La transition écologique coûtera cher mais beaucoup moins que l’inaction, selon le Giec

Dans la synthèse de ses derniers travaux publiée lundi, le Groupe d’expert intergouvernemental sur l'évolution du climat des Nations unies (Giec) rappelle l’intérêt majeur qu’auraient les décideurs à investir massivement pour maintenir le monde à des températures inférieures à +2°C. Y compris en termes financiers, alors que les avantages économiques et sociaux d’une limitation du réchauffement climatique dépasseraient le coût, certes élevé, des actions à mener pour y parvenir.
Marine Godelier
(Crédits : PAVEL MIKHEYEV)

Après les constats, place à l'action. Tel est le principal message du Giec, le groupe d'experts intergouvernemental sur le climat réuni sous l'égide de l'ONU, dans la synthèse de son dernier cycle de travaux publiée lundi. Car pour désamorcer la bombe à retardement climatique, toutes les solutions se trouvent désormais « à portée de main » des décideurs, peut-on lire dans ce document, qui condense les six rapports publiés par l'institution depuis 2015. Et même si celles-ci demanderont, à court terme, « des investissements élevés et des changements potentiellement radicaux », les scientifiques sont sans appel : « les bénéfices économiques et sociaux dépasse[ront] » le coût des mesures à mettre en place, aussi chères soient-elles.

En effet, un scénario d'évolution des températures au-delà de +2°C, vers lequel le monde se dirige d'ailleurs (+3,2°C en moyenne avec les politiques actuellement mises en œuvre), entraînerait des « pertes et dommages » très onéreux, aussi bien en matière de santé publique que d'adaptation des infrastructures ou du modèle agricole, par exemple. Surtout, repousser l'échéance d'une action radicale n'arrangera pas les choses, bien au contraire : en plus d'impacts supplémentaires du réchauffement à gérer, des mesures d'atténuation et d'adaptation retardées « bloqueraient les infrastructures à fortes émissions » et « augmenteraient les risques d'actifs bloqués et d'escalade des coûts », avertissent les experts.

Ces conclusions rejoignent celles du dernier rapport d'avril 2022, dans lequel le Giec alertait déjà sur l'avantage économique d'une transition ambitieuse. A l'époque, les experts affirmaient en effet que rester sous la barre des +2°C nécessiterait, d'ici à 2050, de mobiliser chaque année en moyenne entre 0,04% et 0,09% du PIB mondial « seulement ». Et ce, sans même prendre en compte les co-bénéfices engendrés, à la fois sur la santé, la pollution, ou encore la réduction du coût des catastrophes ou de l'adaptation. En comparaison, l'absence d'actions ambitieuses pourrait faire perdre au PIB de l'Union européenne, par exemple, 4% d'ici à 2030 et plus de 10% d'ici à 2100, en comparaison d'un scénario de mise en place de politiques actives de transition, pointait fin 2021 la Banque centrale européenne (BCE).

Lire aussiAllemagne : le changement climatique pourrait coûter près de 1.000 milliards d'euros d'ici à 2050

Les options à moins de 100 dollars par tonne de CO2 évitée suffiraient à réduire de moitié les émissions d'ici à 2030

Concrètement, le Giec pointe plusieurs « options d'atténuation » pour lutter contre le réchauffement climatique, dont les coûts s'avèrent plus ou moins élevés. Ainsi, le déploiement des panneaux solaires permettrait d'économiser jusqu'à 4,4 milliards de tonnes de CO2 par an d'ici à 2030, pour un coût inférieur à 100 dollars la tonne de CO2 en moins - représentant ainsi le plus grand potentiel. L'énergie éolienne, elle, conduirait à éviter l'émission de presque 4 milliards de tonnes de CO2 dans l'atmosphère pour le même coût. En ajoutant la réduction des rejets de méthane, l'efficacité énergétique ou la décarbonation des transports, notamment, « les options coûtant 100 dollars la tonne de CO2 ou moins » pourraient ainsi « réduire les émissions mondiales d'au moins la moitié du niveau de 2019 d'ici à 2030 » au global, affirme le rapport.

Et pour cause, la dernière décennie a été marquée par « des baisses soutenues des coûts unitaires de l'énergie solaire (85%), de l'énergie éolienne (55%) et des batteries lithium-ion (85%) », rappellent les experts. Dans ces conditions, et alors que la tarification du CO2 commence à s'imposer dans plusieurs régions du monde, « le maintien de systèmes à forte intensité d'émissions » peut même, dans certaines régions et certains secteurs, « être plus coûteux que la transition vers des systèmes à faibles émissions », soulignent-ils.

Néanmoins, d'autres solutions coûteraient plus de 100 dollars la tonne de CO2 en moins d'ici à 2030, comme l'efficacité énergétique dans les bâtiments, la séquestration de carbone dans l'agriculture ou la captation du CO2 à la sortie des usines. Quant au nucléaire, son coût par rapport aux émissions évitées serait élevé, puisqu'il permettrait d'économiser moins d'1 milliard de tonnes de CO2 d'ici à 2030, et pour un coût de la tonne supérieur à 100 dollars. Ce qui ne signifie pas, évidemment, que le Giec exclut ces options, toutes considérées comme importantes pour ralentir le dérèglement climatique en cours - y compris après 2030.

Dans sa synthèse, l'institution soutient d'ailleurs l'idée d'une tarification du CO2 afin de modifier l'équation économique, à l'image du marché d'échange de droits à polluer existant dans l'Union européenne (dont le niveau n'a cependant pas suffi à promouvoir les « mesures à coût élevé »). Et n'écarte pas l'utilisation des revenus générés par ce type de taxe pour soutenir les ménages à faible revenu, en première ligne face à la hausse des prix des combustibles fossiles, par exemple.

Lire aussi« La lutte contre le réchauffement climatique est enthousiasmante et économiquement rentable » (Bertrand Piccard)

Le coût de l'adaptation

Enfin, les scientifiques plaident pour accélérer les dépenses destinées à s'adapter à cette augmentation des températures, alors que l'écart entre les coûts estimés du changement climatique et les financements alloués pour s'y préparer se creusent. En effet, « les flux financiers mondiaux actuels » restent « insuffisants » et « limitent la mise en œuvre des options d'adaptation, en particulier dans les pays en développement », peut-on lire dans le rapport. Un manque d'autant plus grave que « les effets néfastes du climat peuvent réduire la disponibilité des ressources financières », en entravant la croissance économique nationale, « augmentant ainsi encore les contraintes financières pour l'adaptation, en particulier pour les pays en développement et les pays les moins avancés », notent les experts.

En France, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, avait d'ailleurs affirmé fin février qu'il fallait « préparer [le] pays à +4°C », entraînant de vives réactions.

« À 4°C, les deux tiers des stations de ski manqueront de neige dans les Alpes. À 4°C, on aura cinq fois plus de sécheresse et des jours de canicule beaucoup plus intenses. C'est aussi 1 mètre 20 d'augmentation de montée des eaux dans la deuxième moitié du siècle », avait-il énuméré au micro de FranceInfo.

Mais alors que les bouleversements semblent désormais inévitables, et se font déjà ressentir chaque année à travers des événements météorologiques extrêmes, la France « manque d'objectifs stratégiques, de moyens et de suivi des politiques » en la matière, avait pointé en juin dernier le Haut conseil pour le climat. Résultat : l'adaptation est « insuffisamment évaluée », et les risques, non identifiés. Pourtant, rien que dans l'Hexagone, il faudrait investir a minima 2,3 milliards d'euros chaque année pour se préparer aux conséquences du dérèglement, a préconisé l'institut de l'économie pour le climat (I4CE) dans un rapport publié le 23 juin 2022. Mais là aussi, l'action se fait attendre.

Lire aussiLes territoires en première ligne de la guerre climatique

Marine Godelier

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 15
à écrit le 03/04/2023 à 10:18
Signaler
Le problème, c’est qu’il y a confusion (volontaire) entre les projections des modèles numériques et les observations. Tous les modèles numériques, qui intègrent en leur sein la supposée action réchauffante du CO2 anthropique, se plantent lamentableme...

à écrit le 03/04/2023 à 10:02
Signaler
Le GIEC est un machin du Grand Machin dont la mission est de diffuser la peur d’un grand méchant réchauffement climatique anthropique, en déclarant dans ses statuts, sans aucune preuve scientifique, que le CO2 anthropique a un effet réchauffant sur l...

à écrit le 23/03/2023 à 4:21
Signaler
Des experts bidons qui se refusent à la simple vérité qu'un monde qui passe de 2 milliards d'habitant en 1960 à 8 milliards en 2022, ne peut pas ne pas laisser d'impact écologique sur la planète . Mais le sujet est inabordable pour le politiquement c...

à écrit le 22/03/2023 à 15:46
Signaler
Collectivement (au niveau mondial), la messe est dite. On va cramer et manquer d'eau . C'est donc individuellement qu'il faut songer à s'adapter, à commencer par "foutre le camp," hors des villes et choisir un endroit plutôt en hauteur où on peut e...

à écrit le 22/03/2023 à 15:16
Signaler
Que le célè!bre GIEC et son apôtre Français aillent prêcher la bonne parole écologique aux USA, CHINE, INDE et en europe l'ALLEMAGNE, car je ne vois pas ce qu'une France qui représente à peine au niveau mondial 0,10% des éissions de CO2 peut faire mê...

à écrit le 22/03/2023 à 9:16
Signaler
Marre des prédictions catastrophistes du GIEC, même s'il y a un réchauffement. Depuis des millions 'années, il y a eu des variations importantes, même sans influence humaine. L'Europe est en train de se suicider, alors que nombre de pays ne font pas ...

le 22/03/2023 à 15:35
Signaler
@ben non ...Eh ben non! Le problème n'est pas la variation MAIS la vitesse à laquelle le climat change, qui correspond avec le début de l'ére industrielle ET de façon exponentielle. Comme l'allongement de l'âge de la retraite ça ne fait pas plaisir,...

à écrit le 21/03/2023 à 18:44
Signaler
Qu'en dit Chat Gpt?

le 22/03/2023 à 10:45
Signaler
Il dit "miaou, ça va être chaud" :-)

à écrit le 21/03/2023 à 17:50
Signaler
leur erreur d'analyse fondamentale, c'est de regarder la chose comme un tout.......il se trouve que les europeens vont se suicider avec des mesures tres cheres qui vont les couler, pendndant que le tiers monde va se developper en polluant et en recha...

le 22/03/2023 à 11:17
Signaler
"leur erreur d'analyse fondamentale, c'est de regarder la chose comme un tout." C'est plutot l'inverse... ce serait de ne pas voir que la participation de tous est requise... L'idée est que les pays encore les plus avancés peuvent se permettre de...

à écrit le 21/03/2023 à 17:36
Signaler
La méthode consistant à imposer une dépense bien réelle et mesurable en expliquant qu'elle permet d'éviter une dépense impossible à évaluer est vieille comme le monde.

à écrit le 21/03/2023 à 16:37
Signaler
La transition écologique ne se fera "que" par un retour en arrière, et non, comme le souhaite la finance, par un pédalage dans la semoule pour avoir l'air d'avancer !:-)

à écrit le 21/03/2023 à 15:37
Signaler
"La transition écologique coûtera cher mais beaucoup moins que l’inaction" : Cette phrase est fausse, et à côté de la plaque : Parce que face au réchauffement climatique, c'est justement trop d'action qui pose problème : Trop de déplacements, trop de...

le 22/03/2023 à 10:48
Signaler
Il faudrait peut-être prévoir une demi-heure d'immobilisme par jour. :-) Protéger le climat voire 'protéger' les humains, le climat en a vu bien d'autres dans un passé lointain.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.