Air France face aux low-cost : la pression de British Airways et Lufthansa

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  933  mots
Après avoir perdu la partie face aux compagnies à bas coûts sur les vols court et moyen-courriers, Air France ne doit pas se faire distancer par British Airways-Iberia et Lufthansa dans la contre-attaque face aux low-cost. Or, en investissant massivement dans leur filiales à bas coûts respectives, Vueling et Germanwings, ces deux groupes mettent la pression sur la compagnie française qui doit présenter de nouvelles mesures en septembre pour redresser son activité moyen-courrier.

Attention danger pour Air France. Après avoir perdu la partie face aux compagnies à bas coûts sur les vols court et moyen-courriers, une autre bataille se profile pour le transport tricolore : celle de la contre-attaque, non seulement face aux low-cost, mais aussi face à ses deux rivales, Lufthansa et British Airways. L'enjeu est crucial. Si Air France n'a pas su résister à l'ascension de Ryanair ou Easyjet, elle ne doit pas, désormais, se faire distancer par Lufthansa et le couple British Airways-Iberia dans les armes à utiliser pour répondre de manière efficace aux compagnies à bas coûts. Or, les compagnies allemande et britannique mettent la pression sur Air France en investissant toutes les deux fortement dans leur filiale low-cost respective, Vueling pour British Airways-Iberia et Germanwings pour Lufthansa.

 IAG (British Airways et Iberia) : 20 milliards de dollars pour Vueling

IAG (International Airlines Group), la maison-mère de British Airways et d'Iberia l'a montré la semaine dernière en passant une commande géante à Airbus d'une vingtaine de milliards de dollars au prix catalogue destinée essentiellement à améliorer la force de frappe de Vueling, sa filiale à bas coûts espagnole achetée au printemps. Sur les 220 A320 commandés (62 fermes, 158 en option), 120 sont destinés à Vueling : 62 appareils commandés fermes (32 remotorisés Neo et 30 A320 classiques CEO) et 58 options, livrables entre 2015 et 2020. Le reste de la commande sera répartie selon les besoins à l'une des trois compagnies du groupe, British Airways, Iberia ou Vueling. De quoi augmenter et surtout renouveler la flotte actuelle de Vueling, composée aujourd'hui de 70 A320 en leasing. L'OPA de IAG sur Vueling et cette commande d'avions traduisent la volonté du groupe d'utiliser Vueling, et non pas British Airways (on le savait déjà) ou Iberia, pour riposter aux low-cost.

 Lufthansa muscle Germanwings

Lufthansa met également les bouchées doubles. Depuis le 1er juillet, la compagnie allemande transfère progressivement à sa filiale à bas coûts Germanwings, l'exploitation de son réseau intra-européen (à l'exception des vols reliant ses hubs de Francfort et de Munich). Les appareils de Lufthansa qui permettaient d'assurer ces vols vont progressivement passer chez Germanwings. La flotte de cette dernière doit passer de 34 à 90 appareils d'ici à 2015.

Des hôtesses et stewards de Lufthansa doivent également être transférés chez Germanwings. Une poignée l'a déjà été, mais pas aux conditions de Lufthansa. Ils sont embauchés sous contrat de travail Germanwings. Un tel accord n'a pas été rendu possible avec les pilotes. Aussi, les pilotes de Germanwings sont-ils embauchés en externe comme au sein de la Lufthansa Flight School, l'école de formation des navigants de la compagnie allemande.

Comme IAG, Lufthansa mise donc sur sa low-cost pour lutter contre les compagnies à bas coûts. En revanche, le maintien par Lufthansa d'une activité en propre des vols au départ et à destination de ses hubs de Francfort et de Munich, traduit les difficultés (impossibilités ?) pour les compagnies organisées en réseaux (et donc fonctionnant avec un système de vols en correspondances via des aéroports de transit -hubs-) de se couper des vols d'alimentation des hubs.

 Nouvelles mesures pour Air France en septembre

Aussi, de tels développements mettent la pression sur Air France-KLM et Air France en particulier qui a affiché en 2012 une perte d'exploitation de 600 millions d'euros sur ses vols court et moyen-courriers.  Alors que la direction va annoncer de nouvelles mesures de réduction de coûts à la rentrée comprenant notamment un nouveau plan de départs volontaires (PDV) pour 2500 personnes, les décisions sur le court et le moyen-courrier sont très attendues. Une montée en puissance de Transavia France, dont les coûts au siège dont inférieurs à ceux d'Air France ou de Hop, semble actée. « L'idée que Transavia puisse devenir un des vecteurs de croissance du groupe est quelque chose que nous regardons avec pas mal d'intérêt, avait déclaré le 26 juillet Frédéric Gagey, le nouveau  PDG d'Air France. Mais quelle en sera l'ampleur ? Sera-t-elle comparable à celles de Vueling et de Germanwings ou pas ? Pour l'heure, on en est loin. Avec ses 11 avions et son projet de monter à 20 appareils en 2015), Transavia France est pour l'heure bien maigre. Et ce, même en prenant compte la flotte de Transavia Hollande, filiale de KLM, (31 avions fin 2012). Le groupe Air France a, pour l'essentiel, riposté aux low-cost par des mesures internes de réductions de coûts et de modifications de l'offre commerciale. C'est le cas des bases de provinces de Marseille, Nice et Toulouse, où Air France développe sous sa propre depuis fin 2011 un nouveau système de production, mais aussi d'une nouvelle grille tarifaire avec plus de billets attractifs (offre Mini), et par le regroupement sous la marque Hop (qui n'est pas une low-cost) de ses compagnies régionales Britair, Regional et Airlinair.

 Le sens de l'histoire

Si le transfert de leur activité court et moyen-courrier vers une filiale semble le sens de l'histoire pour les transporteurs traditionnels européens, l'enjeu pour ces derniers tournent autour du rythme auquel doit s'effectuer cette mutation. Trop rapide, elle risque de déclencher des grèves de la part de salariés hostiles aux réductions d'effectifs et aux conditions de travail tirées vers le bas. Trop lente (ou trop progressive), elle risque d'arriver trop tard face à la concurrence. C'est en ce sens que l'offensive de Lufthansa et de IAG met la pression sur Air France. La compagnie va-t-elle frapper fort tout de suite ou va-t-elle agir de manière progressive ? Réponse en septembre.