Nucléaire : coup dur pour EDF, l'EPR de Flamanville à nouveau retardé de six mois

Par latribune.fr  |   |  829  mots
(Crédits : Benoit Tessier)
Alors que le précédent remaniement du calendrier amenait la mise en service de l'EPR de Flamanville à la fin 2023, elle est désormais repoussée à la mi-2024. Au moment où le président de la République relance la filière nucléaire à la faveur de la crise énergétique avec la mise en chantier de 6 nouveaux EPR dont le premier espéré dès 2035, ce nouveau retard tombe mal parce qu'il met l'accent sur le casse-tête technique que représente la construction d'un EPR.

Les déboires continuent. Après l'EPR finlandais d'Olkiluoto-3 dont l'opérateur TVO a annoncé il y a tout juste une semaine un énième retard, c'est au tour de l'industriel français EDF d'annoncer un nouveau retard de six mois de délai supplémentaire pour la mise en service de son réacteur nucléaire EPR de Flamanville (Manche). Alors que le précédent remaniement du calendrier amenait à la fin 2023 la mise en service du premier EPR construit sur le sol français, elle est désormais repoussée à la mi-2024.

Un retard qui implique un nouveau surcoût du programme, à hauteur de quelque 500 millions d'euros, liés pour l'essentiel au maintien des personnels et entreprises sur place, selon un responsable d'EDF. Ces six mois supplémentaires, qui portent à 12 ans le retard par rapport à la date de démarrage initialement prévue, font passer le coût total du projet, en chantier depuis 2007, de 12,7 à 13,2 milliards d'euros.

Problème de soudures « complexes »

Le délai est lié à des soudures dites « complexes » dans le réacteur, a précisé EDF. Le nouveau délai est dû à la nécessaire révision de procédures de traitement de quelque 150 soudures « complexes », au sein du circuit secondaire principal du réacteur, a expliqué à la presse le directeur du projet Flamanville 3, Alain Morvan.

Le problème est apparu cet été, quand il a fallu procéder au traitement thermique de « détensionnement » de soudures: le processus utilisé a fait apparaître une « non-conformité de comportement » de matériels sensibles à proximité, affectés par de trop fortes températures.

« Nous avions un comportement des températures des vannes non conforme à ce que l'on attendait », a expliqué Alain Morvan. « Nous avons stoppé le traitement thermique l'été dernier et repris les études pour définir une méthode, et réalisé des tests permettant de garantir le bon niveau de réalisation de ces traitements thermiques. »

« Ces dossiers ont été présentés à Bureau Veritas, qui les analyse, et d'ici la fin de l'année nous aurons l'autorisation de reprendre les traitements thermiques dits complexes », a affirmé le directeur du projet.

Construire un EPR, un vrai casse-tête

Le réacteur pressurisé européen (EPR) avait été conçu pour relancer l'énergie nucléaire en Europe au lendemain de la catastrophe de Tchernobyl de 1986.

Mais la construction de ce nouveau modèle s'avère être un casse-tête, tant en France, où la construction de l'EPR de Flamanville, entamée en 2007, a été affectée par de très importants retards, qu'en Finlande où le programme d'Olkiluoto-3 cumule déjà 13 ans de retard (lire ci-dessous)

Et pourtant, deux réacteurs ont été mis en service en Chine.

L'EPR finlandais Olkiluoto-3 à nouveau retardé

Après avoir accumulé treize ans de retard sur le calendrier initial, l'EPR finlandais était enfin prêt à démarrer sa production en régime normal. Patatras, il y a une semaine exactement, le vendredi 9 décembre 2022, TVO, l'opérateur finlandais de la centrale Olkiluoto-3, annonçait qu'il reportait à février la mise en service normal du réacteur nucléaire EPR.

Problème de pompes d'alimentation

Du fait de dommages détectés en octobre dans les pompes d'alimentation en eau du réacteur, le nouveau calendrier présenté par le consortium de construction mené par le français Areva prévoit une production normale "qui commencerait en février 2023", explique l'exploitant TVO dans un communiqué.

« Il y a toujours des incertitudes sur ce calendrier », précise l'opérateur de la centrale située dans le sud-ouest de la Finlande, qui compte deux autres réacteurs déjà en activité. L'enquête sur la cause des problèmes de pompes "se poursuit", souligne TVO.

À pleine puissance pour la première fois le 30 septembre

Ce nouveau retard est une mauvaise nouvelle pour le système électrique finlandais et d'Europe du Nord, qui comptait sur le plus puissant réacteur d'Europe (1.600 mégawatts) pour faire face à des risques de pénuries d'électricité pendant l'hiver.

Conséquence de la guerre en Ukraine, la Finlande doit se passer des importations d'électricité de son voisin russe et la Suède voisine connaît aussi des problèmes de disponibilité de son parc nucléaire.

Le réacteur OL3 avait été mis en marche au début de l'année et était parvenu à sa pleine puissance pour la première fois le 30 septembre, dans le cadre des essais réalisés pour atteindre sa mise en service normal.

A lui seul, il fournit environ 20% de l'électricité consommée en Finlande. Si on y ajoute les deux réacteurs existants Olkiluoto 1 et 2, on arrive à 40%.

(avec AFP)