La compagnie gazière émiratie ADNOC Gas a annoncé un accord d'au moins un milliard de dollars avec le français TotalEnergies, lundi 1er mai. Objectif affiché, permettre l'approvisionnement en gaz naturel liquéfié (GNL), les pays européens cherchant à diversifier leurs fournisseurs afin de se passer de la Russie. De fait, ils comptent de plus en plus sur le GNL comme alternative au gaz russe, à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Cet accord, valable pour trois ans, pèse entre 1 et 1,2 milliard de dollars (entre 900 millions et 1 milliard d'euros), a affirmé dans un communiqué ADNOC Gas, filiale du géant pétrolier émirati Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC). L'accord a été signé avec TotalEnergies Gas et sa filiale Power Limited.
Un accord effectif dès cette année
Le gaz naturel liquéfié (GNL) émirati « sera livré à divers marchés d'exportation dans le monde entier », a ajouté l'entreprise émiratie, qui n'a pas précisé les volumes fournis. « L'accord doit démarrer en 2023 et vise en priorité le marché asiatique », a précisé de son côté à l'AFP le groupe TotalEnergies.
En juillet 2022, un accord entre la multinationale française et ADNOC avait déjà été signé « pour coopérer dans le secteur des approvisionnements en énergie », lors d'une visite à Paris du président des Emirats arabes unis, Cheikh Mohamed ben Zayed al-Nahyane.
Les Emirats ont également annoncé en septembre fournir à l'Allemagne du gaz naturel et du diesel, dans le cadre d'un accord sur « la sécurité énergétique ».
Une production annuelle de 15 millions de tonnes
La question de l'approvisionnement en gaz du Vieux continent est particulièrement délicate pour l'Allemagne, dont la moitié des importations de gaz viennent de Russie. La France, pour sa part, importait avant la guerre en Ukraine près de 17% de gaz naturel de la Russie, selon le ministère de la Transition écologique.
En 2021, les Emirats arabes unis ont produit 57 milliards de mètres cubes de gaz naturel, soit environ 1,4% de la production mondiale, selon les chiffres de BP Statistical Review of World Energy. La même année, d'après la même source, les Emirats ont produit 8,8 milliards de mètres cubes de gaz naturel liquéfié, soit 1,7% des exportations mondiale.
Le pays espère atteindre une production annuelle de 15 millions de tonnes dans les prochaines années, selon l'agence Bloomberg.
Une accalmie sur les prix du gaz
Cet accord intervient alors que les prix du gaz connaissent une nouvelle accalmie sur les marchés mondiaux depuis le début de l'année. « Il ne faudrait pas grand chose pour provoquer un fort rebond », estime toutefois l'étude trimestrielle du centre de recherche spécialisé Oxford Institute for Energy Studies, parue lundi 17 avril.
« Un rebond même relativement minime de la demande en Europe ou en Asie pour profiter des bas prix, un hiver froid, ou une rupture d'approvisionnement comme en 2022 sur le terminal de liquéfaction de Freeport (au Texas, NDLR) pourrait facilement perturber l'équilibre actuel », soulignent les auteurs.
« Il est trop tôt pour être confiant dans le fait que les signaux pointent nécessairement dans une bonne direction pour l'ensemble de 2023 », ajoutent-ils. Ils rappellent que les prix du gaz naturel sur les marchés, qui influencent indirectement le tarif au consommateur final, demeurent « largement au-dessus du niveau moyen des cinq dernières années ».
L'offre de GNL en hausse
Les prix du gaz naturel se mesurent avec deux références, celle de Rotterdam (Title Transfer Facility, TTF) et celle du gaz naturel liquéfié JKM (Japan Korea Marker) en Asie. Ces prix, qui se sont déjà fortement assagis en janvier, ont encore reflué depuis, s'inscrivant début avril en baisse d'environ 33% depuis janvier pour le TFF et de « presque 25% » pour le JKM.
L'Oxford Institute for Energy Studies avance plusieurs explications. L'Europe a fini l'hiver avec un niveau de stockage « record pour un premier trimestre ». L'objectif de la Commission européenne d'avoir des stockages remplis à 90% au 1er novembre semble dès lors plausible.
Ensuite, la consommation de gaz en Europe reste inférieure par rapport à ce qu'elle était l'an dernier (-13% au premier trimestre par rapport au premier trimestre 2022). Par ailleurs, l'offre mondiale de gaz naturel liquéfié (GNL) est en « légère augmentation » comparé à 2022, tandis que les importations trimestrielles de GNL se contractent ailleurs qu'en Europe.
« L'une des grandes questions est de savoir comment la levée des restrictions liées au Covid en Chine va impacter les marchés de l'énergie », soulignent cependant les auteurs pour le reste de l'année.
Parmi les facteurs qui pourraient faire à nouveau dérailler les prix, ils citent le risque d'une nouvelle réduction des exportations de Russie, si le flux russe via l'Ukraine s'interrompt ou si l'Europe prend des mesures plus fortes contre les importations de GNL russe.
L'étude rappelle que dix compagnies européennes ont des contrats de long terme avec le géant russe Gazprom, qu'ils ont accepté de payer en roubles: OMV en Autriche, PPD en Croatie, SPP en Slovaquie, MVM en Hongrie, DEPA, Mytilineos et PPC en Grèce, Makpetrol en Macédoine du nord, Srbijagaz en Serbie et Energoinvest en Bosnie.
(Avec AFP)