Déchets radioactifs : Greenpeace pointe 18 milliards de "coûts cachés"

Par latribune.fr avec AFP  |   |  774  mots
Les charges de gestion de ces déchets (hors futures opérations de démantèlement des centrales nucléaires) sont estimées officiellement à 73,5 milliards d'euros, dont 25 milliards - somme fixée par décret - pour le futur site de stockage géologique profond Cigéo.
Selon l'ONG, 90% des matières censées être réutilisées un jour n'auraient pas de "perspective sérieuse de valorisation". Leur gestion ferait exploser la facture de la filière nucléaire.

L'industrie "refuse d'assumer" une grande partie des déchets radioactifs qu'elle produit, en les présentant comme des matières "valorisables". C'est l'accusation formulée par Greenpeace dans un rapport publié ce mercredi 11 septembre, alors que le débat public sur le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs lancé le 17 s'avril s'approche de sa fin, fixée au 25 septembre.

Selon les calculs de l'ONG, "les volumes de déchets de haute activité à vie longue (HA-VL)", qui représentent un pourcentage infime en termes de volumes dans l'ensemble des déchets radioactifs produits en France, mais qui en contiennent l'essentiel de la radioactivité, et qui donc "supposent une solution de stockage fiable pour des dizaines de milliers d'années ou plus", "sont cinq à sept fois supérieurs aux chiffres officiels".

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300.000 mètres cubes en plus

L'écart serait notamment dû au "mythe du recyclage", qui serait "du pur greenwashing". 90% des matières censées être réutilisées un jour,  comme le combustible usé entreposé dans les piscines de La Hague, n'auraient en effet pas de "perspective sérieuse de valorisation". Cela ajouterait 300.000 mètres cubes de déchets à l'inventaire officiel de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), selon lequel en 2017 la France en comptait 1,62 million de mètres cubes, dont 0,2% de haute activité.

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Dans un rapport publié en juillet, la Cour des comptes avait déjà noté les "limites" et l'"ambiguïté" de la classification en tant que "matières" et non pas "déchets" de certaines substances, comme le MOX usé et l'uranium de retraitement ré-enrichi (URE) dont la réutilisation est liée à l'hypothétique développement de réacteurs de 4e génération à protons rapides: une perspective qui s'est éloignée avec l'abandon, au moins à moyen terme, du projet de réacteur prototype Astrid.

Une charge supplémentaire pour EDF

Ce surplus aurait un effet énorme en termes de surcoûts, dénonce l'ONG. Selon l'association, "il faudrait à minima doubler les dimensions du projet Cigéo à Bure", où les déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue son censés être stockés. Il faudrait au moins 18 milliards d'euros supplémentaires pour leur gestion (sans compter ceux "qui seront produits dans les années qui viennent"), ce qui "creuserait davantage la dette d'EDF". 15 milliards seraient en effet à sa charge, alors que la société est déjà endetté à hauteur de 33 milliards d'euros.

Les charges de gestion de ces déchets (hors futures opérations de démantèlement des centrales nucléaires) sont estimées officiellement à 73,5 milliards d'euros, dont 25 milliards - somme fixée par décret - pour le futur site de stockage géologique profond Cigéo. Dans son rapport de juillet, la Cour des comptes notait:

"Le coût du seul stockage éventuel des MOX et URE usés dans Cigéo est évalué à plus de 5 milliards d'euros".

"Une traduction financière prudente"

Devançant la publication du rapport de Greenpeace, EDF a assuré mardi après-midi avoir pris les provisions financières nécessaires pour ses déchets.

"Même si notre scénario industriel est de conserver ouverte la possibilité du multirecyclage, notamment dans les réacteurs de 4e génération, dans la mesure où cette filière industrielle n'existe pas aujourd'hui et de fait a une perspective retardée, ce que nous pratiquons déjà depuis de nombreuses années c'est une traduction financière prudente qui consiste à provisionner une solution de repli qui s'appuie uniquement sur les technologies aujourd'hui disponibles", a indiqué à l'AFP Sylvain Granger, directeur des projets déconstruction et déchets pour EDF, qui a provisionné un peu moins de 41 milliards d'euros au total.

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Greenpeace pour sa part réclame, "dans le cadre du débat public", "une opération transparence" , en plaidant notamment pour une requalification en déchets des "matières radioactives non réutilisables", et pour la prévision de "plus de financements pour leur stockage". Elle demande également de "mettre un terme au retraitement du combustible usé, qui multiplie les risques", de "renoncer au projet d'enfouissement profond Cigéo" en privilégiant le stockage à en sub-surface et de de "mettre fin aux transports nucléaires" liés au retraitement et interdire les passages en zone de concentration urbaine, voire de planifier "une sortie du nucléaire".

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