75% des bouteilles en verre sont recyclées, comment atteindre 100% ?

Par Giulietta Gamberini  |   |  1097  mots
Comparer l'empreinte carbone d'une bouteille en verre par rapport à une bouteille en plastique est un exercice contestable.
Le taux de recyclage de ce matériau d'emballage ne cesse de croître depuis 1995, grâce à des campagnes de communication efficaces, avec des impacts positifs tant sur l'environnement que sur les dépenses des collectivités locales. Pour continuer de progresser, il s'agit désormais de relever un double défi : mieux organiser la collecte en ville et convaincre les jeunes.

Vin, champagne, pots de foie gras... les emballages en verre vont s'entasser pendant les fêtes de fin d'année dans les poubelles des Français. Mais grâce à 20 ans de sensibilisation menée par les pouvoirs publics et les industriels concernés, la grande majorité de ces déchets n'aboutira pas à l'incinérateur ou à la décharge : elle sera au contraire revalorisée, à savoir retransformée en bouteilles et pots.

En 2014, ce matériau d'emballage a en effet atteint un taux de recyclage (en tonnage) de 74,6%, a récemment rappelé aux journalistes, dans le cadre d'un bilan annuel, la communauté Friends of Glass, lancée en 2008 par la Fédération européenne du verre d'emballage pour promouvoir l'utilisation du verre. Depuis 1995, lorsque le taux de recyclage était de 40%, ce chiffre n'a fait qu'augmenter, sans incidents ni stagnations. Et en 2015, année "noire" pour l'industrie du recyclage, le verre est parmi les rares matériaux dont les tonnages de collecte ont crû, notait en novembre la fédération des entreprises du secteur, la Federec.

Chaque année, en France, 30 kilos d'emballages en verre sont ainsi recyclés par habitant, ce qui place le pays - où 2,7 millions de tonnes de verre sont consommées chaque année - à la troisième place en termes de performance en Europe, après l'Allemagne et l'Italie. Un avantage certain en termes d'empreinte carbone, puisque, selon le chiffre mis en avant par le président de la Fédération des chambres syndicales des industries du verre, Jacques Bordat, "une tonne de verre recyclé implique, par rapport à une tonne de verre vierge, une économie d'émissions de gaz à effet de serre de 500 kg". Ainsi qu'une économie significative pour les collectivités territoriales qui épargnent 130 euros pour chaque tonne de verre soustrait à l'incinérateur ou à la décharge.

Le défi de convertir les trieurs occasionnels

L'industrie du verre ne cesse en effet de le mettre en avant : le verre est un matériau recyclable à 100%, et ce à l'infini. Le débris de verre issu de la collecte, dit "calcin", est la matière première des verriers français, et certains en utilisent plus de 90%. Une partie de cette performance est due à l'innovation technologique de plus en plus présente dans les centres de tri, qui demandent désormais un investissement de plus de 10 millions d'euros, souligne la fédération. L'introduction du tri optique automatisé, présent aujourd'hui dans 9 des 14 lieux de traitement, permet notamment de mieux séparer le verre blanc du coloré -qui en France sont collectés ensemble -, et donc d'augmenter le taux de calcin dans le premier. Elle contribue également à l'élimination de matières telles que la porcelaine et la céramique - dites "infusibles" car, contrairement au verre, elles ne fondent pas : si à l'entrée du centre de tri elles représentent  en moyenne entre 3 et 5 kilos par tonne de verre de collecte, à la sortie il n'en reste plus que 20 grammes.

Pour continuer de progresser malgré le très bon taux de recyclage, la filière doit donc désormais faire face au défi "d'augmenter le pourcentage de trieurs systématiques (55%) face aux trieurs occasionnels (35%)", souligne Jacques Bordat. Dans un pays où 80% de la collecte se fait en apport volontaire (contre 20% en porte-à-porte), il s'agit tout d'abord de faciliter le geste de tri, notamment en densifiant le réseau de conteneurs (180.000 dans toute la France) dans les grandes villes. Mais il est également question de sensibiliser davantage les jeunes, note Friends of glass : selon une étude récente, alors que 74 % des Français déclarent savoir que le verre se recycle à l'infini, seuls 66,8% des 18/29 ans en sont conscients.  A cette double fin, nombre de collectivités misent sur le design des conteneurs, plus faciles d'accès, mieux intégrés au mobilier urbain et/ou affichant des messages incitant au recyclage.

Le caractère écologique du verre contesté

Friends of Glass communique plus facilement sur les vertus du verre en termes de goût et de santé qu'en termes d'écologie. En effet, l'argument concernant l'empreinte carbone de ce matériau d'emballage par rapport à d'autres parfois alternatifs, et notamment au plastique, est moins bien reçu. En 2008, une étude menée par l'agence de conseil en environnement et développement durable BIO Intelligence Service  pour Tetra Pak, avait bien tenté d'aborder directement cette question que nombre de consommateurs se posent. En tenant compte de quatre étapes de leurs cycle de vie (fabrication des matériaux ; remplissage et conditionnement ; distribution des produits emballés ; fin de vie), elle comparait l'empreinte environnementale de trois types d'emballages communément utilisés en France pour un litre de jus de fruit : carton, verre et plastique PET.

Il en ressortait qu'un emballage fortement recyclé comme le verre n'est pas forcément celui qui possède la plus faible empreinte écologique. En raison du caractère très énergivore de sa fabrication, ainsi que de l'impact de son poids et de son volume sur les transports, une bouteille en verre bien que recyclée impliquerait selon l'étude l'émission de 345 grammes de CO2, contre 129 pour une bouteille en plastique. "Cette analyse de cycle de vie confirme le fait que le matériau qui compose majoritairement l'emballage est l'élément essentiel de son impact environnemental", concluait-elle.

Des emballages incomparables ?

Une telle approche est toutefois contestée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Et pour cause : dans une même famille, comme celle des bouteilles d'un litre, les caractéristiques des emballages sont tellement différentes en termes de poids et de matériaux utilisés (notamment de résines de plastique) que la seule réponse fiable à la question de l'empreinte carbone serait celle d'une analyse produit par produit, explique Sylvain Pasquier, spécialiste des déchets à l'Ademe. Le poids d'une bouteille en plastique peut par exemple varier de 50%, alors que celui d'une bouteille de vin peut aller du simple au double, note-t-il.

"S'il est indéniable que l'empreinte carbone d'un kilo de verre est inférieure à celle d'un kilo de plastique, il est aussi vrai qu'un emballage du premier matériau est toujours plus lourd qu'un emballage fait du deuxième", précise l'expert, en soulignant: "Selon les cas, les conclusions en termes d'empreinte carbone peuvent alors être inversées". Aux consommateurs, il ne reste donc qu'à se référer à l'outil de bilan environnemental produit par produit fourni en ligne par l'agence, et à l'affichage environnemental adopté par quelques marques. Et surtout à trier leurs emballages en verre.