Climat : l’économie mondiale encore trop accro aux énergies fossiles

Par Dominique Pialot  |   |  779  mots
80% du mix énergétique du G20 repose sur les énergies fossiles
Comme le montre le bilan énergétique 2018 publié par le cabinet Enerdata, l’intensité carbone des pays du G20 diminue beaucoup trop lentement pour respecter l’accord de Paris. En cause, une économie mondiale encore très énergivore et un mix énergétique fossile à 80%.

Certes, comme en 2017, la demande en énergie des 20 pays les plus riches de la planète (qui représentent 80% de la demande mondiale) en 2018 s'accroît un peu moins (+2,2%) que celle de leur PIB (+3,8%). Et leurs émissions de CO2 encore un peu moins, à +1,7%. Cette progression est moins importante que celle de l'année dernière (+2,2%), mais elle reflète le rebond survenu après un plateau atteint entre 2014 et 2016. Ce résultat médiocre, et en tous cas très en deçà de ce qui serait nécessaire pour respecter l'Accord de Paris, résulte à la fois d'un découplage insuffisant entre croissance économique et demande en énergie et d'un mix énergétique trop carboné. La quantité d'énergie nécessaire pour un point de PIB ne diminue que de 1,5%, soit nettement moins que les années précédentes. En dehors de phénomènes conjoncturels liés à la météo (forte croissance de la demande en énergie aux Etats-Unis à +3,5%, quasi-stagnation en Europe (-1%), dont une baisse significative de -4% en Allemagne), ces tendances sont essentiellement structurelles.

Les efforts à consentir toujours plus importants

Côté mix énergétique, le gaz connaît la plus forte croissance à +4,8%, tirée à la fois par le gaz de schiste américain et par la demande chinoise liée à son effort de substitution du charbon par le gaz. Les échanges de gaz naturel liquéfié (GNL) bondissent de 8,5% en un an pour atteindre 11% de l'offre totale de gaz naturel. Mais, bien que deux fois moins émetteur que le charbon, le gaz n'en reste pas moins une énergie fossile. Le pétrole poursuit sa hausse, tiré notamment pas la croissance du parc automobile chinois et la pétrochimie américaine. Quant au charbon, il reprend une légère (+0,7%) progression malgré la décision de plusieurs pays de fermer leurs installations, contrebalancée par une demande qui redémarre en Inde et en Chine. Etant donné son poids dans le mix, même une faible hausse pèse dans la balance.

Résultat de ces constats : alors qu'en 2015 lors de sa signature l'accord de Paris impliquait une baisse annuelle moyenne des émissions de 2,9% jusqu'en 2050, le retard enregistré depuis fait grimper le niveau des efforts nécessaires à + 3,3% par an. Et ce chiffre ne cessera d'augmenter tant que l'économie mondiale ne parviendra pas à se mettre sur la bonne trajectoire. En tablant sur une hypothèse de croissance annuelle moyenne de 3%, il faudrait pour respecter l'accord de Paris réduire l'intensité carbone de l'économie de 6,3% par an, au lieu des 2% atteints ces dernières années.

Renouvelables et électrification pour une meilleure efficacité énergétique

Dans ce tableau assez sombre, une bonne nouvelle cependant : la progression de l'électrification, qui se traduit par une hausse de 3,7% de la demande, supérieure à celle de la demande globale en énergie. Non seulement l'électricité est un vecteur de décarbonation car elle est de plus en plus souvent produite à partir de sources d'énergie sans CO2, nucléaire ou renouvelables. Pour autant, si la production d'énergies vertes, notamment éolienne et solaire, s'est accrue en 2018 de respectivement + 10% et + 24%, le rythme d'installation de nouvelles capacités marque le pas, à +  44 gigawatts (GW) d'éolien et +84 GW de solaire. Mais l'électrification contribue également à améliorer l'efficacité énergétique de l'économie. Notamment dans la mobilité, les moteurs électriques sont en effet trois fois plus efficaces que les moteurs thermiques.

L'Union européenne, où les émissions de CO2 ont diminué plus rapidement (-2,5%) que la demande en énergie (-1,1%), grâce à la baisse, voire la sortie du charbon de plusieurs Etats membres (à l'exception de la Pologne) et à une amélioration de l'efficacité énergétique probablement stimulée par un cours de la tonne de CO2 reparti à la hausse.  Malgré certaines disparités (qui voient la France particulièrement mal placée), l'UE est en bonne voie pour atteindre son objectif de 20% d'énergies renouvelables dans son mix en 2020. Ce qui contribuera automatiquement à améliorer son efficacité énergétique. Pour les 32,5% visés à l'horizon 2030, en revanche, il va falloir changer de braquet, prévient d'ores et déjà Enerdata...Des signaux positifs sont à repérer du côté d'une attention de plus en plus soutenue des investisseurs à l'empreinte carbone de leur portefeuille, de la révision des politiques des banques de développement ou encore du développement d'une réflexion transverse à tous les secteurs pour atteindre la neutralité carbone. En revanche, en dehors d'une décarbonation trop lente du mix énergétique, la subsistance de subventions aux énergies fossiles ou encore les retards cumulés danse la rénovation thermique des bâtiments apparaissent comme les principaux points noirs.