SNCF : "Une ouverture à la concurrence réussie c’est.. pas d’ouverture du tout" (CGT)

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  838  mots
L'ouverture des marchés dometiques de voyageurs est prévue à partir de 2019
Alors que la directive sur la libéralisation des marchés domestiques de voyageurs à partir de 2019 se profile en 2014, le secrétaire général de la CGT cheminots, Gilbert Garrel, tire à boulets rouges contre l'ouverture à la concurrence.

2014, une année sous haute tension pour les syndicats de la SNCF. Bruxelles publiera sa directive concernant le quatrième paquet ferroviaire, lequel va parachever l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire avec la libéralisation des marchés domestiques de voyageurs à partir de 2019. Dans le même temps, en France, la loi sur la réforme ferroviaire passera devant Parlement. Elle prévoit notamment la mise en place d'une convention collective de branche qui inquiète les syndicats, même si le gouvernement souhaite un cadre social harmonisé vers le haut. L'ancien ministre des Transports Jean-Louis Bianco a beau dire que "l'ouverture des services ferroviaires n'est pas l'objectif principal de cette réforme" (contrairement à l'amélioration de la qualité et la reprise en main par l'Etat de la politique de transport), les deux dossiers sont néanmoins imbriqués. Frédéric Cuvillier, l'actuel ministre des transports, l'avait d'ailleurs clairement dit fin octobre 2012, lors de la cérémonie du 75ème anniversaire de la SNCF. "Il faut préparer le système ferroviaire français à la libéralisation. Il faut le faire en remettant les choses à l'endroit", avait-il dit dans son discours.

 "Subsidiarité des nations"

Cette libéralisation, les syndicats n'en veulent pas. Intervenant ce mardi à l'occasion d'un colloque de l'institut national de la consommation (INC) sur les bénéfices à attendre de l'ouverture à la concurrence, Gilbert Garrel, secrétaire général de la CGT cheminots (37% des voix) a tapé du point sur la table. "Quand on dit que la concurrence est inéluctable, nous sommes dans la pensée unique (…). Il n'y a rien d'inéluctable. Soit on fait ce choix soit non", a-t-il indiqué, en rappelant que les pays membres, pendant la crise, s'étaient, à plusieurs reprises, détournés des obligations européennes. "Il faut un droit de subsidiarité des nations" sur les sujets de "service public".

Hausse de la productivité

 Pour Gilbert Garrel, "il n'y a pas de service public libéralisé qui ait été bénéfique pour les salariés et les clients". "Cela s'est systématiquement traduit par une régression sociale", a-t-il déploré. En outre, il estime que l'ouverture à la concurrence et la baisse des coûts qu'elle engendre comporte des risques pour la sécurité. Concernant la productivité des cheminots, tant décriée, Gilbert Garrel, s'en est tenu à quelques chiffres. "Depuis 2002, elle a augmenté de 30% sur les TER ». Et de conclure sur le thème de la table-ronde à laquelle il participait ("les conditions d'une ouverture à la concurrence réussie") : "une ouverture à la concurrence réussie c'est…pas d'ouverture à la concurrence du tout ".

 Mouvement que l'on peut arrêter

Participant à la même table-ronde, Bernard Soulage, vice-président et la région Rhône-Alpes en charge de l'Europe et des relations internationales et Gilles Savary, député de la Gironde et rapporteur du projet de loi sur la réforme ferroviaire, n'ont pas partagé pas cet avis. "Il y a une démarche de l'Europe, je ne crois pas que l'on puisse l'arrêter", a répondu Bernard Soulage, ajoutant même que "ce n'était pas souhaitable (…) car ce serait préjudiciable à la France", dans la mesure où il n'y a pas de courants porteurs en Europe contres cette ouverture des marchés. Et de faire remarquer : "'Europe n'a jamais dit que l'ouverture à la concurrence était synonyme d'entreprise privée".

Réciprocité

Pour Gilles Savary aussi, "cette ouverture à la concurrence est inéluctable (…) et la réforme ferroviaire permet de gérer ce mouvement inéluctable, car la SNCF est aussi un gros opérateur à l'étranger". Il a ainsi mis en lumière un point bien précis du 4ème paquet ferroviaire, souvent oublié : sa clause de réciprocité. Celle-ci qui pourrait contraindre la SNCF à baisser la voilure au-delà de l'Hexagone si la France refusait l'accès à des opérateurs étrangers. "L'Europe, c'est la réciprocité", a renchéri Laurent Guihery, enseignant-chercheur au laboratoire d'économie des transports de l'Université de Lyon. Et constate-t-il, "il y a une absence de réciprocité puisque où les opérateurs français opèrent dans plusieurs pays européens".

Alberto Mazzola, le directeur des affaires internationales du groupe public italien Ferrovie dello stato italiane, l'a d'ailleurs bien rappelé. « La réciprocité est une question très importante», a-t-il dit. Alors que la société italienne est fortement concurrencée sur le marché intérieur italien par NTV, dont 20% du capital est aux mains de la SNCF, Alberto a déploré les refus de la France à sa demande d'opérer la ligne Paris-Milan.

Libéralisation ne veut pas dire dérégulation

 Enfin, à propos à la crainte du secrétaire général de CGT cheminots sur la sécurité, Keith Bastow, le directeur du développement d'Arriva (groupe Deutsche Bahn) en France, s'inscrit en faux contre ces propos. «Il est faux de dire que la libéralisation du marché conduit à un problème de sécurité. Libéralisation ne veut pas dire dérégulation, au contraire », a-t-il rappelé.