Taxes : les compagnies aériennes françaises en ont (aussi) ras-le-bol

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  988  mots
La hausse de redevances d'ADP serait de 2,95%, légèrement en dessous des 3% de l'année 2013 (Crédits : © 2009 Thomson Reuters)
Le Scara, un syndicat professionnel regroupant la quasi-totalité des compagnies françaises, déplore une avalanche de taxes et de redevances. Aéroports de Paris a proposé, selon nos informations, une hausse de ses redevances de 2,95% en 2014.

L'Etat, le ministère de l'Economie, celui des Transports, la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), Aéroports de Paris (ADP), tout le monde en a pris pour son grade. Les membres du Scara, le syndicat des compagnies aériennes autonomes (qui regroupe la quasi-totalité des compagnies françaises à l'exception d'Air France), ont, ce jeudi, dénoncé la "hausse sans fin" des taxes et des redevances qui frappe les compagnies aériennes, en grande difficulté pour la plupart. "Le manque d'écoute est sidérante", a déclaré Laurent Magnin, le président du Scara.

Demande d'une baisse de redevances de 5%

 Après la hausse de 12,7% de la taxe Chirac sur les billets d'avions, se profile en effet l'augmentation des redevances d'ADP en 2014. Le gestionnaire des aéroports de Roissy et d'Orly, qui a déjà fait part aux compagnies de ses intentions, leur communiquera le 19 novembre le niveau d'augmentation retenue, laquelle doit être validée par les ministères des Finances et des Transports.

De son côté, le Scara demande "une baisse de 5% des redevances", a indiqué Jean-Pierre Bes, le secrétaire général du Scara. Une requête qui "ne correspond pas à l'esprit du contrat de régulation économique", rétorque-t-on chez ADP, sans donner d'indication sur ses intentions. Prié d'indiquer quelle était la hausse évoquée par ADP lors de la dernière commission consultative économique (cocoeco), le Scara a, lui aussi, refusé de répondre.

Selon nos informations, la hausse de redevances dont a fait part ADP est de 2,95%, légèrement en dessous de la hausse de 3% de l'année 2013. Une proposition qui peut, certes, toujours évoluer légèrement. L'an dernier en effet, ADP avait dans un premier temps annoncé aux compagnies une hausse de 3,3% avant de proposer, lors de la dernière "cocoeco", une augmentation de 3%.

 Air France pour une stabilisation

Interrogé le 31 octobre dernier par quelques journalistes en marge de la présentation des résultats trimestriels, Alexandre de Juniac, PDG d'Air France-KLM avait indiqué qu'il demandait une stabilisation des redevances. Interrogé, Air France n'a pas fait de commentaires.

"Entre 2006 et 2013, les redevances aéroportuaires ont augmenté de plus de 30% quand l'inflation n'a progressé que de 11%. A Amsterdam et à Francfort, l'augmentation des redevances a été moins forte (+15% et +19%)", explique Jean-François Dominiak, vice-président du Scara et PDG d'Europe Airpost, qui précise que, de leur côté, les compagnies aériennes voient le prix moyen de leur billet baisser, de 3% en 2013 ».

Pour Laurent Magnin, on "marche sur la tête". "ADP nous balance en toute impunité des augmentations hors normes depuis une vingtaine d'années. Et qu'on ne vienne pas nous dire qu'il y a eu une amélioration du service : oui, il y a eu quelques progrès de ce côté-là mais uniquement ces dernières années, pas sur une durée de 20 ans".

 "Le CRE, une machinerie qui fait augmenter les redevances sans fin"

"Le problème, c'est le régulateur", explique Jean-François Dominiak. Pour rappel, ADP a signé avec l'Etat un contrat de régulation économique (CRE) qui détermine le cahier des charges d'ADP en termes d'investissements et le niveau des redevances. Ce dernier est plafonné à 2,2% hors inflation mais peut être majoré selon certains paramètres. "

Le CRE est une vaste machine qui permet d'augmenter les redevances sans fin", regrette Jean-Pierre Bes. "La DGAC n'est pas indépendante, elle est influencée par l'APE (agence de la participation de l'Etat, actionnaire d'ADP".

"On ne peut pas répercuter la hausse de TVA"

 Au-delà des seules redevances aéroportuaires, c'est toute la fiscalité sur le transport aérien et d'une manière générale sur l'ensemble des entreprises que le Scara remet en cause. A savoir la taxe Chirac sur les billets d'avions dont le Scara ne voit pas pourquoi elle ne concerne pas d'autres secteurs comme le transport ferroviaire; l'augmentation de 3 points de la TVA sur les transports sur les vols intérieurs (qui va coûter aux membres du Scara 30 millions d'euros); la hausse sur l'impôt sur les sociétés de 5 points,… "Nous sommes tous en concurrence. Nous ne pouvons répercuter la TVA sur les prix", se plaint Laurent Magnin.

Pour le Scara, cette hausse des charges est en contradiction avec les propos du ministre des transports, Frédéric Cuvillier, en février, sur la compétitivité du transport aérien français. En septembre, les administrateurs salariés d'Air France avait déjà alerté les pouvoirs publics sur ce thème.

"Les résultats financiers seront mauvais"

Le président du Scara dit avoir "la certitude que le pavillon français va dans le mur s'il n'y a pas une prise de conscience des pouvoirs publics". "Je ne garantis pas que les salariés du transport aérien n'auront pas de comportements brutaux", explique Laurent Magnin. "Cela ne s'est pas vu depuis longtemps, car il n'y a pas eu de plans de licenciements massifs".

Chez Air France, il s'agit en effet d'un plan volontaires. Chez Corsair aussi. Ailleurs, les effectifs diminuent. "Les départs naturels ne sont pas remplacés, on n'embauche plus", précise Jean-François Dominiak. Et d'ajouter : "on va inévitablement rentrer dans le dur, avec moins de développement et des plans sociaux (…). Avec l'hiver qu'on nous allons passer, les résultats financiers vont être mauvais". Mais, renchérit Laurent Magnin, "si elles disparaissent, les compagnies françaises seront vite remplacées par les compagnies étrangères".

Développement à l'étranger

Du coup, les transporteurs français regardent des projets de développement à l'étranger, comme l'a fait Air Med en créant il y a quelques années une filiale en Grèce. "Tout le monde a des projets comme ça, mais ils n'ont pas été mis en place", explique Jean-François Dominiak. Pour Air Med, sans ce développement à l'étranger, elle n'existerait plus.