Quel (s) ministère (s) pour l’énergie et l’environnement dans le prochain gouvernement ?

Pour les promoteurs de la transition énergétique et écologique, la configuration du ou des ministères en charge de l’Environnement et de l’Énergie sera un marqueur fort de l’importance accordée à ces sujets par le président élu dimanche.
Dominique Pialot
Un jardin éphémère dans la cour de l’Hôtel de Roquelaure, ministère de l'Environnement

Soucieuses de préserver l'avenir de la transition énergétique dessinée par Ségolène Royal et qu'Emmanuel Macron a affirmé vouloir poursuivre, huit ONG se sont empressées de s'adresser à lui au lendemain de son élection. Plutôt que de se lancer dans une énumération des quelques engagements pris par le candidat en matière d'environnement et d'énergie, elles ont préféré cibler leur demande sur la configuration du ministère qui en aurait la charge.

"L'organisation de l'État et de son gouvernement reflète l'ambition que se donne un pays", écrivent les ONG.

"Comme vous le souligniez dans votre programme, 'la transition écologique est une priorité pour aujourd'hui qui affecte tous les secteurs de la vie économique et sociale'", ajoutent-elles. Leur requête est simple : la création d'un grand ministère de l'Environnement au périmètre élargi, avec à sa tête un ministre d'Etat, numéro deux dans l'ordre protocolaire.

Un « vice-premier ministre » en charge de la transition écologique ?

Une position proche de celle plaidée par l'avocat en droit de l'Environnement Arnaud Gossement : la nomination d'un vice-Premier ministre en charge du Développement durable ou de la Transition écologique, doté de moyens suffisants et d'un réseau de correspondants dans tous les cabinets ministériels, assurant la présidence d'un Conseil national de la transition écologique réformé pour nourrir le dialogue environnemental entre tous les acteurs concernés, étroitement associé aux travaux du secrétariat général aux Affaires européennes et à la définition de la position de la France auprès des institutions de l'Union européenne et servant de «porte d'entrée» au sein du gouvernement pour les élus locaux, dont les attributions en matière d'énergie ou de gestion des déchets sont de plus en plus importantes.

L'avocat souligne que cette nomination, qui suppose une volonté politique pour que l'Etat engage réellement la France sur le chemin de l'excellence environnementale, n'exige pas nécessairement une révision de la Constitution.

Depuis 2007, un ministère aux contours variables

Le concept d'un grand ministère de l'Environnement, issu de la fusion de deux fonctions historiquement distinctes, l'Écologie et l'Équipement, a vu le jour en 2007 dans le contexte du Grenelle de l'Environnement et du pacte écologique que tous les candidats, dont le président Nicolas Sarkozy, avaient accepté de signer à la demande de Nicolas Hulot. Conçu à l'origine pour Alain Juppé, il avait été rapidement confié à Jean-Louis Borloo suite à la défaite du maire de Bordeaux aux élections législatives de juin 2007. Au fil des années, ce ministère s'est élargi aux questions d'énergie, de transports, du logement, d'aménagement du territoire, étroitement imbriquées les unes aux autres, mais aussi de la mer et de la biodiversité. De nombreux acronymes successifs ont reflété cette évolution, du ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de la Mer (MEEDeM) jusqu'au Ministère de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer dirigé par Ségolène Royal. Lorsqu'en 2010 Jean-Louis Borloo quitte le ministère pour y être remplacé par Nathalie Kosciusko Morizet , l'énergie part dans le giron de Bercy, confiée à Eric Besson au sein du ministère de Christine Lagarde. C'est en 2012, sous la présidence François Hollande qu'elle revient dans les attributions du ministère qui devient alors « ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie »

"La pertinence d'un grand ministère, avec à sa tête un ministre d'Etat, numéro deux dans l'ordre protocolaire, en charge du développement durable (écologie, biodiversité, climat et énergie, transport, logement et urbanisme, aménagement du territoire, pêche et mer)[...], a fait ses preuves et répondra à votre volonté d'un gouvernement resserré", écrivent les ONG dans cette lettre ouverte.

Le retour de l'énergie à Bercy : une "catastrophe absolue"

Sans le mentionner ouvertement dans cette lettre, les ONG craignent surtout un retour de l'Energie dans le giron de Bercy, avec son lot de guéguerres entre les Finances et l'Ecologie, le plus souvent au détriment de cette dernière.

En novembre 2010 déjà, le transfert de l'Energie à Bercy avait été perçu par les acteurs du Grenelle comme un recul de la question environnementale dans les priorités du nouveau gouvernement Fillon, qualifié de « Mauvais augure »« coupe sombre »« catastrophique». Dans l'entourage même de Jean-Louis Borloo, on se disait « stupéfait » de constater « le démantèlement de cette maison ». A l'époque, Eric Besson, ministre chargé de l'Industrie, de l'Energie et de l'Economie numérique, avait argué d'un « besoin de cohésion qui a manqué sur certains appels d'offres à l'internationale » quelques mois après la perte par la filière française d'un contrat nucléaire en décembre 2009 aux Emirats arabes unis.

Aujourd'hui, ce schéma serait « la catastrophe absolue, un contre-message pour tout le monde », reconnaît aujourd'hui Géraud Guibert, fondateur de la fondation transpartisane La Fabrique écologique.

Logement, Transport, Agriculture, Santé : améliorer les synergies

Par ailleurs, il rappelle que ce sont les sujets situés aux confins des prérogatives du ministère et d'autres ministères qui ont été le moins bien traités lors du quinquennat qui s'achève : rénovation énergétique des logements, forêts gérées durablement, éco-mobilité (notamment transport routier).

"Des synergies institutionnelles fortes" doivent être trouvées avec les ministères de la Santé, du Travail, de l'Agriculture, des Outremers et de l'Economie, ajoutent d'ailleurs les ONG dans leur lettre ouverte, "tant leurs rôles et impacts sont essentiels pour l'environnement".

Géraud Guibert suggère une autre voie, afin d'éviter un ministère protéiforme et ingérable : la création de deux ministères, l'un chargé du mix énergétique, des transports et du logement, tous sujets indissociables de la transition énergétique ; l'autre de sujets plus strictement environnementaux tels que la biodiversité ou la santé environnementale. La façon dont le Premier ministre désigné lundi prochain tranchera la question sera à n'en pas douter un indicateur significatif de l'avenir de la transition énergétique en France dans les cinq prochaines années.

Dominique Pialot
Commentaires 4
à écrit le 11/05/2017 à 14:04
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Ségolène Royal vient de publier un plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques, notamment avec un décret qui fixe des objectifs chiffrés de réduction des émissions des principaux polluants à horizon 2020, 2025 et 2030, confor...

à écrit le 10/05/2017 à 23:30
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l'énergie doit être rattachée à Bercy. Et pas de ministère de l'environnement.

à écrit le 10/05/2017 à 21:20
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L'objectif est d'appliquer la note n°6 du CAE. Il faut mettre sous la même autorité le travail, l'énergie et le capital, c'est à dire l'industrie. L'écologie doit y être associée pour justifier la taxation de l'énergie. Il faut justifier une allocati...

à écrit le 10/05/2017 à 19:52
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Je suis en faveur de supprimer le Ministère de l'environnement. Qui peut citer une seule contribution positive à l'économie française de Mme Royal?

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