Salon de Dubaï : les compagnies du Golfe affichent leur puissance

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  845  mots
Emirates a encore commandé 50 A380 et 150 B777X
Les compagnies du Golfe ont annoncé ce dimanche pour près de 145 milliards de dollars de commandes d'avions. En seulement dix ans, ces transporteurs, Emirates en tête, ont introduit sur le long-courrier la même révolution structurelle que les low-cost sur le moyen-courrier.

Le phénomène dure depuis plus de dix ans. Plus d'une décennie durant laquelle les compagnies aériennes du Golfe ont été les stars de tous les grands salons aéronautiques avec leurs commandes astronomiques. Notamment celui de Dubai devenu l'un des plus grands Airshows du monde confortant ainsi l'ambition des Emirats arabes unis de s'imposer comme une grande puissance aéronautique.

Ce dimanche, à l'ouverture de la 13ème édition de ce salon, Emirates, la compagnie de Dubai, Etihad Airways, sa voisine d'Abou Dhabi, et Qatar Airways, ont une nouvelle fois frappé fort en commandant pour près de 145 milliards de dollars d'avions au prix catalogue. Dont 99 pour Emirates avec sa mégacommande de 150 Boeing 777X et de 50 Airbus A380.

Novembre 2001, le premier coup de tonnerre  

Le point de départ de la saga de ces compagnies commence le 4 novembre 2001, avec la commande d'Emirates, le transporteur de Dubai, de 22 géants A380, 17 de plus que prévu un an plus tôt. Dans la foulée des attentats du 11 Septembre qui avaient porté un coup très dur au secteur, et alors que le plus gros contrat d'A380 signé jusque-là par Airbus ne dépassait pas la douzaine d'exemplaires, cette commande fit l'effet d'un coup de tonnerre.

Depuis, la compagnie de Dubai a multiplié et amplifié ses commandes (140 A380 avec les 50 commandés ce dimanche, 70 A350, 50 B777, et 150 777-X, ce dimanche), et a suscité des vocations : sortant tour à tour du capital du transporteur national Gulf Air (qui se résume aujourd'hui à Bahreïn), le Qatar, Abu Dhabi et le sultanat d'Oman ont créé respectivement Qatar Airways, Etihad Airways et Oman Air qui, à l'exception du dernier-né, se sont lancés eux aussi dans une stratégie d'expansion, à la conquête du monde.

Des stratégies de développement différentes

Mais avec des méthodes néanmoins différentes : si Emirates privilégie la croissance organique sans entrer dans les alliances globales (Star Alliance, Skyteam, Ornewordl), et commence à nouer des partenariats commerciaux bilatéraux dans certaines parties du monde (Qantas, Easyjet), Etihad se développe, certes aussi en moyens propres, mais aussi à travers une multitude de prises de participations aux quatre coins du globe.

Le transporteur d'Abou Dhabi est ainsi entré au capital d'Aer Lingus, Air Berlin, Air Serbia, Virgin Australia, Air Seychelles, ou encore Jet Airways. Qatar Airways se développe elle aussi très fortement en moyens propres, comme Emirates, mais, à la différence de celle-ci, n'a pas hésité à entrer dans une alliance puisqu'elle vient de rejoindre Oneworld.

Emirates, futur numéro 1 mondial

Aujourd'hui, ces compagnies sont devenues des mastodontes du secteur, notamment Emirates, cinquième compagnie mondiale et déjà numéro un mondial sur le trafic international. Un rang qu'elle devrait atteindre, tout type de trafic confondu (en passagers kilomètres transportés) d'ici à quelques années au vu de son incroyable développement.

Emirates exploite 208 appareils long-courriers, et en a désormais en commande 385, tous des gros-porteurs, d'une valeur de 166 milliards de dollars). Qatar Airways dispose de 130 avions et doit en recevoir plus de 200, tandis qu'Etihad Airways fait voler une centaine d'avions et en attend encore près de 200. Des chiffres qui donnent le tournis et font le bonheur des avionneurs.

 Des clients en or pour Airbus et Boeing

Pour Airbus et Boeing, les compagnies du Golfe sont des acteurs clés des programmes d'avions. Notamment chez Airbus et en particulier pour l'A380, un programme pour lequel elles représentent près de la moitié des commandes de l'A380 (pour l'essentiel du fait d'Emirates et ses 140 commandes sur 309).

Alors, qu'il ne possédait que 40% du marché du Moyen-Orient, Boeing a décidé de rattraper son retard. Et pour cause, le géant américain estime que les compagnies aériennes du Moyen-Orient vont commander 2.610 appareils au cours des vingt prochaines années, un marché estimé à 450 milliards de dollars.

 Des atouts multiples

De quoi faire trembler les concurrents. Avec leur croissance vertigineuse (20 % par an depuis 2001 pour Emirates, Qatar, Etihad pris collectivement), leur modèle économique -notamment celui d'Emirates qui vise à relier n'importe quelle ville du monde à une autre avec une seule correspondance, Dubai), l'excellente situation géographique de leurs hubs (entre l'Europe et l'Inde, l'Asie et l'Australie…), leur qualité du service tant à bord que dans les aéroports, la faiblesse de leurs coûts ou encore le soutien direct ou indirect de leurs Etats actionnaires, les compagnies du Golfe introduisent sur les vols long-courriers la même révolution structurelle que les low-cost sur les réseaux de moyenne distance.

Si les transporteurs européens et asiatiques sont déjà impactés, les compagnies des autres continents le seront également bientôt. Aujourd'hui, seule une restriction à grande échelle des droits de trafic émanant de pays cherchant à protéger leurs compagnies menacerait le développement des acteurs du Golfe. Pour l'heure, à part au Canada, cette décision évoquée ici et là est restée lettre morte devant la puissance diplomatique des Emirats. Notamment en Europe.

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