Retraites : camouflet du patron du Medef à Macron qu'il n'estime plus légitime pour mener la réforme

Par Jérôme Cristiani  |   |  748  mots
Photo d'illustration: le 1er juin 2021, Geoffroy Roux de Bézieux invité à la Convention sur la souveraineté économique organisée à Paris par Les Républicains (LR), avait notamment exprimé une mise en garde: « L’État doit trouver sa juste place dans l’économie. En général, quand l’État veut être l’entrepreneur, ça se termine assez mal. » (Crédits : Reuters)
C'est un véritable camouflet que Geoffroy Roux de Bézieux vient d'infliger au président de la République, lui qui juge dans une interview qu'Emmanuel Macron n'a plus le "capital politique" pour conduire et aboutir une réforme aussi importante que celle des retraites. Il estime que c'est un débat pour la présidentielle voire un sujet pour le prochain président de la République. En revanche, le dossier qu'il faudrait absolument boucler rapidement pour lui, c'est celui de la réforme de l'assurance-chômage.

C'est violent pour le président de la République: ce matin, au lendemain de l'épisode de Tain, Geoffroy Roux de Bézieux a envoyé un camouflet politique à Emmanuel Macron en estimant, dans une interview donnée aux Echos, que, pour faire aboutir une réforme aussi importante que celle des retraites,  "il faut un capital politique" et que ce temps-là "est passé depuis 2017".

Alors qu'Emmanuel Macron a remis sur la table la possibilité de relancer ce chantier explosif, le patron des patrons, qui envisage une désindexation des pensions de l'inflation et un relèvement de l'âge de départ à 64 ans, estime lui ce mercredi que la question de la réforme des retraites ne doit pas être traitée dans l'urgence et qu'au contraire, il faut en faire un sujet de débat pour la présidentielle:

"Pour faire cette réforme, il faut un capital politique. Le temps est passé depuis 2017. Pour moi, c'est un débat de la présidentielle, il faut que tous les candidats se positionnent."

Non à une "réforme-rustine en trois mois", non à la précipitation

"C'est la seule réforme sociale qui touche tout le monde. Elle a donc besoin d'une légitimité démocratique. Par contre, il faudra agir dès septembre 2022, sans attendre", a encore fait valoir le patron des patrons

Surtout, ne pas se précipiter, explique Roux de Bézieux qui met en garde le président contre une "réforme-rustine en trois mois, sinon il faudra y revenir après la présidentielle. Et les Français n'y comprendront rien".

Les trois options du Medef pour équilibrer le système de retraites

Face au déficit du système des retraites, finalement moins important que prévu après la crise sanitaire mais dont le besoin de financement s'élève entre 7 et 10 milliards d'euros par an, Geoffroy Roux de Bézieux envisage trois options pour un retour à l'équilibre financier.

  • 1. HAUSSE DES COTISATIONS
    La première, c'est "la hausse des cotisations mais, là, c'est l'emploi qui va trinquer", a-t-il prévenu sur RMC.
  • 2. DÉSINDEXATION DES PENSIONS
    La deuxième, c'est "la désindexation des pensions. Je ne pense pas absurde que, alors que les retraités ont été protégés pendant cette crise et que c'est plutôt les jeunes qui ont trinqué, on leur demande un effort temporaire. Ça dépend aussi de l'inflation", a-t-il ajouté.
  • AUGMENTATION À 64 ANS DE L'ÂGE DE DÉPART
    "Et puis, il y a l'âge", a encore dit le président du Medef, précisant que "c'est probablement 64 ans".

Un défi de fin de mandat pour Emmanuel Macron

Début juin, le chef de l'État a alimenté les spéculations en réaffirmant qu'il devra prendre des décisions "difficiles" pour que la dernière année du quinquennat soit "utile".

Sur le dossier des retraites, il a souligné que "rien n'est exclu", mais que la réforme "très ambitieuse" - même si "porteuse d'inquiétudes" - qui était sur les rails avant d'être fauchée net par la crise du Covid, ne pourra pas être "reprise en l'état".

"Folie", "erreur"... les syndicats, alliés objectifs du Medef

Dans la foulée, les syndicats ont mis en garde le gouvernement contre l'adoption avant 2022 d'une réforme des retraites.

"C'est juste une folie", a ainsi estimé le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, tandis que son homologue de la CGT Philippe Martinez a estimé qu'il s'agirait "d'une erreur".

Ce que veut vraiment le Medef

En réalité, le patron du Medef estime qu'il y a d'autres urgences : si la réforme des retraites peut attendre, ce n'est, entres autres, pas du tout le cas de la réforme de l'assurance-chômage:

"La réforme de l'assurance-chômage est plus urgente que celle des retraites", a notamment plaidé Geoffroy Roux de Bézieux dans Les Echos.

"Parmi les difficultés de la reprise, il y a le recrutement. Il faut aussi régler le problème de la gouvernance du régime avant la présidentielle."

Quelques jours auparavant, Geoffroy Roux de Bézieux, lors de la Convention sur la souveraineté économique organisée par Les Républicains (LR), le 1er juin 2021 à Paris, avait notamment exprimé une mise en garde:

« L'État doit trouver sa juste place dans l'économie. En général, quand l'État veut être l'entrepreneur, ça se termine assez mal. »

(avec AFP)