS LOIN: Retrouvez ici les avis du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale sur les aspects scientifiques, médicaux et sociétaux de la conception et de la mise en œuvre stratégique de la politique vaccinale.

> DOCUMENTS de RÉFÉRENCE cités par la DGS dans cet entretien: