Gaz et électricité, Total ne s'invite pas vraiment par hasard chez vous...

Par Michel Cabirol  |   |  1039  mots
Total "a l'ambition (de) convaincre assez rapidement trois millions" de clients, a annoncé son PDG Patrick Pouyanné, promettant de ne "pas attendre cinq ans" pour atteindre ce chiffre.
Total a lancé jeudi une nouvelle offre de fourniture de gaz et d'électricité aux particuliers en France. Le pétrolier vise la place de numéro trois du marché derrière EDF et Engie.

Après l'or noir, Total se lance désormais vers un nouveau filon, le marché de la distribution de gaz naturel et de l'électricité aux particuliers. "De la pompe à la prise", Total fait le grand écart mais le pétrolier ne s'invite pas vraiment par hasard chez les particuliers. Car comme l'a rappelé le PDG de Total, Patrick Pouyanné, le 21e siècle sera électrique. "On va l'assumer", a-t-il affirmé jeudi à l'occasion du lancement de Total Spring, une offre de gaz naturel et d'électricité verte aux particuliers qui est 10% moins chère par rapport aux tarifs réglementés.

Total "a l'ambition (de) convaincre assez rapidement trois millions" de clients, a annoncé Patrick Pouyanné, promettant de ne "pas attendre cinq ans" pour atteindre ce chiffre. Total, qui proposera une électricité issue à 100% d'énergies renouvelables, compte "devenir le plus gros opérateur alternatif en France", a souligné son PDG, sans détailler ses objectifs respectifs dans le gaz et l'électricité.

L'offre de Total sera garantie pendant au moins un an et, selon l'évolution des marchés, le pétrolier assure que son offre sera toujours moins chère d'au moins 5%, explique-t-on à La Tribune. "Ça représente quand même, pour une famille avec deux enfants, qui se chauffe à l'électricité, une économie de plus de 200 euros par an, pour un jeune qui est dans un studio, plus de 50 euros par an", a expliqué Patrick Pouyanné sur RTL. Le pétrolier compte donc séduire par des prix compétitifs, la qualité de son offre à l'image de ses stations-services où un million de français s'arrête chaque jour, et, enfin, par la simplicité de son offre.

Total assume son rôle d'outsider

En entrant sous sa marque sur le marché français des particuliers, Total poursuit sa stratégie d'intégration dans l'aval de la chaîne gaz et électricité en Europe. Le pétrolier ne débarque pas à l'improviste chez les particuliers. "On a déjà ce lien" avec eux et "on veut l'approfondir", a estimé Patrick Pouyanné. Sur ce marché, Total compte déjà plus de 400.000 clients en France et 700.000 en Belgique sous la marque belge Lampiris, qui a été rachetée il y a un an. Après la France, Total regardera les Pays-Bas et l'Allemagne. Le pétrolier est également un acteur majeur sur le marché des professionnels avec plus de 500.000 sites alimentés dans six pays européens (Royaume-Uni, France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne et Espagne).

Pour autant, le marché de la fourniture de gaz et d'électricité aux ménages français, qui est ouvert à la concurrence depuis 2007, reste dominé par EDF et Engie. Dans l'électricité, EDF continue de distribuer du courant aux tarifs réglementés à près de 84% des ménages. Les 5,2 millions de foyers ayant opté pour une offre à prix libre sont quasiment tous passés chez un de ses concurrents. Dans le gaz, le marché est un peu plus ouvert, avec plus de la moitié des 10,6 millions de ménages abonnés au gaz qui ont quitté les tarifs réglementés proposés par Engie. Parmi eux, l'ex-GDF Suez a réussi à conserver 2,8 millions de clients via ses propres offres de marché. Il conserve une part de marché de 75%.

Signe de la puissance des deux opérateurs historiques, dans l'électricité, le principal concurrent d'EDF est devenu ... Engie, qui fournit du courant à 3,3 millions de clients, soit un peu plus de 10% de parts de marché. Et dans le gaz, EDF, avec 1,3 million de clients, est désormais le numéro 2 du secteur derrière Engie avec aussi environ 10% de parts de marché. Ce sont les objectifs de Total, qui devra fournir 10 gigawatt (5 à partir d'énergies renouvelables et 5 à partir de gaz naturel, un marché sur lequel il est parmi les trois premiers mondiaux) pour servir les trois millions de clients visés.

Pas de quartier sur les opérateurs alternatifs

Si Patrick Pouyanné reconnaît ne pas être en mesure de concurrencer les anciens monopoles sur leurs terrains - EDF dans l'électricité et Engie dans le gaz -, Total veut "être le plus gros opérateurs alternatifs", selon le PDG de Total, et concurrencer Direct Énergie et l'italien Eni, principaux concurrents des opérateurs historiques en France. "Après dix ans d'existence du marché", la faible part des distributeurs alternatifs "est incroyable", a déploré Tom Van de Cruys, directeur général de Lampiris, qui continuera par ailleurs à gérer ses activités sous son nom en Belgique. "C'est un pouvoir d'achat immense qui est gâché".

Ce n'est pas faute d'offre car une trentaine de fournisseurs s'affrontent dans chacune des énergies. Fin septembre, Butagaz, spécialiste des bouteilles de gaz propane et butane, a annoncé une offre de distribution dans le gaz comme l'électricité. Seule une poignée parmi les nouveaux acteurs a pu tirer leur épingle du jeu. Dans l'électricité, seul Direct Energie, présent en France depuis 14 ans, détient 1,4 million d'abonnés. Soit un peu plus de 4% de part de marché de particuliers. Il est sur la troisième marche du podium. Le groupe, qui s'est aussi diversifié dans la production ces dernières années, est également le quatrième fournisseur de gaz pour les particuliers avec 497.000 clients. Il suit l'italien Eni, dont la filiale française dessert plus de 630.000 ménages. Le groupe a attaqué en 2017 le marché de l'électricité et vise 140.000 clients dès la fin de l'année.

Des investissements

Pour atteindre ses objectifs, Total prévoit de développer ses capacités de production en France et n'excluait pas de racheter ou de construire des centrales à gaz, ou encore d'être candidat à des concessions hydroélectriques. Mais Patrick Pouyanné est resté très vague sur le plan d'investissements pour développer cette nouvelle activité. Il a simplement rappelé que le groupe est en plein renforcement dans les énergies renouvelables, avec encore deux acquisitions en septembre et 400 millions d'euros d'investissements annuels dont "une partie" va être consacrée à l'électricité. "On ne sera pas un grand électricien", a-t-il néanmoins reconnu. Mais Total, qui se veut humble et discret pour ne pas réveiller EDF et Engie, n'est pas là par hasard. Vraiment pas.