Distribution : le gouvernement veut éviter les dérapages des "drive"

Par Marina Torre  |   |  779  mots
Sylvia Pinel, la ministre de l'Artisanat compte réglementer davantage les "drive" situés hors zones commerciales - Copyright Reuters
Sylvia Pinel souhaite réglementer les magasins "drive", situés hors des zones commerciales, qui proposent aux clients d'éviter la "corvée" des courses en allant directement chercher à l'entrepôt leurs emplettes commandées et payées sur internet. Malgré ce durcissement des règles à venir et une concurrence entre points de vente, le modèle continue de séduire les distributeurs.

Cliquer, remplir son panier, payer, charger... Ce mode de consommation, rendu possible par les services "drive", qui se développent depuis dix ans, bouleverse le marché de la distribution. Plus de 2.000 de ces points de vente ont été comptabilisés par le cabinet d'études Kantar en France pour une part de marché en forte progression qui atteint 2,8% à fin mai. Et contrairement à une idée reçue, l'une des formes de ces circuits est une particularité toute hexagonale, née dans les années 2000. Il s'agit du drive avec un entrepôt dédié, installé en dehors des zones commerciales traditionnelles à différencier des services de vente à distance avec préparation des produits en magasin, qui se développe lui aussi.

Face à l'essor plus ou moins anarchique des premiers en particulier, Sylvia Pinel, la ministre de l'Artisanat a décidé de réglementer leur ouverture - jusqu'à présent, contrairement aux hyper ou supermarchés ils ne subissent pas les mêmes contraintes d'aménagement commercial. Les craintes ? Des problèmes d'urbanisme, certes, mais aussi des enjeux économiques pour tout un secteur.

5 à 6% de parts de marché en 2015

En termes d'emploi d'abord, la concurrence avec les magasins classiques pose le problème de la baisse de main d'?uvre nécessaire. "Globalement, les drive créent des emplois parce que leur développement ne veut pas dire que les autres magasins vont fermer", estime Yannick Franc consultant chez Kurt Salmon. " Ils ont eu une progression très forte les prévisions tablent sur 5 à 6% de parts de marché d'ici 2015. Le marché sera donc encore dominé à 95% par la vente en magasin", explique ce spécialiste de la distribution.

Or, entre drive avec entrepôt dédié et magasin classique, "les métiers ne sont pas mêmes puisqu'il y a davantage un aspect commercial" dans un magasin classique et donc des chefs de rayon en magasin. Le mode de production, plus coûteux en investissement y est plus automatisé.

Un modèle plus rentable que l'autre?

Résultat : "dans une structure dédiée la préparation prend entre 15 et 17 minutes contre 30 à 40 minutes" lorsque les produits à déposer dans le coffre du client sont cherchés dans les rayons par des employés dans les drive-in intégrés aux structures existantes. "Rien ne prouve que ce dernier modèle soit rentable", estime ainsi le consultant.

L'autre modèle en revanche, paraît plus attractif, à condition que que la zone choisie soit suffisamment large et le prix des locaux peu élevé. Les premiers acteurs du marché continuent en tous cas de miser sur cette formule. Ainsi Leclerc, qui a déjà ouvert 350 drive-in espère en ouvrir 50 de plus cette année.Un chiffre à comparer aux 568 magasins physiques que compte le groupe en France.

Auchan de son côté compte 80 services de genre accolés à des magasins existants et prévoit d'en ouvrir encore 20 d'ici 2014, selon un porte-parole de l'entreprise. L'enseigne qui a la première lancé ce concept en France propose aussi 60 Chronodrive - la fameuse formule avec un entrepôt dédié censé réduire le temps d'attente. Elle espère en ouvrir 20 de plus - à condition que la législation ne change pas. Au total, Vincent Mignot selon le directeur général du groupe Auchan, cité par le magasine spécialisé Linéaires, le e-commerce (cybermarché Auchandirect, drives etc ) représente 2 % du chiffre, soit environ 1 milliard d'euros.

"Course aux emplacements"

Un durcissement des règles changerait bien sûr la donne, surtout pour les distributeurs qui ont du retard à rattraper sur leurs concurrents. "Un alourdissement des procédures administratives ralentira certainement les ouvertures des drive avec entrepôts dédiés", confirme Yannick Franc. Ce dernier rappelle d'ailleurs que "les acteurs, pressentant un changement de législation, sont allés très vite. Il y a eu une course aux emplacements. En un an, les ouvertures ont quasiment doublé. Cela risque de pénaliser ceux qui n'ont pas encore eu le temps d'ouvrir leur propre drive. "

Capter les consommateurs pour les fidéliser

Pour autant, une législation plus contraignante ne réduit pas la manne potentielle que représente ce service. Quelque 22% des consommateurs l'ont déjà testé au moins une fois, selon une étude de Kantar. "Dans une période économiquement difficile, maîtriser ses dépenses est devenu important. Les nombre de consommateurs réguliers de ces drive grimpe régulièrement en même temps que le parc s'agrandit On a remarqué que les premiers séduits sont de jeunes couples avec enfant, ils reflètent la famille de demain et donc un enjeu crucial : les capter pour les fidéliser", commente Yannick Franc.