Une France sans nucléaire ni énergies fossiles en 2050 : négaWatt persiste et signe

Par Dominique Pialot  |   |  916  mots
Les seules énergies renouvelables pourraient alimenter la France de 2050
Le scénario publié ce 25 janvier par l’association négaWatt qui promeut la sortie des énergies fossiles et nucléaire, démontre comme en 2011 la faisabilité d’une France carburant aux énergies renouvelables. Le tout assorti d’une économie de 400 milliards d’euros et de la création de 500 000 emplois nets.

Pour la quatrième fois depuis 2003, l'association négaWatt, qui regroupe de nombreux experts et professionnels, publie son scénario. « Pas une vision, mais une trajectoire à l'horizon 2050 », précise Thierry Salomon, son vice-président.

Dans les grandes lignes, le cru 2016 - opportunément publié à quelques mois des prochaines échéances électorales - n'est guère différent du précédent paru en 2011. Sortir totalement du nucléaire (en 2035, à l'issue de la quatrième visite décennale de  chaque centrale) et des énergies fossiles pour un mix 100% renouvelables, c'est possible à l'horizon 2050. A condition d'adopter une grande sobriété énergétique et de tout mettre en œuvre, dans tous les secteurs d'activités (bâtiment, industrie, transports mais aussi agriculture), pour en améliorer l'efficacité, ce qui doit permettre de diviser par deux la consommation d'ici à 2050.

Objectif commun avec la loi pour la transition énergétique

Ce qui a le plus changé au fil des années, c'est que ce qui semblait un véritable scénario de rupture en 2003 se rapproche sur bien des points de travaux plus institutionnels, voire de textes de loi. En effet, l'Ademe (agence de l'Etat en charge de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) a déjà commis des rapports dans ce sens, qui avaient en leur temps fait couler beaucoup d'encre.

Quant à l'objectif de diviser par deux la consommation d'ici à 2050, en ligne avec la tendance observée dans les pays de l'OCDE, ça n'est rien d'autres que l'objectif inscrit... dans la loi pour la transition énergétique et la croissance verte.

L'Accord de Paris également est passé par là, avec son objectif de limiter la hausse des températures à +2°C maximum, qui implique un pic des émissions dans la seconde partie du siècle. Le scénario négaWatt permet à la France d'être « neutre en carbone » en 2050, notamment grâce à des méthodes culturales moins émettrices que celles en vigueur aujourd'hui, et grâce à la capacité des forêts et des terres cultivées de stocker le carbone.

Pourtant, selon l'association, en appliquant son scénario à la planète entière (dont les émissions moyennes de CO2 par habitant sont proches de celles de la France), on ne parvient qu'à limiter cette hausse qu'à 1,8°C...un mauvais signal, car on voit assez mal comment faire plus que négaWatt en matière de limitation des émissions...

Au niveau national, sans être plus onéreux que le scénario tendanciel, le scénario s'accompagne à partir de 2025 d'économies dans le secteur énergétique. Sur la durée, négaWatt chiffre l'économie globale à près de 400 milliards d'euros à l'horizon 2050. Sans compter un pays plus résilient, car moins sensible aux chocs géopolitiques et à leur impact sur les cours des énergies fossiles.

Nouveauté de l'édition 2017 : la méthanation, directement liée au développement de l'hydrogène. Celui-ci, fabriqué par électrolyse à partir des surplus d'électricité renouvelable, peut à son tour être transformé en méthane avant d'être injecté dans le réseau de gaz naturel. C'est ce que négaWatt appelle « la complémentarité électron/molécule » qui doit permettre à terme (d'ici à une vingtaine d'années selon l'association), d'écrêter les pointes de production des énergies renouvelables.

Le bâtiment, principal gisement d'emplois

Certes, ce scénario détruira des emplois dans certains secteurs, comme les transports. Dans celui de l'énergie en revanche, le solde net devrait être positif de 300 000 emplois, les renouvelables (dans lesquelles négaWatt prend notamment en compte la fabrication de la deuxième génération d'éoliennes terrestres) étant plus intensives en main d'œuvre que le nucléaire ou les centrales thermiques.

Globalement, négaWatt promet 500.000 emplois nets créés d'ici 2050. A condition, bien entendu, de procéder à des plans de reconversion des sites (notamment les centrales nucléaires) et des programmes de formation. Certains emplois pourraient ainsi être reconvertis de l'industrie aéronautique ou pétrolière vers l'éolien offshore. Dans le bâtiment comme dans l'agriculture, les futurs emplois seront nettement plus qualifiés qu'aujourd'hui, ce qui devrait s'accompagner d'une revalorisation et d'une plus grande attractivité de ces secteurs.

Le scénario table notamment sur 550 000 rénovations « profondes » par an dans le bâtiment à compter de 2025. Des chiffres pas si éloignés des objectifs affichés par les gouvernements successifs depuis le Grenelle de l'Environnement... D'ailleurs, négaWatt n'attend pas de nouvelles lois, mais surtout une application rapide de celles qui existent déjà.

Acteurs économiques et territoires engagés dans la transition

A l'approche des prochaines élections présidentielles, et au vu des positions affichées par certains candidats, l'association reconnaît un risque que les acquis contenus dans la loi de transition énergétique (même s'ils restent insuffisants à ses yeux) soient remis en cause par le prochain gouvernement.

Mais d'autres (notamment Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon et Yannick Jadot) s'inspirent au contraire des travaux de négaWatt.

Surtout, comme aux Etats-Unis, où des villes et des Etats entrent en résistance face au rétropédalage enclenché par Trump en matière de climat et d'énergie, les membres de l'association misent sur les retombées économiques de leur scénario pour installer leurs travaux dans la durée. Ils rappellent à titre d'exemples les engagements d'entreprises de plus en plus nombreuses, les arbitrages faits par les acteurs financiers ou encore l'intérêt manifesté par des organisations professionnelles lorgnant la transition énergétique pour y trouver des relais de croissance.