Fini le temps des atermoiements sur un éventuel renouveau du nucléaire : Emmanuel Macron assume désormais pleinement son intention d'accélérer massivement en ce sens, y compris en assouplissant la loi. Et pour cause, entre l'annonce, en février dernier, de sa volonté de construire six réacteurs de nouvelle génération (EPR2) et le lancement effectif dudit programme, de longues procédures sont aujourd'hui prévues - trop longues, selon le chef de l'Etat.
« J'ai annoncé une première tranche en 2035 pour le nucléaire. Ce que je souhaite, c'est qu'on aille beaucoup plus vite [...] et on le peut si on simplifie les choses », a-t-il ainsi affirmé ce jeudi, lors de l'inauguration du premier parc éolien en mer de France, à Saint-Nazaire.
Un projet de loi équivalent à celui sur l'accélération des énergies renouvelables, que le gouvernement va présenter lundi en Conseil des ministres, verra donc le jour sur le nucléaire. Mardi dernier, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, avait d'ailleurs évoqué le sujet à l'occasion d'une audition au Sénat, et fait savoir qu'un tel texte arrivera « probablement » début 2023, sans en clarifier les contours. « [Il] nous permettra d'avancer, d'adapter les procédures existantes en termes d'urbanisme pour favoriser le développement des premiers sites identifiés, et surtout en lançant dès maintenant le programme pour ne pas perdre de temps et avoir une vraie planification ! », a précisé jeudi Emmanuel Macron.
La tâche est colossale
Pourtant, jusqu'ici, les projections s'avèrent plutôt pessimistes. En février, un audit privé tablait plutôt sur une mise en service du premier EPR2 en 2037, et ce ne sont pas les déboires du seul EPR en construction en France, celui de Flamanville (11 ans de retard) ni l'ampleur des travaux à réaliser qui permettront de lever le scepticisme autour d'un démarrage anticipé. D'autant qu'aucun nouveau réacteur n'a été mis sur pied depuis 1999 dans l'Hexagone : une « rupture de charge » longue de plus de vingt ans qui a « beaucoup fragilisé la filière », a lui-même reconnu le chef de l'Etat il y a quelques mois.
Cependant, c'est bien en amont de ce chantier colossal que l'exécutif compte agir. Autrement dit, ce dernier compte faire en sorte que les phases successives de concertation avec le public, d'analyses de faisabilité, d'études environnementales ou encore de délais avant l'obtention du dossier d'autorisation de création soient raccourcies. Le but : rapprocher la date de pose du tout premier béton, prévue pour l'heure en 2027 selon les calculs d'EDF.
« Aujourd'hui, toutes les phases à respecter avant de commencer le chantier se succèdent de manière séquentielle. Si l'on pouvait les gérer en parallèle, on pourrait gagner plusieurs mois, voire années. Il ne s'agirait pas de rogner sur la sûreté ou l'environnement, mais de modifier le séquençage », explique-t-on à la SFEN, le lobby du nucléaire.
C'est d'ailleurs ce qui est déjà prévu pour les énergies renouvelables dans le projet de loi dédié à leur accélération : selon une version provisoire du texte consultée par La Tribune, les « formalités de préparation de la participation du public » devront avoir lieu « en parallèle de la production des services instructeurs », plutôt que d'attendre la fin de l'une de ces tâches avant de pouvoir s'attaquer à l'autre, comme c'est le cas aujourd'hui.
Les premiers EPR2 à Penly
De fait, selon la loi actuelle, la première étape avant le lancement d'un programme de construction d'EPR, celle du dialogue avec les citoyens , doit précéder toute requête d'obtention de permis. Or, le calendrier du débat public s'étend sur plusieurs mois : alors que les deux premiers réacteurs pourraient être situés à Penly, en Normandie, la concertation autour du projet se tiendra du 27 octobre au 27 février. Puis, deux mois après la fin de cette séquence, un compte-rendu devra être publié, nécessaire avant de pouvoir déposer la demande d'autorisation de création (DAC) - une pièce maîtresse pour lancer le programme. Or, selon EDF, l'obtention de cette autorisation nécessite en moyenne trois ans.
« De nouveaux réacteurs nucléaires sont envisagés en France, mais la décision n'est pas encore prise à ce jour », peut-on d'ailleurs lire sur le site de la Commission nationale du débat public (CNDP), chargée d'organiser le débat.
Par ailleurs, après la phrase de consultation, l'Autorité environnementale (AE) devra formuler un avis sur l'impact du programme avant que la préparation de l'aménagement du chantier ne débute, en vertu d'un décret publié en 2016. Sera ensuite lancé le processus d'enquête publique, un échange avec les citoyens censé, lui aussi, permettre leur consultation, mais non organisé par la CNDP. Le but : affiner un peu plus le débat à partir des conclusions de l'étude d'impact réalisée par l'AE, et étoffer au maximum le dossier d'instruction.
Ce n'est qu'après ces phases successives que pourront être délivrées les autorisations de démarrage du chantier, et que la première pierre pourra être posée. Un long processus que le gouvernement espère donc abréger dans son projet de loi, afin d'enclencher la construction des réacteurs le plus tôt possible.
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