Les centres commerciaux, un modèle d'avenir ?

Par Marina Torre  |   |  1157  mots
Pour Jean-Michel Silberstein, "l'hypermarché reste une locomotive incontournable, quand il est performant, c'est un gage de réussite. Ensuite, incontestablement, dans les grandes surfaces spécialisées, Primark est une véritable locomotive aujourd'hui. La Fnac en centre-ville reste très importante. La restauration prend de plus en plus de place, notamment les petits kiosques qui vendent des gauffres, des crèpes ou des cocktails. Cela transforme l'expérience de visite en une expérience gustative."
Désertés les centres commerciaux? A l'approche des soldes d'été, le directeur général du Conseil national des centres commerciaux explique pourquoi il croit au contraire en la croissance de ce modèle.

Ikea opérateur de centres commerciaux, Carmila, la foncière de Carrefour qui développe ses galeries à grande vitesse, le fonds souverain chinois China Investment Corporation en lice pour en acheter dix... Les Français ont beau faire de plus en plus d'emplettes sur internet, les centres commerciaux n'en connaissent pas moins un très fort dynamisme dans l'Hexagone, comme en témoignent ces quelques mouvements.

Pourtant, quelques mois plus tôt en novembre 2014, le taux de vacance commerciale, soit la surface inoccupée dans un centre commercial, se retrouvait au cœur d'une polémique. D'après les calculs de la Fédération pour l'urbanisme et le développement du commerce spécialisé (Procos), elle a doublé, passant de  4,6 % en 2012 à 7,6 % en 2014. Ce que le Conseil national des centres commerciaux a contesté, estimant que la méthode de calcul n'était pas la bonne. Jean-Michel Silberstein, délégué général de cette dernière organisation, donne les raisons de son optimisme quelques jours avant le lancement des soldes et à la veille d'un salon professionnel dédié au commerce de détail et à l'immobilier commercial.

La Tribune -  Il y a quelques mois, la vacance commerciale faisait débat. Des centres commerciaux désertés, comme aux Etats-Unis, c'est envisageable en France?

Jean-Michel Silberstein - La vacance n'est pas un sujet. Si des lieux ont été donnés en exemple, cela a plus trait au site lui-même et à son implantation. Pour nous, les chiffres de la vacance son situés entre 3,5 et 4%. Il n'y a pas de risque aujourd'hui de se retrouver dans la situation américaine où les commerçants ont la faculté de baisser le rideau de façon brusque, alors qu'en France les commerçants ont la propriété commerciale du local.

Des centres plus "sexy"

Et au moment des renouvellements?
En sept ans de crise, je n'ai aucun exemple de centre commercial susceptible de fermer ses portes. On joue à se faire peur. Je ne vois pas de menace. En revanche, il y a un problème en centre-ville.

Pour attirer visiteurs et enseignes, des centres commerciaux tendraient à se transformer en parcs d'attractions. Dans quelle mesure cette tendance est-elle répandue?
Les projets EuropaCity (1) et Vill'up correspondent à la tendance du retailtainement, des centres à vocation de loisir. Il y a surtout des extensions. Par exemple, le rachat par Carmila des sites précédemment exploités par Klepierre aboutissent à des extensions. Faire des centres plus agréables et fondés sur l'expérience, plus 'sexy', c'est le sens de l'histoire. Mais il y a très peu de chances de voir en France des centres commerciaux gigantesques comme au Qatar ou Edmonton au Canada.

 [1 : EuropaCity,  projet de près de 2 milliards d'euros situé entre Paris et l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle, initié par Immochan, la foncière de la famille Mulliez. Il espère drainer 30 millions de visiteurs par an, soit deux fois plus que Disneyland Paris. Son ouverture est prévu pour "l'horizon 2020" ndlr].

Combien de créations de centres commerciaux prévoyez-vous ?
Dans les années à venir, ce sont surtout des rénovations qui sont à prévoir. Ce que prépare Altaréa-Cogedim à Cap3000 (Nice) est bluffant. A Nice, il y a aussi le Polygone riviera, et un autre chantier à Meaux, par Immochan.

Il y a également de la place en France pour des 'retails parks' [parcs d'activité commerciale] de caractère comme à Metz ou Troyes. La part de marché des centres commerciaux continuera d'augmenter pour atteindre 10 à 15% d'ici 2020 ou 2022.

Zadistes, grenouilles et emploi

Les centres commerciaux spécialisés, comme Domus pour l'habitation, attirent-ils vraiment des visiteurs ?
Jusqu'à présent, cela n'a pas beaucoup fonctionné. On peut se poser la question si Domus a été placé à un endroit très judicieux. Mais cela change, ce centre est en train de trouver sa clientèle, même si ça a pris du temps. Il ne fallait pas le considérer comme un centre commercial classique.

Pour se développer, sur quoi les centres commerciaux devront-ils compter principalement?
Toujours la capacité à attirer des enseignes populaires, comme Zodio ou Kiabi. Mais aussi les extensions, dans le respect du consommateur. Il y a encore dix ans, les centres se construisaient de façon anarchique avec des propriétaires différents. Désormais, les préoccupations architecturales, environnementales sont davantage prises en compte.

Pour éviter des oppositions des riverains ou des mouvements "zadiste" (militants occupants des "zones à défendre")?
En France, j'ai parfois l'impression que certains s'intéressent plus aux grenouilles qu'aux problèmes d'emploi. Cela coûte très cher aux pouvoirs publics, aux entreprises et même à tous ceux qui cherchent des emplois lorsque l'on retarde des constructions. La France est un cas particulier, en Allemagne, en Grande-Bretagne, cela va bien plus vite de construire des centres.

"Primark est une locomotive très présente"

Quelles sont les nouvelles locomotives des centres commerciaux ?
L'hypermarché reste une locomotive incontournable, quand il est performant, c'est un gage de réussite. Ensuite, incontestablement, dans les grandes surfaces spécialisées, Primark est une véritable locomotive aujourd'hui. La Fnac en centre-ville reste très importante. La restauration prend de plus en plus de place, notamment les petits kiosques qui vendent des gauffres, des crèpes ou des cocktails. Cela transforme l'expérience de visite en une expérience gustative.

Quelle est la plus-value pour les commerçants placés à proximité  de ces kiosques ?
On essaie d'équilibrer le parcours. Evidemment, quand le consommateur attend ou consomme un produit à un endroit, il a plus de temps pour regarder ce qui se trouve aux alentours.

Des sites internet permettant de louer des magasins éphémères fleurissent actuellement. C'est une menace ou une opportunité pour vous?

C'est bien, cela apporte de la nouveauté, de la vie, cela permet de tester des concepts. Et puis cela permet aussi d'apporter des produits plus adaptés aux saisons. Des maillots de bains en été par exemple. Ce n'est pas forcément la peine de consacrer des espaces à ces produits toute l'année.

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Jean-Michel Silberstein, délégué général du Conseil national des centres commerciaux

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La baisse du nombre de visiteurs dans les centres commerciaux semble s'être ralentie en 2014. Cependant, les premiers mois de 2015, au cours desquels les attentats à Paris ont coïncidé avec le début des soldes, sont marqués par une baisse plus forte de la fréquentation. Un niveau à différencier bien sûr des indices de performances. Ainsi au mois de mars 2015 (le dernier disponible), cet indicateur affichait une baisse de 3 points par rapport au mois précédent et 0,6 par rapport à mars 2014.

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LE CHIFFRE: 4,4 milliards investis

L'an dernier, quelque 4,4 milliards d'euros ont été investis dans les centre commerciaux. Un record depuis plus de dix ans qui dépasse même la somme des montants investis au cours des trois années précédentes.