Les (très matérielles) raisons cachées de la grève à la SNCF

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  505  mots
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L'appel à la grève des cheminots ce jeudi 13 juin contre le projet de réforme ferroviaire devrait être largement suivi. En réalité, deux sujets préoccupent cette catégorie de personnel. La réforme des retraites et la perte de leurs avantages qui pourrait intervenir en cas de dégradation de la situation de la SNCF sous l'effet de la concurrence.

La grève des cheminots jeudi 13 juin contre le projet de réforme ferroviaire devrait être très suivie. Plus que l'endettement croissant du système ferroviaire qui s'élève à 40 milliards d'euros, ou les conséquences de la création d'un gestionnaire unique d'infrastructures, les principales craintes sont ailleurs. Elles sont plus terre-à-terre. Elles touchent au quotidien des cheminots. Il y a deux sujets qui se télescopent. Le premier n'a rien à voir avec la réforme ferroviaire. Il s'agit de la réforme des retraites. « Les cheminots sont perturbés qu'on puisse leur demander de travailler plus longtemps ou qu'on ne calcule plus les pensions sur les six derniers mois mais sur les dix dernières années », explique une source proche des syndicats, préférant conserver l'anonymat. Le second sujet d'inquiétude concerne l'avenir des conditions de travail. Les cheminots craignent que l'évolution du ferroviaire français et de la SNCF ne conduise à la perte de leurs avantages. « Pour eux, l'ennemi numéro un, c'est la concurrence », explique la même source. Avec l'ouverture à la concurrence (à partir de 2019, ndlr), ils craignent, comme cela a été le cas pour le fret, une dégradation de la situation de la SNCF, et que celle-ci ne puisse pas préserver leur situation.  C'est la principale motivation des cheminots», précise-elle.

Convention collective
Pour rappel, l'un des volets essentiels de la réforme ferroviaire sera en effet de définir un nouveau cadre social pour l'ensemble du secteur. Même si la loi de 1940 qui régit le transport ferroviaire sera modifiée, le statut des cheminots sera conservé. Pour autant, une convention collective pour l'ensemble du secteur ferroviaire sera élaborée au sein de l'Union des transports publics (UTP), et sera retranscrite ensuite au sein de la SNCF par des accords d'entreprises. Objectif : harmoniser le cadre social, en évitant « tout dumping social » selon le gouvernement et les syndicats de la SNCF, qui veulent une harmonisation vers le haut. Notamment pour tout ce qui touche à l'organisation du travail (nombre de jours de repos, amplitude du temps de travail, temps de travail effectif, etc.). S'ils savent que le niveau conventionnel ne sera pas au niveau de celui de la SNCF, les syndicats veulent qu'il soit proche, afin d'éviter les distorsions de concurrence avec les nouveaux entrants. Ce chantier, qui devrait bien durer deux ans après la promulgation de la loi, est, de fait, crucial pour la compétitivité future de la SNCF. Car derrière les conditions de travail se jouent évidemment les futurs éventuels écarts de productivité avec les concurrents.

Complot
A ces craintes, s'ajoute l'agacement des syndicats à propos du manque de communication de la direction d de la SNCF et du ministre des transports qu'ils ont interpellé plusieurs fois au cours de ces derniers mois. Ayant eu le sentiment d'avoir été tenus à l'écart, l'idée de l'existence d'un complot visant à remettre en cause leurs avantages s'est répandue au sein des syndicats. Ils sont moins enclins à la négociation.