Nucléaire : l'arrêt d'un EPR en Chine jette le trouble sur celui de Flamanville

Par latribune.fr  |   |  644  mots
L'EPR « Fla3 » est très attendu : il doit entrer en service au premier trimestre 2024 avec 12 ans de retard sur le calendrier et des dérapages financiers colossaux. (Crédits : SARAH MEYSSONNIER)
EDF estime qu'il n'y a pas de « risque sûreté » pour son réacteur nucléaire EPR en construction à Flamanville, alors que l'un des deux EPR en exploitation à Taishan en Chine serait touché par un phénomène de corrosion de la gaine contenant les combustibles. Ces gaines sont des pièces maîtresses de l'édifice nucléaire puisqu'elles hébergent les pastilles d'uranium compressées, nécessaires à la production électrique.

L'EPR 1 de Taishan, en Chine, est à l'arrêt depuis près de six mois après la découverte d'un phénomène d'oxydation sur les gaines des crayons combustibles fabriquées par le constructeur français Framatome. L'affaire a été révélée fin juin par le Canard Enchaîné, qui mercredi encore titrait sur cette « ombre chinoise » sur les ambitions nucléaires françaises, les difficultés en Chine soulevant des interrogations pour Flamanville 3, seul réacteur de même conception en construction en France.

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L'hebdomadaire qui s'appuie sur des « informations recoupées », affirme que le réacteur a été « secrètement stoppé » du fait d'une « panne, une oxydation excessive des gaines d'éléments combustibles ». L'exploitant chinois CGN avait évoqué dans un communiqué daté du 9 juin l'arrêt du réacteur, et ce, depuis le 31 janvier pour une opération programmée de rechargement de combustible. Pendant cet arrêt, il a été procédé à « quelques inspections et des tests », a-t-il ajouté, sans préciser s'ils sont liés à ces phénomènes de corrosion.

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L'énergéticien a dû rassurer sur la sûreté autour de l'EPR de Flamanville, dans la foulée des révélations du journal satirique.

« L'EPR de Flamanville 3, dont le chargement du combustible s'effectuera au premier trimestre 2024, intégrera tous les enseignements tirés de l'exploitation des deux réacteurs EPR de Taishan », a indiqué EDF, actionnaire à 30% de la paire d'EPR chinois, dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Les études réalisées par EDF avec l'appui de Framatome (fabricant des gaines, ndlr), concluent pour l'exploitation du premier cœur de Flamanville 3 à l'absence de tout risque sûreté lié à un tel phénomène de corrosion de la gaine des crayons combustibles », a expliqué le groupe dans une déclaration à l'AFP mercredi.

« La direction d'EDF complètement rassurante sur le sujet »

EDF, qui n'évoque pas le problème chinois, a néanmoins précisé que « la corrosion de la gaine de crayons combustibles est un phénomène connu, rencontré notamment sur le parc nucléaire français ». L'énergéticien a affirmé qu'il « est en cours d'éradication via des évolutions des caractéristiques métallurgiques de la gaine des crayons combustibles (augmentation de la teneur en fer, sans préciser quels réacteurs sont concernés en France) ».

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 « La direction a été complètement rassurante sur le sujet », selon une source interne à EDF, indiquant que c'est « encore une histoire de combustible et c'est maîtrisé par Framatome ». De ce fait, elle dit ne pas craindre pas de nouveaux retards pour Flamanville. Mais la situation impose « a minima de regarder », estime Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus Consulting. « Il n'y aura pas forcément de retard pour l'EPR de Flamanville, mais cela va ajouter une pièce sur l'échiquier qui est de nature à décaler la mise en service », selon lui.

Dans les faits, peu d'informations ont filtré sur l'avarie chinoise, alimentant donc les interrogations sur le sort de l'EPR en construction à Flamanville, de même conception française. Ce dernier, « Fla3 » dans le jargon de l'atome, est très attendu : il doit en effet entrer en service au premier trimestre 2024 avec 12 ans de retard sur le calendrier et des dérapages financiers colossaux. Il appartient désormais à EDF de faire le retour d'expérience de cette découverte, et de transmettre à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) « un dossier qui sera instruit dans le cadre de la mise en service de Flamanville 3 », a expliqué de son côté l'ASN à l'AFP.

 (Avec AFP)