Pourquoi L'Oréal se sépare de The Body Shop

Par Alexandre Gadaud  |   |  675  mots
L'entreprise de cosmétique The Body Shop est vendue pour 1 milliard d'euros au groupe brésilien Natura Cosméticos.
L'Oréal a finalisé la vente de sa branche de cosmétique "inspirée par la nature" The Body Shop, au groupe brésilien Natura. Un divorce qui marque un nouveau virage dans la stratégie du groupe français pour les cosmétiques "responsables".

Après onze années sous le même pavillon, The Body Shop quitte pour de bon le navire L'Oréal. Le plus important groupe de cosmétique mondial cède la chaîne britannique de magasins au brésilien Natura Cosméticos pour 1 milliard d'euros en valeur d'entreprise d'après un communiqué publié vendredi. L'entreprise dirigée par Jean-Paul Agon avait déjà annoncé l'identité du futur acquéreur le 9 juin, en précisant les termes de l'accord. La marque avait été rachetée par L'Oréal en 2006 pour 940 millions d'euros.

Lire aussi : L'Oréal choisit le brésilien Natura Cosméticos pour reprendre The Body Shop pour un milliard d'euros

La société brésilienne a précisé dans un communiqué qu'elle faisait "un pas de plus pour constituer un groupe de cosmétique mondial, multi-marques et multi-circuits". Le groupe fondé en 1969 et coté à la Bourse de São Paulo depuis 2004, qui réalise un chiffre d'affaires de 2,1 milliards d'euros, deviendrait ainsi le plus important groupe de cosmétique "verte" et axé sur l'éthique des produits. Une stratégie qui ne fonctionnerait plus entre le géant mondial français et la chaîne de boutiques britannique.

De marque innovante à entreprise stagnante

Pourtant, tout avait bien commencé pour The Body Shop. En avance sur son temps, l'entreprise, qui a fêté ses quarante ans en 2016, faisait figure de précurseur en matière de commerce équitable et de lutte contre les tests sur les animaux. Au départ, la fondatrice de la marque Anita Roddick avait simplement voulu créer "une entreprise qui a le pouvoir de faire le bien". Sur son site, elle précise aussi que l'unique objectif était alors de "dédier [son] business au changement environnemental et sociétal". Un état d'esprit qui se traduisait en boutique par une gamme de cosmétiques à base d'ingrédients naturels.

Aujourd'hui, le credo de l'identité de la marque n'a guère changé, et pourtant les résultats ne sont pas au rendez-vous. Du moins ils ne sont pas à la hauteur des espérances du groupe détenu par la famille Bettencourt. Les chiffres réalisés par l'enseigne britannique sont surtout en décalage avec ceux, bien plus florissants, des autres marques du géant des cosmétiques. Pour l'année 2016, The Body Shop affiche un chiffre d'affaires de 920,8 millions d'euros - en baisse de 4,7% par rapport à l'année précédente. Sa rentabilité fond aussi à vue d'œil, passant de 5,7% en 2015 à 3,7% sur l'exercice 2016. Pendant ce temps, les autres divisions du groupe - produits professionnels, grand public, luxe et cosmétique active - progressent toutes à plus de 20%, et précisent un peu plus le nouveau statut de brebis galeuse de la marque dans un groupe en pleine croissance.

Une entité à part et pas assez compétitive

A l'heure de l'abondance des marques de cosmétique sur un marché toujours plus avide de nouveautés, le renouvellement du catalogue de The Body Shop peine à surprendre et se concentre principalement sur des best-sellers lancés il y a plusieurs années. En France, des marques comme Yves Rocher ou L'Occitane en Provence développe un réseau de points de ventes gérés en franchise, ce que l'enseigne britannique s'est toujours refusée à faire. Elles ont également l'avantage de combiner boutique et institut de soins.

Après son rachat en 2006 par L'Oréal, la chaîne de boutique n'avait jamais réussi à parfaitement trouver sa place au sein d'un conglomérat tentaculaire. Bien que des synergies au niveau de la recherche et du développement aient eu lieues, The Body Shop était considéré comme une entité à part. Par exemple, les rapports d'activité du groupe dissociait la marque des quatre divisions du groupe et obtenait sa propre catégorie. Pourtant, nul doute que l'acquisition de l'entreprise britannique aura permis à la multinationale de mettre un pied dans le marché des produits naturels, et de se renforcer en développant son activité dans ce secteur, par le biais d'autres filiales comme Kiehl's ou Sanoflore.