Le G20 s'engage sur les énergies renouvelables, mais reste muet sur le pétrole

Par latribune.fr  |   |  834  mots
Le G20 a exprimé sa volonté d'aider au triplement des énergies renouvelables d'ici 2030. (Crédits : JOACHIM HERRMANN)
C'est une première : les membres du G20 ont exprimé leur soutien au triplement de la production d'énergies renouvelables d'ici 2030, afin d'adresser la crise climatique. Mais cet déclaration inédite est loin d'éclipser l'absence de prise de position sur la production de gaz et de pétrole.

Profondément divisé sur le pétrole, le G20 a une fois de plus échoué à s'accorder sur une sortie des énergies fossiles samedi. Mais pour la première fois, le sommet a exprimé son soutien à un triplement des renouvelables d'ici 2030. Cette déclaration fait office de « lueur d'espoir » pour les plus optimistes, tandis que les critiques la qualifie de  « strict minimum », à trois mois de la COP28.

Dimanche, le président français Emmanuel Macron a jugé « insuffisants » les résultats du sommet du G20 de New Delhi en matière de climat. « Nous devons tous (...) sortir très rapidement et beaucoup plus vite qu'aujourd'hui du charbon », a-t-il notamment indiqué lors d'une conférence de presse à l'issue du sommet du G20.

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Le G20 toujours en désaccord sur le pétrole et le gaz

Le sujet du rôle critique des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon...) dans l'accélération de la crise climatique agite les négociations internationales cette année, à l'approche de la 28ème Conférence climat des Nations unies -la fameuse COP28-, qui se tiendra en décembre à Dubaï. En amont du G20, le premier bilan d'étape officiel de l'Accord de Paris publié vendredi par l'ONU Climat estime qu'une sortie des énergies fossiles dites « sans captage de dioxyde de carbone (CO2) » est « indispensable ». Le G7 avait approuvé ce principe au printemps, certes sans s'engager sur un calendrier.

Malgré ce début d'élan politique, le G20 continue d'esquiver le sujet, au terme de son sommet à New Delhi. Pourtant, son engagement est indispensable puisque ses pays membres (Etats-Unis, France, Japon, Indonésie, Brésil...) produisent 80% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Résultat : dans sa déclaration finale, le G20 se contente d'appeler à « accélérer les efforts vers la réduction de la production d'électricité à partir de charbon ». Autrement dit, les membres du sommet s'abstiennent de tout engagement supplémentaire sur le gaz et le pétrole.

« Les dirigeants se sont mis d'accord sur le strict minimum, c'est-à-dire une répétition de l'engagement du G20 de Bali en 2022 sur la réduction progressive du charbon », a déploré auprès de l'AFP Lisa Fischer, experte du cercle de réflexion E3G. Parmi les Etats membres du G20 se trouvent de grands producteurs de pétrole comme l'Arabie saoudite, la Russie ou les Etats-Unis, de fait réticents sur une limitation de la consommation. Alors que l'année 2023 est en voie de devenir la plus chaude jamais mesurée, « ce G20 était censé montrer la voie vers un avenir sans énergies fossiles », a réagi Friederike Roder, vice-présidente de l'ONG Global Citizen, dénonçant « un très mauvais signal pour le monde ».

Un accord sur la nécessité de réduire les émissions

Malgré leur mutisme sur certaines questions essentielles, les dirigeants du G20 reconnaissent que la limitation du réchauffement à 1,5 °C, l'objectif le plus ambitieux de l'accord de Paris, « nécessite une réduction rapide, forte et soutenue des émissions de 43% d'ici 2030 par rapport à 2019 ». Ces chiffres font écho aux recommandations du Giec (Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat de l'ONU).

Le G20 a aussi affirmé qu'il « poursuivra et encouragera les efforts visant à tripler les capacités en matière d'énergies renouvelables » d'ici 2030, un objectif qui semble désormais à portée de main pour un consensus à la COP28. « Il s'agit d'une avancée significative et surprenante de la part du G20 », s'est félicitée Aditya Lolla, du groupe de réflexion sur l'énergie Ember, saluant « un grand revirement de la part de l'Arabie saoudite et de la Russie ». De quoi satisfaire le président de la COP28, Sultan Al Jaber, qui salue un « signal fort en faveur du progrès climatique ».

Pourtant, la réduction des énergies fossiles figure parmi ses ambitions pour le sommet de décembre. Egalement patron de la compagnie pétrolière nationale émiratie ADNOC, il juge lui-même la nette réduction des énergies fossiles « inévitable et essentielle »... à condition d'avoir mise en place un système énergétique propre pour prendre le relai.

L'heure du concret ?

La déclaration du G20 note que pour atteindre ces objectifs,  les investissements dans le domaine du climat doivent « augmenter considérablement », notamment par le biais d'un financement plus ambitieux de la part des banques et institutions multilatérales, revendication cruciale et constante des pays en développement.

L'engagement sur les renouvelables est « une lueur d'espoir dans notre lutte contre le chaos climatique », a pour sa part salué Andreas Sieber de l'ONG 350.org, à la condition que les pays riches « fournissent les financements nécessaires » aux plus pauvres. L'Inde, pays hôte, a profité de sa présidence pour se positionner comme la voix des pays du Sud et presser les pays riches à respecter leurs engagements existants, dont celui, non atteint depuis 2020, de porter l'aide climatique annuelle à 100 milliards de dollars.