Royal inaugure le premier kilomètre de route solaire au monde, au milieu des critiques

Par Giulietta Gamberini  |   |  593  mots
Les panneaux sont protégés par une résine censée résister à la circulation de tous types de véhicules.
La ministre de l'Environnement est en Normandie pour souligner l'importance de cette première mondiale. Mais nombre d'experts dénoncent les coûts et la basse productivité des panneaux photovoltaïques intégrés au réseau routier.

Pour Ségolène Royal, il s'agit d'une pierre à l'édifice de la transition énergétique française: "promesse de croissance verte, création d'emplois, innovation", selon les termes de la ministre de l'Environnement lors du lancement du chantier en octobre. Aujourd'hui, elle inaugure officiellement le premier tronçon d'un kilomètre de route solaire, qui a vu le jour sur une voie départementale dans les alentours de la commune normande de Tourouvre-au-Perche (Orne).

Des dalles de panneaux photovoltaïques ont été collées sur l'asphalte, puis protégées par une résine censée résister à la circulation de tous types de véhicules, sans pour autant nuire à l'adhérence entre les pneus et la chaussée et tout en laissant passer la lumière. L'électricité produite est reversée sur le réseau de distribution local, et selon les estimations devrait s'élever annuellement à 280 MWh, soit la consommation en éclairage public d'une ville de 5.000 habitants.

Premier test en conditions réelles

Développé par l'entreprise de travaux publics Colas (groupe Bouygues), en partenariat avec l'Institut national de l'énergie solaire (INES), le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et l'université de Savoie, le projet, nommé Wattway, a vu le jour il y a cinq ans. Il entre aujourd'hui dans sa phase de test en conditions réelles.

Si au long de la dernière décennie le déploiement de panneaux solaires sur les routes  -afin de préserver les espaces naturels et agricoles- a déjà été expérimenté à petite échelle dans divers pays, l'essai mené en Normandie est une première mondiale en termes de taille. Il devrait être suivi par une centaine de tronçons des mêmes dimensions, en France comme à l'étranger.

790 kWh par jour

Les coûts d'un tel projet sont pour l'heure très élevés: le tronçon normand a coûté 5 millions d'euros, et a été financé par une subvention de l'Etat. En revanche, en raison de l'horizontalité de la route, ainsi que du filtre que constitue la résine, la productivité de cette technologie est inférieure aux photovoltaïques classiques: 10% de moins, reconnaît Jean-Charles Broizat, directeur de Wattway, cité par Libération. Ségolène Royal avait initialement annoncé une production journalière moyenne de 17.963 kilowattheures... mais avait dû par la suite admettre sur le site internet du ministère s'être trompée, et ramener le chiffre à 790 kWh. Résultat: le watt-crête (Wc, puissance maximale) produit par la route solaire coûtera 17 euros, alors que les coûts standards des centrales photovoltaïques se situent en dessous de 1,30 euro le Wc.

1.000 kilomètres de routes?

Cette disproportion a donc attiré les critiques de nombre d'experts, pour qui cette innovation, bien qu'intéressante techniquement, ne peut pas constituer une priorité pour les renouvelables en France. La promesse de Ségolène Royal de développer les panneaux sur 1.000 kilomètres de route, pour un coût donc de 5 milliards d'euros, les laisse notamment sceptiques.

 Wattway mise pour sa part sur une réduction progressive des coûts de production, afin "d'être compétitif à l'horizon 2020" et avant de commercialiser le produit. Des intérêts se seraient déjà manifestés, notamment de la part des aéroports et en Afrique, souligne le ministère, qui ne veut pas que la France se fasse dérober ce marché.