Cdiscount ouvre une nouvelle brèche dans le marché résidentiel de l’électricité

Par Dominique Pialot  |   |  987  mots
Cdiscount est le premier acteur étranger au monde de l'énergie à faire irruption sur le marché résidentiel de l'électricité
Pionnier français de l’e-commerce, la filiale de Casino mise sur les prix les moins chers du marché pour se positionner auprès des particuliers. D’autres acteurs étrangers au monde de l’énergie devraient suivre dans les prochaines semaines.

Depuis l'ouverture du marché aux particuliers il y a 10 ans, un seul fournisseur alternatif, Direct Energie, était parvenu à se faire une place significative (2 millions de clients) aux côtés d'EDF et d'Engie (ex-GDF Suez). Selon le baromètre du médiateur de l'énergie, publié le 17 octobre, près de 50% des Français ignorent encore qu'ils peuvent changer de fournisseur d'électricité, et seulement 33% savent qu'EDF et Engie sont des entreprises différentes et concurrentes. Mais depuis quelques mois, les annonces se multiplient, y compris venues de poids lourds tels que Total.

A l'exception d'Engie, tous se positionnent sur des prix inférieurs aux tarifs régulés de vente (TRV). Mais l'irruption de Cdiscount, un acteur venu d'un autre secteur de l'énergie et qui se positionne comme le moins cher du marché, constitue un nouveau tournant.

Le prix le moins cher du marché, 6% seulement sous les tarifs régulés

A l'heure où quelque 100.000 clients  - sur les 27 millions restés jusqu'à présent fidèles à l'opérateur historique - quittent chaque mois EDF selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE), Cdiscount, filiale du groupe Casino pionnière du e-commerce, entend bien rafler une part du gâteau. Elle s'approvisionnera en électricité auprès d'une autre filiale du groupe, GreenYellow, née il y a dix ans pour développer la production d'électricité solaire sur le toit des magasins et parkings du groupe, et présente depuis fin 2016 sur le marché des particuliers. Mais pour l'heure, Cdiscount est l'un des seuls nouveaux entrants à ne pas proposer une offre verte. L'électricité sera achetée par GreenYellow sur les marchés de gros. « Nous avons voulu commencer avec une offre simple unique qui soit la moins chère du marché, mais nous travaillons sur d'autres offres », précise son PDG, Emmanuel Grenier.

Ce dernier mise sur le prix le moins cher du marché, qui s'affiche à 15% en-dessous des TRV. Certes, ces 15% portent sur un prix HT et non TTC, et sur la seule part de l'électricité, dans une facture dont les deux-tiers se composent de taxes et de coûts de transport. Autrement dit, la différence nette n'est plus que de 6%. Cela suffira-t-il à faire basculer des clients ? Les avis divergent.

La qualité du service en question

Pour Clément Le Roy, senior management au sein du cabinet Wavestone, la différence sur la facture d'un ménage n'est pas suffisante, d'autant plus s'il n'est pas alimenté exclusivement en électricité.

Un avis que ne partage évidemment pas Emmanuel Grenier. « Notre offre permet par exemple à une famille de 4 personnes d'économiser 274 euros par an  ce qui, comme le rappelle le comparateur Selectra, représente près de 90 euros d'économies supplémentaires par rapport à certains de nos concurrents comme Total Spring (positionné 10% en-dessous des TRV, ndlr). »

Le même UFC-Que Choisir a réservé un accueil plutôt mitigé à ce nouvel entrant, rappelant les nombreux litiges qu'elle a eu à traiter en raison d'un service laissant à désirer.

« La qualité  de service de C-Discount dans son cœur de métier n'ayant pas toujours été au rendez-vous, il y a un risque que le consommateur craigne d'être confronté aux mêmes problèmes que les clients du Free des débuts », reconnaît Clément Le Roy.

Mais pour Emmanuel Grenier, « les gens comprennent que la qualité de service est la même partout, puisque le distributeur est toujours Enedis, quel que soit le fournisseur ».

L'énergie, un sujet en ligne ?

C-Discount surtout joue la carte du digital qu'il est plus légitime que tout autre à mettre en avant.

« Avec 8,5 millions de clients en ligne, soit plus que toute autre marque sur le marché, nous sommes perçus comme une grande marque du digital, avance Emmanuel Grenier. Or aujourd'hui, le sujet de la souscription à un fournisseur d'énergie est un sujet en ligne. »

Surtout pour les nouvelles générations.

Par ailleurs C-Discount ne prévoit pas d'investissements marketing onéreux. Pas de campagne média, l'offre étant principalement mise en avant sur le site, qui compte entre 2 et 5 millions de visites par jour et 16 millions de visiteurs uniques par mois.

C-Discount ne divulgue pas ses objectifs. « Nous n'avons pas l'habitude de les communiquer mais je peux vous d'ores et déjà vous dire que cette offre est rentable. »

Bientôt des GAFA fournisseurs d'électricité ?

Un point en tous cas fait consensus : l'afflux de nouvelles offres destinées aux particuliers n'est pas prêt de se tarir.

« On ne fait pas suffisamment le parallèle avec les fournisseurs d'accès Internet, la téléphonie mobile ou encore les banques, où l'on a observé des vagues de nouveaux entrants suivies de nouveaux replis, observe Clément Le Roy. Ce mouvement de foisonnement d'offres n'est certainement pas terminé, et il y a fort à parier que de nouvelles annonces soit faites d'ici la fin de l'année », poursuit-il.

Ces dernières pourraient venir d'acteurs de la grand distribution, du bricolage ou du e-commerce, y compris de la part des GAFA. « Tous ceux qui se positionnent comme des « hubs » du foyer peuvent vouloir tenter leur chance, estime-t-il. Difficile de se différencier sur l'offre nue, mieux vaut proposer une offre intégrée du type maison connectée. »

« D'ici à fin 2018, il y aura des victimes et des dégâts collatéraux, prédit le consultant. Au-dessous d'un certain volume de clients, le B2C n'est pas rentable », rappelle-t-il, évoquant le précédent des opérateurs de téléphonie virtuels, les MVNO, qui louaient les réseaux de leurs concurrents.

« Comme sur tout marché ouvert, il y aura certainement encore d'autres entrants, reconnaît Emmanuel Grenier. Mais nous serons toujours les moins chers. C'est notre credo, ce qu'on a toujours fait. »

Pour l'heure, lui qui suit les ventes heure par heure par culture, assure que l'offre a très bien démarré.