Selon le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, la construction de six nouveaux réacteurs nucléaires, voulue par Emmanuel Macron, ne suffira pas, si la France souhaite produire de l'hydrogène décarboné, c'est-à-dire de l'hydrogène produit à partir d'électricité renouvelable ou nucléaire, sur son territoire. « Ce n'est pas nos six réacteurs ou dix réacteurs qu'il faut faire si on a l'ambition de faire de l'hydrogène décarboné en France, il faut en faire 15 ou 20 », a-t-il lancé devant les députés de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, réunis ce 23 novembre pour « établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France ». Un ordre de grandeur, dont la fourchette basse correspond au plan de relance du nucléaire du gouvernement en comptant les 8 nouveaux EPR en option.
« Notre parc [électronucléaire, ndlr], il faut le renouveler pour assurer la disponibilité d'électricité aux Français car on a des centrales âgées. [...] Si la France a l'ambition d'être un exportateur d'hydrogène, il faut construire beaucoup, beaucoup plus d'électricité que ce que l'on a [prévu, ndlr] dans nos trajectoires », a-t-il avancé. Selon le dirigeant, dont l'entreprise ambitionne de devenir un acteur majeur dans la production de cette molécule considérée comme stratégique pour la neutralité carbone, « on ne peut pas parler d'hydrogène, si on ne parle pas de surplus d'électricité ». C'est d'après lui, « la limite de l'hydrogène vert ».
Hydrogène et surplus d'électricité
Alors que l'électricité représente actuellement 25% du mix énergétique de la France, cette part devrait passer à plus de 50% à l'horizon 2050 afin de décarboner l'économie. Pour produire suffisamment d'hydrogène localement, « il faut ajouter 50% de capacités [électriques, ndlr] de plus, d'après les calculs qu'on a faits, à l'horizon 2050. C'est énorme », estime Patrick Pouyanné. « C'est un vrai sujet. Il ne faut pas se tromper sur les trajectoires que l'on prend. Cela renvoie à des politiques locales », souligne-t-il.
La France défend une production locale de l'hydrogène décarboné tandis que de nombreux pays, l'Allemagne en tête, entendent importer de très grands volumes d'hydrogène pour décarboner leur économie depuis des régions du monde disposant d'énergies renouvelables très compétitives. Alors que cette vision d'un commerce longue distance de la molécule verte ne fait pas l'unanimité, notamment pour des enjeux de souveraineté, elle suppose aussi de relever des défis techniques et économiques.
« On ne croit pas beaucoup au développement de méthaniers à hydrogène », a indiqué Patrick Pouyanné lors de son audition, rappelant que « l'hydrogène liquide se transporte très mal » car il doit atteindre des températures extrêmement basses, proches du zéro absolu. Le patron de la multinationale mise plutôt sur le transport d'hydrogène incorporé dans des produits semi-transformés, comme de l'ammoniac vert et du méthanol, dont le transport par navire est plus accessible.
Un réseau européen d'une centaine de stations hydrogène
« L'économie de l'hydrogène n'est pas une économie simple, nous n'en sommes qu'au début », a-t-il reconnu. Selon lui, il faut avant tout comprendre la demande et en distinguer deux types : la demande locale pour décarboner des sites industriels, où la question de son transport ne se pose pas, et la demande dédiée à la mobilité terrestre, plus complexe à appréhender.
Hier, TotalEnergies et Air Liquide ont annoncé un partenariat autour de la production d'hydrogène sur la raffinerie de Grandpuits, actuellement en reconversion. Air liquide va investir 130 millions d'euros pour construire et exploiter une unité de production alimentée en partie par du biogaz issu de la bioraffinerie. Les quelque 20.000 tonnes d'hydrogène produits par an seront achetées par TotalEnergies et serviront surtout à la fabrication de « SAF », du carburant d'avion « durable » au bilan carbone inférieur à celui du kérosène.
Ce mercredi 24 novembre, le PDG de TotalEnergies a également indiqué prévoir la construction d'un réseau à l'échelle européenne d'une centaine de stations de recharge hydrogène à destination des camions. En revanche, Patrick Pouyanné estime que la place pour les véhicules légers à hydrogène sera « marginale », les constructeurs automobiles s'orientant largement vers la technologie à batterie.
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