Feuilleton Suez/Veolia : «Ils ont trahi leur entreprise, ils ont trahi la France», attaque Antoine Frérot

Par latribune.fr  |   |  726  mots
(Crédits : Philippe Wojazer)
Le PDG de Veolia, qui cherche à mettre la main sur Suez, a qualifié de « pitoyable » la décision de son rival de créer un dispositif juridique rendant incessible sa branche Eau française pendant quatre ans. Sur BFM Business, l'opération est décrite par Antoine Frérot comme un « coup fourré ».

Le feuilleton Suez-Veolia-Engie est entré dans une nouvelle phase. Les négociations entamées par le groupe Veolia, pour racheter les 29,9% de parts d'Engie qu'il détient dans Suez, se sont notoirement envenimées ce jeudi 24 septembre, au lendemain de l'annonce surprise du groupe Suez de placer son activité eau sous la protection d'une fondation, contrecarrant ainsi les plans du géant de l'énergie à l'aide de ce dispositif juridique.

Interrogé sur BFM Business, le PDG de Veolia juge en effet «pitoyable» le transfert juridique à l'étranger de l'Eau France de Suez - que Veolia avait prévu dans son opération de rachat de revendre au fonds Meridiam afin d'être conforme aux règles de l'Autorité de la concurrence -. A plusieurs reprises, il a décrit la démarche, visiblement totalement inattendue par la multinationale, comme étant «un coup fourré».

De fait, quelques heures plus tôt, Suez annonçait avoir assuré «juridiquement la pérennisation de Suez Eau France au sein du groupe Suez» en rendant «inaliénable» pendant quatre ans toute cession de l'activité eau en France sans accord des actionnaires et d'une fondation. Cette fondation de droit néerlandais a été créée spécialement par la direction du groupe de services à l'environnement, déstabilisant les plans de Veolia.

En réalité, l'annonce de Suez mercredi vient totalement bouleverser le calendrier de Veolia et son rachat, valable jusqu'au 30 septembre, et fixée à 2,9 milliards d'euros.

Résultat, dans cette bataille par médias interposés, Antoine Frérot, n'a pas mâché ses mots le lendemain concernant la solution trouvée par Suez : «Ils ont trahi leur entreprise, leurs actionnaires y compris Engie, ils ont même trahi la France. (...) Quand on défend son poste plutôt que son entreprise face à un projet d'intérêt national j'estime qu'on trahit, et son entreprise, et la France», a-t-il scandé au micro. Le PDG de Veolia en a aussi profité pour défendre son «projet industriel» face à «un projet financier» mis en place par le président de Suez Philippe Varin, après que celui-ci a annoncé vouloir "doubler la valeur" des titres de Suez pour les actionnaires dès 2022. Pour contrer l'offensive de Veolia et chercher un soutien, Suez avait promis à ses actionnaires un dividende exceptionnel d'au moins un milliard d'euros «dès que possible et au plus tard au 1er semestre 2021».

«C'est un dépeçage entamé par la direction», a encore accusé Antoine Frérot au micro de la radio. Une attaque sémantique utilisée également la veille par la numéro 2 du groupe Veolia, la Chief Operating Officer Estelle Brachlianoff, dans une interview à La Tribune et dans laquelle elle pointait «une inquiétante accélération du démantèlement de Suez».

Lire aussi : "On assiste à une inquiétante accélération du démantèlement de Suez par lui-même" (Estelle Brachlianoff, Veolia)

Sonné, mais pas ravisé

«A qui profite ce crime ?» , a encore interrogé Antoine Frérot sur BFM Business. «A ceux qui le commettent», a-t-il lui-même répondu, dénonçant le montage de la fondation Eau de Suez «basée à l'étranger». «Aujourd'hui, ils (les dirigeants de Suez, ndlr) transfèrent dans un paradis fiscal, les Pays-Bas, un de leurs actifs les plus importants», l'Eau France, a déclaré M. Frérot.

Seule certitude dans ce feuilleton capitalistique à rebondissements, la date butoir de l'offre de Veolia sur Suez auprès d'Engie fixée au 30 septembre prochain. «Mon offre est caduque. En six semaines, nous avons déjà 15% des effectifs de Suez en moins», a rétorqué Antoine Frérot qui a également ajouté «qu'il n'y aura pas d'autres offres Veolia». Concernant une éventuelle OPA, le PDG a simplement répondu, visiblement déstabilisé par la riposte juridique de Suez : «Tout est possible. Nous devons d'abord analysé juridiquement toutes les options.»

Tandis qu'en début de semaine Veolia avait déjà fait un appel du pied se montrant prêt à «discuter» du prix de rachat, Antoine Frérot n'a à nouveau pas exclu jeudi de «relever l'offre». «Toutes les options sont possibles», a-t-il souligné.

M. Frérot a indiqué qu'il allait rencontrer ce jeudi le PDG d'Engie Jean-Pierre Clamadieu. Engie a jusqu'au 30 septembre pour répondre à son offre.

Lire aussi : Veolia fait un pas vers Engie pour "discuter" du prix de Suez

(Avec AFP)