Que signifie la nomination de Nicolas Hulot ?

Par Dominique Pialot et Giulietta Gamberini  |   |  998  mots
Au soir du premier tour, tout en appelant à la mobilisation en faveur du candidat d'En Marche, Nicolas Hulot avait tenu des propos graves sur les enjeux écologiques et formulé une espèce de mise en garde à l'intention du prochain président.
Conformément aux rumeurs qui circulaient depuis quelques jours, Nicolas Hulot, journaliste puis militant associatif, est devenu le nouveau ministre à la la Transition écologique et solidaire". Une nomination qui interroge sur le rôle qu'il pourra jouer dans le nouveau gouvernement.

C'est à lui qu'on doit l'idée d'un grand ministère unique consacré à l'écologie, proposé en 2007 dans le contexte du Grenelle de l'Environnement. Son "Pacte écologique", qu'il avait fait signer aux candidats à l'élection présidentielle de l'époque, évoquait même un "vice-Premier ministre" à l'Environnement. Si ce dernier n'a jamais été nommé, le ministère unique, lui, a vu le jour, et au fil des années pris du poids, s'élargissant, selon les divers gouvernements, à des questions étroitement imbriquées les unes aux autres: les transports, le logement, l'aménagement du territoire, la mer et la biodiversité, mais surtout -sauf entre 2010 et 2012, lorsqu'elle est confiée à Eric Besson au sein du ministère de l'Economie de Christine Lagarde- l'énergie. Aujourd'hui, Nicolas Hulot prend lui-même la tête de ce ministère, désormais dénommé "de la Transition écologique et solidaire".

La politique pas "partie de son métabolisme"

La rumeurs circulait depuis plusieurs jours, et elle a quelque peu surpris. Elle marque un retour inattendu de Nicolas Hulot à la politique, alors que son éviction à la primaire des écologistes de 2012, à laquelle il s'était présenté sous l'étiquette écologiste, lui avait laissé un goût amer. "Je suis étonné qu'autant de gens souhaitent exercer le pouvoir. C'est un exercice très dur [...] Il faut être solide", a-t-il affirmé, confiant que le stress de la vie politique "ne fait pas du tout partie de [son] métabolisme"...

L'ancien journaliste a d'ailleurs refusé d'entrer au gouvernement de François Hollande. Il s'est limité à accepter la mission d'"envoyé spécial pour le climat", dans une période particulièrement importante pour la France, qui organisait alors la COP21, la grande conférence internationale sur le changement climatique. Pour 2017, il avait de nouveau réfléchi à se présenter à la présidentielle, avant de jeter l'éponge."En ce qui me concerne, ce n'est pas le moment", avait-il finalement déclaré à l'été 2016, suscitant une vive déception à gauche. Aux yeux de beaucoup, c'en était alors terminé du flirt entre Nicolas Hulot et la politique, au profit d'une action dans la durée au sein de la société civile.

Des "convergences" et des points à clarifier avec Macron

La nomination surprend aussi pour l'attitude jusqu'à présent tenue par Nicolas Hulot vis-à-vis du candidat Emmanuel Macron, et interroge sur le rôle qu'il pourra jouer dans le gouvernement présidé par Edouard Philippe. En contact depuis longtemps avec le nouveau président, avec lequel il avait "commencé à dialoguer avant même qu'il déclare sa formation", il reconnaît "des convergences", mais aussi des points à clarifier notamment sur sa "conception du libéralisme". Pour cette raison, en avril 2016, il avait réfuté l'idée d'un "ticket" avec Emmanuel Macron. Il avait réaffirmé cette position au soir du premier tour: tout en appelant à la mobilisation en faveur du candidat d'En Marche, Nicolas Hulot avait tenu des propos graves sur les enjeux écologiques et formulé une espèce de mise en garde à l'intention du prochain président.

Ses relations avec le nouveau Premier ministre posent aussi question: "C'est un homme de droite et, en matière d'écologie, ce n'est pas son truc", résumait mercredi matin Cécile Duflot sur France Info. Ancien cadre d'Areva, Edouard Philippe y a eu pour activité principale de "s'assurer de la collaboration de parlementaires acquis au lobby de l'atome", a expliqué au Monde l'Observatoire du nucléaire. Il a également voté contre les deux principaux textes soutenus par le ministère de l'Environnement pendant le quinquennat de François Hollande -comme les autres députés LR: la loi du 17 août 2015 sur la transition énergétique pour la croissance verte et la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Le maire du Havre aurait été à l'origine de la décision de Ségolène Royal de revenir sur la date de la fermeture de la centrale thermique d'EDF de la ville, reportée de 2023 à 2035. Et devant le blocage du dossier de Notre-Dame-des-Landes, il avait appelé en octobre sur France Info à passer à l'action, en espérant qu'on puisse "engager les travaux avant mai ou juin 2017". Or, si Nicolas Hulot avait reconnu le résultat du référendum du 26 juin 2016, sur le fond il était opposé au projet du nouvel aéroport.

Un porte-feuille à part entière

Cette nomination ne sera-t- elle qu'un "trophée", ou Nicolas Hulot parviendra-t- il "avec sa sincérité et sa détermination à faire radicalement changer les choix actuels du président?", s'interrogeait alors Cécile Duflot mercredi matin, alors que le nom de l'ancien animateur n'était encore qu'une rumeur. Même si le périmètre doit encore être précisé, l'intitulé du ministère attribué à Nicolas Hulot semble en ce sens être destiné à rassurer. Emmanuel Macron a en effet choisi d'attribuer un porte-feuille à part entière à la "transition écologique", confié à l'un des trois seuls ministres d'Etat, et incluant le domaine des transports -attribué à  Elisabeth Borne, "ministre auprès du ministre d'Etat, ministre de la Transition écologique, chargée des Transports". Et en ajoutant aux compétences de Nicolas Hulot  la "transition solidaire", le nouveau président reconnaît par ailleurs officiellement l'importance de l'autre cause embrassée par le militant associatif, qui dans une tribune publiée dans Le Monde le 29 avril lui demandait de prendre "la mesure de l'exigence de solidarité dans laquelle se trouvent le pays, l'Europe et le monde".

Pour Pascal Canfin, ancien ministre de François Hollande délégué au développement, aujourd'hui directeur général du WWF France, personne n'a intérêt à ce que cette nomination soit purement médiatique.

"C'est pour cela qu'il faut construire les conditions politiques en termes de responsabilités gouvernementales, en termes de situation et du cap des priorités pour que l'arrivée de Nicolas Hulot soit clairement un symbole d'une ambition gouvernementale sur l'écologie", insiste-t-il.