Nocturne : l'affaire Sephora tourne au pugilat juridique entre salariés et syndicats

Par Marina Torre  |   |  587  mots
Le travail après 21 heures est interdit chez Sephora. (Photo Reuters)
Des salariés de Sephora se retournent contre l'intersyndicale qui a poursuivi le parfumeur pour avoir fait travailler les salariés après 21h, dans des conditions jugées illégales.

Leurs horaires de nuit, ils y tiennent! Des salariés de Sephora contestent la légitimité de l'intersyndicale Clic-P (CFDT, CGC, CGT, FO, Sud), qui se bat dans les prétoires contre l'ouverture des magasins le dimanche et la nuit. Cette semaine, ils ont remporté une nouvelle bataille avec la condamnation de la parfumerie détenue par LVMH. La boutique des Champs-Elysées ne pourra bientôt plus ouvrir après 21h. 

Une "procédure inédite"

Leurs opposants ne s'avouent pas vaincus pour autant. Jeudi, l'intersyndicale a en effet reçu une assignation du juge des référés pour se présenter à une audience ce vendredi à 14 heures.  Ce dernier a été saisi par 101 salariés de l'enseigne qui contestent la légitimité de cette intersyndicale précise à la Tribune Me Joëlle Aknin, l'avocate qui les représente.  "C'est une procédure inédite" relève-t-elle.

L'avocate déplore la condamnation de Sephora au cours d'un procès "dans lequel les salariés n'étaient pas partie mais tiers" et qui n'auraient même "jamais parlé" aux représentants syndicaux visés. Sur le fonds, ces salariés estiment que le fait de travailler après 21 heures n'est pas "illégal" mais autorisé dans les conditions prévues par la loi : la justification d'un intérêt économique ou social. "C'est l'interprétation des syndicats de dire qu'il n'y a pas d'intérêt économique à ce que Sephora soit ouvert le soir sur les Champs-Elysées", affirme ainsi la défense de ces salariés. 

Combien de personnes travaillaient vraiment la nuit chez Sephora?

"J'aimerais savoir qui nous assigne", s'offusque de son côté l'un des membres de ce regroupement, qui pointe la différence entre la centaine de salariés qui lance la procédure et la "trentaine" qui travaillerait effectivement la nuit dans la boutique des Champs-Elysées. Tout en reconnaissant la bonne foi de certains salariés qui ont besoin de travailler la nuit pour des raisons personnelles, il réfute la non représentativité des syndicats pointant la présence de Sud et de la CGT au comité d'entreprise de la boutique où la CFTC est majoritaire. 

Le nombre de salariés effectivement concernés pose donc visiblement problème. Plusieurs chiffres sont énoncés. Ils seraient "plus d'une cinquantaine", selon Me Joëlle Aknin. L'avocate pointe le fait que tout employé peut demander à effectuer des horaires de nuit. Potentiellement, l'ensemble des quelque 200 salariés de la boutique des Champs-Elysées serait donc touché. 

Lever l'ambiguïté

 De fait, sont pris en compte soit ceux ayant signé un contrat portant clairement la mention des horaires de nuit, soit, plus largement tous les salariés qui acceptent de travailler épisodiquement après 21 heures. Un comité d'entreprise extraordinaire doit justement avoir lieu ce vendredi au cours duquel des représentants des employés comptent demander de lever cette ambiguïté. L'objet principal de cette réunion s'attache à la réorganisation des horaires après la condamnation par la cour d'appel. 

Bataille de communication

Dans chaque camp, la bataille de la communication dure depuis plusieurs mois. En décembre, la direction de Sephora lançait dans trois journaux une campagne publicitaire mettant en avant le fait que la fermeture de la boutique la nuit "menace plus de 45 emplois".  Quelques mois plus tard, en septembre, une pétition était publiée peu avant le jugement de la cour d'appel de Paris. Une centaine de salariés y réclamaient de "continuer à travailler le soir".