Hydroliennes : quand Manuel Valls oublie un projet 100% "Made in France"

Par Michel Cabirol  |   |  958  mots
L'hydrolienne OpenHydro (filiale irlandaise de DCNS) sur sa barge Triskell
Le Premier ministre a préféré subventionner de grands groupes (EDF EN et DCNS d'un côté, GDF Suez et Alstom d'un autre côté) pour des fermes pilotes d'hydroliennes. Ces consortiums développent pourtant des technologies étrangères.

Ce qui devait arriver, arriva... L'hydrolienne 100 % "Made in France", proposée par le consortium tricolore Searieus - le chantier naval Constructions Mécaniques de Normandie (CMN), la start-up grenobloise Hydroquest et l'opérateur en énergie verte Valorem - dans le cadre d'un appel à manifestations d'intérêt (AMI) "Énergies marines renouvelables - Fermes pilote hydroliennes" lancé par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), a été finalement retoquée. C'est ce qu'a annoncé ce mardi à Saint-Nazaire le Premier ministre Manuel Valls, qui a préféré subventionner de grands groupes, qui développent des technologies étrangères (anglaise et irlandaise), plutôt que des PME et ETI.

Comme l'avait révélé La Tribune en novembre, les alliances industrielles entre GDF Suez et Alstom d'une part et EDF et DCNS d'autre part ont remporté l'appel à projets pour construire les premières fermes-pilotes d'hydroliennes au large du Cotentin. "Je veux vous annoncer que j'ai désigné deux lauréats pour la construction de fermes-pilotes hydroliennes, dont le projet Nephtyd d'Alstom et GDF Suez", a déclaré le Premier ministre lors de son discours d'inauguration de la nouvelle usine d'éoliennes en mer d'Alstom à Montoir-de-Bretagne, aux abords de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). L'autre lauréat est l'alliance EDF-DCNS. Au total, l'appel à projets pour construire ces turbines sous-marines productrices d'électricité représente un investissement avoisinant une grosse centaine de millions d'euros.

Searieus pourtant soutenu par plusieurs régions

Trois régions françaises avaient pourtant apporté leur soutien à Searieus, qui avait aussi  su convaincre les pêcheurs de la région normande : Aquitaine, Pays de la Loire et Basse-Normandie. En vain. "Le projet Searius a la particularité de proposer une technologie 100% française, portée par des entreprises de taille intermédiaire et une start-up, soit en parfaite cohérence avec la volonté du gouvernement de soutenir les ETI pour faire émerger une filière industrielle française sur les énergies marines, et en particulier sur l'hydrolien où notre pays dispose du deuxième gisement le plus important d'Europe après le Royaume-Uni", avait estimé le 15 novembre la région Aquitaine dans un communiqué.

Dans ce contexte, le président du Conseil régional d'Aquitaine Alain Rousset avait écrit à Manuel Valls pour l'alerter sur ce projet : "la Région renouvelle son soutien à ce projet qui mérite toute sa place parmi les lauréats de l'AMI, afin que puisse se poursuivre la dynamique engagée tant sur le territoire aquitain qu'au niveau national". De son côté, la Basse‐Normandie a également soutenu Searieus. Elle l'est "d'autant plus concernée (...) qu'un acteur local, Constructions Mécaniques de Normandie, est candidat (...). Laurent Beauvais, Jean‐François Le Grand et Benoît Arrivé, présidents de la région Basse‐Normandie, du département de la Manche et de la Communauté urbaine de Cherbourg, affirment leur soutien particulier à ce projet local, qui a su par sa pertinence et son originalité, se hisser aux cotés des grands donneurs d'ordre. Il est important pour le territoire et pour la dynamique des PME françaises, que ce projet soit retenu".

DCNS et EDF prévoient le raccordement au réseau en 2018

Sur la base de l'analyse de l'Ademe, le Premier ministre a donc retenu DCNS et EDF Energies Nouvelles (EDF EN) d'un côté et Alstom et GDF Suez de l'autre côté, pour des fermes pilotes d'hydroliennes. Leur projet Normandie Hydro prévoit l'installation dans le Raz Blanchard d'une ferme pré-commerciale de sept hydroliennes. Les turbines, réalisées sur la base de la technologie développée par OpenHydro (filiale irlandaise de DCNS), auront une puissance unitaire de 2 MW et seront intégralement raccordées au réseau en 2018.

En ordre de marche pour entamer dès à présent la phase pré commerciale, les équipes de DCNS et EDF Energies Nouvelles prévoient en 2015, la poursuite de la concertation, la finalisation du développement du projet et l'obtention des autorisations administratives nécessaires et à partir de 2018, le raccordement final au réseau de la ferme hydrolienne. Le projet Normandie Hydro "doit permettre de participer à la montée en compétence des acteurs français de l'hydrolien, a estimé le communiqué commun de DCNS et EDF EN. A terme, avec le déploiement de futures fermes commerciales en France et en Europe, il donnera à la région Basse-Normandie l'opportunité d'accueillir un hub d'assemblage et de maintenance, avec plusieurs centaines d'emplois à la clé".

Alstom et GDF Suez fourniront de l'électricité à 15.000 personnes

Quatre hydroliennes Oceade™18 (technologie anglaise), d'une puissance chacune de 1.4 MW ainsi qu'un système d'interconnexion sous-marin d'Alstom seront installés dans ce parc expérimental à fort potentiel. "Avec une capacité totale de 5,6 MW, les hydroliennes pourront alimenter 15.000 personnes en électricité", a souligné Alstom mardi dans un communiqué distinct à celui de GDF Suez. Le début de chantier en mer est prévu en 2017, pour une durée d'exploitation de 20 ans. "Un succès qui conforte les ambitions de GDF Suez dans les énergies marines renouvelables", a expliqué de son côté l'énergéticien.

Ce projet va permettre à Alstom de tester son hydrolienne Oceade™ 18 dans des conditions d'installation et d'exploitation préfigurant les parcs commerciaux. Selon Alstom, un prototype de 500kW a déjà été testé à l'EMEC2 en 2011/2012 et a produit 250 MWh d'électricité sur le réseau. Une turbine de 1 MW a remplacé la précédente depuis janvier 2013. Elle a produit plus de 750 MWh d'électricité sur le réseau, soit un total cumulé pour les deux prototypes de plus de 1GWh. Les hydroliennes Alstom de la gamme Oceade™, qui équiperont la ferme pilote GDF Suez du raz Blanchard, bénéficieront de ce double retour d'expérience et des améliorations qui en découleront.