Nucléaire : la Cour des comptes évoque des "incertitudes" sur un nouveau parc, le gouvernement maintient l'arrêt de Fessenheim

Par latribune.fr  |   |  573  mots
(Crédits : Reuters)
Le porte-parole du gouvernement l'a confirmé, il n'y aura pas de moratoire sur la fermeture de Fessenheim, la plus vieille centrale de l'Hexagone. Alors que le gouvernement doit préciser dans quelques jours sa feuille de route en matière de financement du nouveau parc nucléaire, annoncé en grande pompe par Emmanuel Macron, la Cour des comptes pointe déjà des interrogations quant à la faisabilité du projet.

« Nous allons, pour la première fois depuis des décennies, relancer la construction de réacteurs nucléaires dans notre pays, et continuer de développer les énergies renouvelables », avait annoncé lors de sa dernière allocution Emmanuel Macron début novembre. Mais le projet du gouvernement de relancer un nouveau programme d'EPR, est-il sur de bons rails ? Pour l'heure, la Cour des comptes, qui vient de rendre un note sur le sujet, en doute.

Alors que le chef de l'Etat doit préciser son plan "dans les prochaines semaines, pour dire la manière dont le nucléaire va se développer", l'institution de la rue Cambon pointe les "incertitudes" sur la capacité à construire un nouveau parc nucléaire "dans des délais et à des coûts raisonnables".

Tandis que le parc nucléaire français vieillit et que les besoins en électricité doivent augmenter pour réduire l'utilisation des énergies fossiles, la construction de nouveaux moyens de production électrique "appelle des décisions à présent urgentes pour garantir notre approvisionnement à l'horizon de la décennie 2040", soulignent les magistrats.

La Cour recommande cinq fois plus de nouveaux EPR

L'autre interrogation dans la stratégie actuelle de la France porte sur l'estimation du nombre de réacteurs. EDF a en effet fait à l'Etat une proposition pour construire dans un premier temps 6 nouveaux modèles d'EPR (EPR2) pour un coût de construction estimé à 46 milliards d'euros.

Or, pour maintenir une part de 50% de nucléaire dans la production électrique au-delà de 2050, les magistrats notent qu'il en faudrait beaucoup plus, jusqu'à "25 à 30". Cela poserait "la question du nombre de sites disponibles", avancent-ils.

La France construit pour l'heure un unique réacteur EPR de nouvelle génération, à Flamanville (Manche).

Le financement des nouveaux réacteurs

La Cour des comptes remarque aussi qu'EDF ne pourra financer seul les nouvelles constructions et qu'un "partage des risques avec l'Etat" sera nécessaire.

A l'automne, Emmanuel Macron avait déjà annoncé un milliard d'euros d'investissements dans l'énergie nucléaire d'ici à 2030, notamment pour des petits réacteurs dits SMR ("Small Modular Reactors").

Relancer Fessenheim : des "coûts prohibitifs"

En plus des investissements nécessaires pour le renouvellement du parc français, le gouvernement cherche à optimiser le parc existant.  Cette semaine, le gouvernement a toutefois confirmé qu'il n'y aura pas de retour en arrière pour la centrale de Fessenheim, arrêtée en 2020, avant un démantèlement prévu en 2025.

"Fessenheim, c'est une centrale de deuxième génération, c'est les plus vieilles centrales en France, il y avait des coûts prohibitifs pour renouveler Fessenheim, et c'est sur la plus grande nappe phréatique d'Europe," a rappelé le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal cette semaine.

"Investir sur le nucléaire ne peut pas se faire sans boussole ni sans regarder la manière dont ça se fait", a fait-il valoir sur LCI, opposant un "non" à la demande formulée lundi par Marine Le Pen, la candidate du Rassemblement national à la présidentielle d'avril 2022, qui souhaite rouvrir la centrale si elle était élue.

En outre, la Cour conclut sur le souhait d'un débat "sur des bases mieux éclairées" alors qu'il existe en particulier "un risque important pour les finances publiques". "Il n'existe ni décision simple, ni solution à faible coût, ni risque zéro", écrivent les auteurs.

(Avec AFP)

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