Le Brexit, une menace pour les abeilles ?

Par Giulietta Gamberini  |   |  591  mots
"Si la protection de l'habitat et de la nourriture naturels des abeilles devaient être démantelés, et les pesticides nocifs à leur encontre réintroduits en Grande-Bretagne, les conséquences pourraient être dévastatrices tant pour les abeilles du pays que pour l'ensemble de la chaîne alimentaire", souligne Sam Lowe, membre de l'ONG Friends of the Earth.
En cas de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, le gouvernement britannique céderait aux pressions des agriculteurs et opterait pour des règles moins restrictives en matière d'interdiction des néonicotinoïdes, craignent plusieurs ONG et militants écologistes.

Alors qu'en France la ministre de l'Environnement Ségolène Royal s'est engagée jeudi 16 juin à mettre "tout son poids dans la bataille" pour l'interdiction des néonicotinoïdes, à l'ordre du jour de la loi sur la biodiversité, de l'autre côté de la Manche les enjeux de ces pesticides pour les abeilles deviennent un argument contre la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. En cas de Brexit, le gouvernement britannique ne serait plus tenu d'appliquer la législation de protection de l'environnement imposée par l'UE : cédant aux pressions des agriculteurs, il opterait ainsi pour des règles bien moins restrictives, craignent plusieurs ONG et militants écologistes qui ont commencé à faire entendre leur voix, rapporte The Guardian.

Un manque de transparence

Cette crainte se fonde d'ailleurs sur des précédents. En 2013, lorsque l'Union européenne a finalement banni trois néonicotinoïdes, malgré un fort lobbying de l'industrie agroalimentaire, le gouvernement britannique s'était fortement opposé à cette décision. Deux ans plus tard, en 2015, il a d'ailleurs autorisé une exemption "d'urgence" à cette interdiction pour la culture du colza, en muselant une commission ministérielle d'experts (l'Expert Committee on Pesticides, ECP) opposée à cette demande des agriculteurs, rapporte le quotidien.

Après avoir rejeté une autre requête d'exemption temporaire formulée par la National Farmers Union (NFU, l'Union nationale des agriculteurs) en début 2016, le gouvernement a remis la question à l'ordre du jour, selon The Guardian. Un examen à portes fermées par l'ECP a eu lieu mardi 14 juin. Ce manque de transparence a d'ailleurs fait l'objet d'une plainte adressée par 25 parlementaires de divers partis à la ministre de l'Environnement, de l'Alimentation et des Affaires rurales, Liz Truss.

The Guardian cite également le sous-secrétaire d'Etat à l'Agriculture, à l'Alimentation et à l'Environnement marin, George Eustice, qui dans le cadre de sa campagne pour le Brexit a récemment insisté sur la nécessité de se débarrasser de l'esprit "rabat-joie" des directives européennes pour développer une approche plus flexible à la protection de l'environnement.

Les agriculteurs mieux dans l'UE

Alors que la NFU insiste sur la nécessité "vitale" des néonicotinoïdes pour la protection des cultures de colza, et que les partisans du Brexit s'attaquent à la bureaucratie européenne, quelque 300.000 personnes ont signé outre-Manche une pétition visant à maintenir l'interdiction des trois produits bannis, et 100.000 autres ont soutenu un appel à plus de transparence sur le sujet"Si la protection de l'habitat et de la nourriture naturels des abeilles devaient être démantelés, et les pesticides nocifs à leur encontre réintroduits en Grande-Bretagne, les conséquences pourraient être dévastatrices tant pour les abeilles du pays que pour l'ensemble de la chaîne alimentaire", souligne Sam Lowe, membre de l'ONG Friends of the Earth, cité par The Guardian.  "Dans son histoire récente, l'Union européenne a résolument protégé les abeilles et les pollinateurs", insiste Matt Shardlow, de l'association Buglife.

Malgré son opposition à ce pan des politiques européennes, l'Union nationale des agriculteurs britanniques n'est par ailleurs pas favorable au Brexit. Après avoir commandé un report sur l'impact sur l'agriculture en Angleterre et au pays de Galles d'une sortie du Royaume-Uni de l'UE, la NFU a adopté une résolution en avril affirmant que "sur le fondement des données existantes et disponibles jusqu'à présent, les intérêts des agriculteurs sont mieux servis par un maintien de leur appartenance à l'Union européenne". L'organisation a toutefois décidé de ne pas prendre position face au référendum qui se tiendra le 24 juin.